YAYA SANGARE, ex-député, et ministre, secrétaire à la communication, porte-parole du comité exécutif de l’ADEMA-PASJ « L’heure n’est pas à d’improductives et vaines récriminations, mais à l’action »
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Yaya Sangaré, dans l’entretien qu’il nous a accordé, revient sur la situation politique et sociale du Mali. Il parle de l’Adéma, et de son programme de relance. Entretien.
Mali-Tribune : Pouvez-vous parler de la vie de votre parti, l’Adéma-PASJ à l’heure actuelle ?
Yaya Sangaré : Nous sommes dans une dynamique de renouvellement de nos structures de base suite à une lettre circulaire de la direction nationale du parti. Cela participe de l’animation du parti et de la remobilisation des militants et sympathisants pour tout parti sérieux qui veut compter dans la gestion future des affaires publiques.
En même temps, je constate qu’il y a des responsables du parti qui ne veulent pas que leur base soit restructurée, peut être qu’ils ont peur de perdre leur poste mais aussi pour des raisons que j’ignore. Pourtant, la raison voudrait qu’on renouvelle nos structures de base, pour répondre aux aspirations des militants. C’est ainsi que nous pourrons aller à un congrès apaisé, responsable pour donner un nouveau souffle au parti et un nouvel espoir aux militants. Il nous faut revenir aux fondamentaux du parti, où nous allons faire triompher la démocratie à travers des débats d’idées.
Nous avons un problème de confiance dans le parti entre les militants et certains responsables, en qui ils ne se reconnaissent plus. Quand vous voyez des militants qui veulent changer leurs responsables, cela veut dire tout simplement que ces responsables ne travaillent pas à leur satisfaction. Voilà la confusion qu’on est en train de créer.
L’absence de transparence et de débats d’idées dans certaines structures du parti jette trop souvent la suspicion sur l’ensemble du parti. Ce qui occasionne certaines désaffections regrettables.
Je m’insurge contre la décrédibilisation de l’Adema-PASJ car, le cœur des vrais militants et des Maliens patriotes bat toujours pour ce parti. Pourvu qu’il leur donne espoir et crée la confiance. La preuve, aucun programme de gouvernement digne de ce nom ne peut se faire au Mali sans se ressourcer dans le projet de société de l’Adema-PASJ.
Les responsables du parti semblent bien loin des préoccupations des militants et sympathisants sur le terrain : l’image du parti est profondément dégradée, en certains endroits. Sans perdre espoir, le travail de terrain s’annonce laborieux pour les échéances électorales à venir. Il faut redonner tout son sens à l’engagement et à l’investissement militant au sein du Parti.
L’action de terrain est très souvent perçue comme une « tâche subalterne » par rapport à un travail de réflexion qui serait une activité plus noble.
Mali-Tribune : Que représente aujourd’hui le Comité Exécutif auprès des militants Adema-PASJ ?
Y.S. : Contrairement aux élucubrations de certains, nous sommes solidaires, très actifs et déterminés au Comité Exécutif pour la reconstruction du parti et l’élargissement de sa base électorale. Il faut reconnaître que tout n’est pas rose au regard de toutes les incohérences constatées çà et là par rapport aux ambitions des uns et des autres. En tous les cas, des bonnes volontés travaillent à rapprocher tous les cadres du parti afin qu’ils se retrouvent autour des valeurs fondatrices de notre parti: Travail, Solidarité, Justice. L’esprit qui prévaut est de peser sur les grandes décisions qui impactent la vie de la nation en toute responsabilité et en toute sérénité. Toutefois, je reconnais qu’il existe quelques bisbilles, des incompréhensions à gérer avec hauteur d’esprit et intelligence. Le Comité Exécutif saura démentir les pronostics prémonitoires et positionner le parti pour les défis futurs.
Mali Tribune : Quelle lecture faites-vous de votre parti après la mise en place de tous ces gouvernements successifs depuis le début de la Transition, sans vos cadres ?
Y.S. : Maintenant que les supputations sur la composition des organes de la Transition, surtout du gouvernement annoncé inclusif, sont presque conjuguées au passé, avec son lot d’heureux élus, et surtout son wagon de déçus, l’heure est, non pas à d’improductives et vaines récriminations, mais à l’action. L’action vigoureuse pour tous ceux qui aspirent à de quelconques responsabilités de prouver qu’ils ont une graine de leadership et des capacités à tirer notre parti de cette léthargie qui, à terme, risque d’être fatale pour lui. Nous observons malheureusement une confusion des sphères politique et militaire, qui se caractérise par une militarisation du politique, c’est-à-dire que la force est devenue une ressource des dirigeants politiques, avec comme résultat un clientélisme réciproque entre civils, militaires et religieux. La vigilance et la résistance seront de mise, chaque fois que nécessité est.
Mali-Tribune : Que pensez-vous de la Transition ? On vous accuse d’être des opposants à la transition…
Y.S. : Nous ne l’avons pas souhaité et une transition est par définition l’interruption du processus démocratique. Dans le cas d’espèce, un président démocratiquement élu a été chassé du pouvoir par des militaires et applaudis par des partis politiques légalement. Toutes choses en violation de la constitution et de la charte des partis politiques. Ceci dit, comme elle nous a été imposée, nous nous sommes engagés en tant que démocrates et républicains à nous investir pour qu’elle réussisse en débouchant sur des élections générales démocratiques, inclusives, transparentes et acceptées de tous. Confiants de notre base électorale et de nos structures, nous travaillons plutôt sur l’après transition, car nous sommes convaincus que la conquête et l’exercice du pouvoir se gagnent dans les urnes, au suffrage du peuple, et non par des armes ou par de quelconque malice sans lendemain. La transition telle qu’elle est conduite n’inspire pas confiance, ne rassure pas et n’entretient pas l’espoir suscité aux lendemains du coup d’Etat du 18 août 2020. Pour notre part, les délais prescrits pour la transition doivent être scrupuleusement respectés et les priorités doivent rester concentrées autour de la sécurisation du territoire national avec le retour de l’administration et la bonne organisation des élections générales. Le parti Adema-PASJ a des contributions pertinentes sur toutes ces questions qui, si elles étaient prises en compte aideraient et les autorités à la stabilité du pays et à la réhabilitation du pays sur la scène internationale. Les brouhahas en cours ne distrairont notre parti qui travaille à rassembler les forces politiques substantielles du pays pour le bien-être des maliens.
Il ne s’agit pas de s’opposer ou de soutenir. En tous les cas, nous accompagnons tant que faire se peut et nous assumerons nos actes et propos. En fait, nous sommes opposés aux pratiques de certains acteurs de la transition, nous sommes opposés à l’exclusion, à l’ostracisme et nous sommes opposés à toutes les formes d’atteinte aux libertés individuelles et collectives pour lesquelles des martyrs sont tombés en mars 1991. Nous sommes opposés à la manipulation de l’opinion publique en faisant croire que les échecs du pays sont imputables à notre seul pays. Nous combattrons cette réécriture tendancieuse de l’histoire récente du pays.
Mali-Tribune : Votre confiance en votre parti est-elle toujours intacte…?
Y.S. : A point, contrairement à ceux qui pensent que tout est perdu et que le salut ne peut venir que d’un plat arrimage à une quelconque force qu’elle soit politique ou sociale. Malgré les aléas du moment, je suis persuadé que notre parti détient encore bien des cartes maitresses pour rebondir, et de plus belle, et tenir le leadership d’une plateforme politique et électorale solide. Nous devons surtout profiter de l’état de désarroi actuel dans lequel est plongée toute la classe politique pour proposer une nouvelle offre politique pour une gouvernance vertueuse. Ce parti connait de graves désillusions aujourd’hui, qui risquent à terme de freiner bien des ardeurs et même de pousser à bien des désenchantements. Aujourd’hui, nous devons chercher à tirer avantage de cette situation inespérée.
Notre parti a l’avantage de présenter une armature bien plus solide, ce qui lui a permis de résister à beaucoup de coups de boutoir. Nous avons les moyens de sauver une bonne partie de notre énorme potentiel, ce qui nous permettra aisément de rebondir et de prétendre compter encore sur la scène politique nationale.
Mali-Tribune : Votre parti manquerait-il de leadership ?
Y.S. : En définitive, le mal dont souffre le parti est connu. Il se nomme absence de leadership et d’une Direction crédible et capable de surmonter ses intérêts personnels au profit de ceux du parti et d’une cause plus louable, tel que l’intérêt général et celui du pays tout entier. Durant tous les évènements qu’a connus le pays, on a vu très peu de dirigeants émettre la moindre opinion, la plupart restant dans leurs petits coins, comme pour scruter l’avenir et ne prendre position qu’au gré du vent, ce qui est inconcevable pour des responsables qui se doivent de guider et de donner une visibilité à ceux qui les ont investis. Le problème n’est pas ceux qui se sont platement alignés, par intérêt strictement personnel, devant les princes du jour, mais ceux dont le silence assourdissant laisse clairement entendre qu’ils n’ont pas de position, ou manquent simplement de sens politique ou de courage. Aujourd’hui, chacun devrait faire entendre sa voix, s’il veut continuer à exercer une quelconque responsabilité.
Mali-Tribune : L’Adema-PASJ est absent sur les grandes questions qui engagent le pays. Est-ce une démission ou une peur de la réaction de la nouvelle classe politique émergente ?
Y.S. : Le parti doit s’assumer courageusement et prendre son destin en mains. C’est le prix à payer pour se faire respecter, autant par les autorités de la Transition dont on ne peut que comprendre l’apparent mépris et le manque de considération à notre égard, que par tous les autres partis politiques dont certains sont prêts à se joindre à nous pour des combats communs. Tout cela dépendra des dirigeants que nous nous donnerons, et cela dans des délais raisonnables, pour éviter le pire. Nous sommes dans une arène, et le respect de l’adversaire se force.
Mali-Tribune : Etes-vous inquiet pour le devenir de votre parti ?
Y.S. : A la fois oui et non. Non parce que je crois fermement que les compétences de l’Adema qui ont pris de la distance et celles qui sont restées sont capables de se surpasser pour penser « Parti » et oublier leur « moi ». Ces personnalités, il n’en manque pas du tout. Elles se nomment Alpha Oumar Konaré, Dioncounda Traoré, Ousmane Sy, Pr. Ali Nouhoum Diallo, entre autres, capables de tous les sacrifices pour rebâtir l’Adema-PASJ. Sauf si Satan les habitait encore pour les en dissuader. Et ce serait très périlleux pour la démocratie tout court et la stabilité dans notre pays. Parmi ceux que je viens de citer, il y a certes des fâchés et des très fâchés mais, comme je suis d’un naturel optimiste, ils poursuivront leurs œuvres pour le confort de la République et de la Liberté.
Mali-Tribune : Quel ressentiment avez-vous après tous ces événements qu’à connu le pays ?
Y.S. : J’ai été sérieusement choqué par le comportement irréaliste de certains acteurs de premier plan du mouvement démocratique pendant les événements insurrectionnels de 2020. Des acteurs clés du mouvement démocratique du 26 mars 1991 qui ont appelé publiquement, sans retenue aucune, des manifestants surexcités à s’attaquer sans discernement aux symboles de l’Etat (Assemblée nationale, Cité administrative, ORTM, etc.) occasionnant morts d’hommes et destructions des biens publics et privés. Ils ont osé s’allier avec des nostalgiques de la dictature pour interrompre le processus démocratique chèrement et laborieusement acquis. Ils ont contribué à chasser du pouvoir un Président de la République démocratiquement élu, issu des urnes. Ils ont activement participé à l’effondrement de nos institutions républicaines sur lesquelles repose tout état moderne. Ils ont appelé à la violence rejetant toutes les voies du dialogue. Ils ont installé la haine, l’animosité sur la scène politique. Aux questions politiques, nous devrions avoir l’élégance et la patience d’apporter des réponses politiques. Sans faux-fuyants, dit-on ! Encore moins de raccourcis putschistes ! La politique ne saurait se résumer à un combat à mort, elle doit être plutôt un combat d’idées, de projets. Ignorer ce préalable élémentaire, est simplement antipatriotique et inexcusable. Aujourd’hui, ces pseudo-démocrates haineux regardent, sans le vouloir, l’installation métastasée du pouvoir kaki, issu des armes. Ils écoutent sans vouloir entendre les plaintes et complaintes des populations désabusées.
En tous les cas, nous nous rappellerons de leurs visages, de leurs propos incendiaires et irresponsables, de leurs noms. L’histoire se chargera de le rapporter comme elle l’a fait pour leurs précieuses contributions à l’avènement de la démocratie, de l’Etat de droit en 1991. La démocratie est le moins mauvais de tous les pires systèmes de gouvernance, dit-on. Il n’y a jamais de gagnants permanents ni de perdants permanents. Améliorons-la, elle est perfectible, au lieu de la briser à chaque mécontentement. Les urnes doivent rester la seule voie de conquête du pouvoir d’état dans notre pays quelles que soient les difficultés. Nous avons la preuve qu’elle n’est pas irréversible, car la moindre erreur d’appréciation peut lui être fatale. Sans passion, sans règlements de comptes personnels, soyons plus positifs et tolérants.
Le Mali est trop important pour être dans les mains d’aventuriers et d’insouciants. Nous avons le Mali en commun, quoi qu’il arrive !
Propos recueillis par
Idrissa Diallo
Correspondance particulières
Source: Mali Tribune