UNE CAPITALE (FRANÇAISE ?) POUR LA DOMINATION EUROPÉENNE SUR L’AFRIQUE SAHÉLIENNE ?
Reprenons le fil du rapport rédigé par le député Jean-Michel Jacques pour le compte de la délégation de la Commission de la Défense de l’Assemblée Nationale française qui s’était rendue au Mali et au Niger à la fin du mois d’octobre 2018 pour constater l’état d’avancement du G5 Sahel.
Misère, corruption, autorités locales africaines sans réel pouvoir au beau milieu de sociétés déstructurées au fil des années de colonisation puis de décolonisation plus ou moins captée par les pays occidentaux dès après l’implosion de l’Union soviétique : le malheur y est la chose la mieux partagée… Mais pas pour tout le monde. C’est ce que maintenant nous allons voir, grâce à nos gentils voyageurs, tous bien d’accord avec la domination militaire, politique et économique que l’Occident – et tout spécialement la France – organisent dans les interstices des soulèvements populaires locaux… La colonisation est bien toujours semblable à elle-même.
Nous voici projeté(e)s dans la capitale du Niger : Niamey. La carte jointe (gracieusement fournie par la délégation) permet de voir que cette ville est excellemment située – au sud-ouest du pays – pour organiser une veille rapprochée non seulement sur le Niger, mais aussi sur le Burkina Faso, sur le Mali, et de façon plus lointaine sur la Mauritanie et sur le Tchad. Voilà pour la géographie. En ce qui concerne le temps, cette ville-capitale peut nous montrer le résultat durable de la maîtrise que la France s’est octroyée, dans ce pays, sur les mines d’uranium depuis la fin des années soixante…
Nous y sommes témoins – par l’intermédiaire de la délégation de la Commission de la Défense – d’une transfiguration totale de cette zone étroite en une petite France… Désormais il s’agit, en effet, d’un os bien français implanté au coeur même de l’Afrique sahélienne et sur lequel les Africains – s’ils restent livrés à eux-mêmes – ne pourront que venir régulièrement se casser les dents.
Voici ce que nous dit le rapporteur de la seule zone aéroportuaire :
« La base aérienne projetée de Niamey est une véritable petite ville, et je dirai même que son chef de corps est l’équivalent pratiquement d’un maire. »
Petite ville… autonome… française, au sein même du Niger-uranimum… Et qui répond aux nécessités d’un transport aérien d’une ville qui, en France, ne serait pas nécessairement trop petite elle-même…
Tendons l’oreille à ce que nous dit Jean-Michel Jacques :
« La base aérienne de Niamey, en 2017, a eu près de 6000 tonnes de fret, soit la moitié du trafic de l’aéroport de Bordeaux, et plus de 7000 mouvements d’aéronefs, soit le trafic de l’aéroport de Nantes, et plus de 4500 passagers, soit 80 % des relèves de la force Barkhane. »
En effet…
« Nos soldats passent pratiquement tous par Niamey. »
Ainsi, à peine sortis des avions, les voici déjà… en France. Et quelle France !…
« …la base de Niamey est aussi un outil de rayonnement avec un impact économique : près de 11 millions d’euros par an de contrats locaux qui permettent quand même de diffuser une certaine richesse aussi autour de cette base, et 35 millions d’euros par d’achats de carburant qui font de la base aérienne projetée de Niamey le premier consommateur national avant l’aéroport international de Niamey. »
Or, ce n’est en quelque sorte qu’un début, puisque voici venir les petits copains…
« Bientôt, de nouvelles infrastructures sur Niamey : un nouveau parking aérien annoncé par la chancelière allemande à l’Union africaine en juillet 2018 ; une nouvelle zone-vie franco-allemande aussi, et on peut apprécier à quel point la proximité entre les soldats de ces deux nations est forte… D’ailleurs entre ces deux secteurs, il n’y aura même plus de clôture… Pour vous dire l’imbrication des uns et des autres… »
Des Français et des Allemands… les Allemands de madame Merkel… dont on sait qu’elle va céder assez prochainement la place à des gens un peu plus durs – ou beaucoup plus durs ? – qu’elle…
Et puis quelques autres tout aussi peu décidés à se satisfaire de la muselière française…
« Par ailleurs, nous pouvons constater la consolidation de la coopération avec les États-Unis, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et le Canada. »
Alors ?… Niamey, capitale européenne du G5 Sahel… et, bien sûr, pas que pour l’uranium du Niger… et pas que pour les beaux yeux de la France ?…
Mais ne sont-ce pas la Chine et la Russie qui en décideront, pour finir ?
NB. Quant à la politique coloniale de la France, voir ce que j’ai écrit ici.
Source: agoravox