Violences sexuelles, l’appel de 100 avocats : « Il faut en finir avec l’aléa du dépôt de plainte »
Meguetan Infos
A l’initiative de Karen Noblinski et Rachel-Flore Pardo, cent avocats réclament, dans cette tribune, que les victimes puissent être assistées par un avocat dès le dépôt de plainte. « L’imprécision des textes conduit [aujourd’hui] à une forme d’arbitraire quant à l’assistance de l’avocat », dénoncent-ils.
Leur tribune : « Le 23 septembre 2021, le témoignage d’une jeune femme alertait sur les manquements constatés dans la prise en charge des dépôts de plainte pour violences sexuelles. Depuis ce jour, le hashtag Double Peine a inondé les réseaux sociaux, incitant des milliers de victimes à s’exprimer sur la façon dont elles ont été reçues dans les commissariats. Dans l’exercice de notre profession, nous sommes chaque jour témoins de défaillances au stade de l’enquête, qui in fine nuiront au bon déroulement du procès pénal. Dans de nombreux commissariats, les effectifs sont formés aux violences sexuelles et exercent leurs fonctions avec compétence, patience et empathie. Mais il subsiste des cas où la prise en charge des victimes est inadaptée et incite ces dernières à abandonner le combat judiciaire.
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Ces révélations nous obligent, nous, avocats, à rappeler certains principes consacrés par le code de procédure pénale et surtout à appeler à une évolution de la loi pour plus de clarté, afin d’améliorer les conditions de prise en charge des victimes.
La célérité avec laquelle une plainte est recueillie constitue à l’évidence, par les éléments de preuve qu’elle permet de réunir, la garantie d’un procès équitable
Le code de procédure pénale prévoit que les forces de l’ordre sont tenues de recevoir les plaintes déposées par les victimes d’infractions. Cependant, nombreuses sont celles dont la plainte n’est pas reçue. Et lorsqu’elle l’est, c’est parfois avec une attente longue, des remarques maladroites ou l’impossibilité d’être immédiatement examinée par les unités médico-judiciaires.
Pourtant, pour les victimes de violences sexuelles, les heures qui suivent l’agression sont déterminantes. Nul ne saurait nier que le temps écoulé entre la commission des faits et la présentation devant les forces de l’ordre a des conséquences sur le dépérissement des preuves, à commencer par l’examen gynécologique de la victime, qui ne sera d’aucune valeur s’il n’est pas réalisé en temps utile.
La célérité avec laquelle une plainte est recueillie constitue à l’évidence, par les éléments de preuve qu’elle permet de réunir, la garantie d’un procès équitable, tant du côté des parties civiles que de la défense.
Le code de procédure pénale ne consacre pas expressément le droit d’être assisté d’un avocat lors du dépôt de plainte. Il fait uniquement référence à la possibilité pour la victime d’être accompagnée par son représentant légal ou la personne majeure de son choix.
Le ministère de la Justice, en 2019, s’est lui-même prononcé en faveur de la présence de l’avocat. Pourtant, il est fréquent que, lorsque celui-ci se présente au commissariat afin d’accompagner son client, il se voie empêché d’assister à l’audition.
La somme des témoignages apparus ces dernières semaines doit faire naître une prise de conscience nationale immédiate
L’imprécision des textes conduit à une forme d’arbitraire quant à l’assistance de l’avocat alors que celle-ci est essentielle pour l’appui juridique et le soutien psychologique qu’il apporte à la victime.
Les premières vertus que l’on attend d’une loi sont qu’elle soit claire et précise. Ainsi, il doit être mis un terme à l’ambiguïté que présentent ces textes, en consacrant formellement un droit des victimes à être assistées par un avocat, et ce dès le dépôt de plainte.
La somme des témoignages apparus ces dernières semaines doit faire naître une prise de conscience nationale immédiate. Nous attendons des pouvoirs publics que les textes soient clarifiés et mis en œuvre de manière à garantir la prise en charge effective des victimes. »