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Un empereur rouge sur un continent noir

C’est ainsi que le quotidien burkinabé Aujourd’hui décrit la visite en Afrique du N°1 chinois Xi Jinping. Le Sénégal ce week-end, puis le Rwanda, l’Afrique du Sud et l’île Maurice.

« Qu’est-ce qui peut bien faire courir Xi Jinping en Afrique ? », s’interroge le journal. « Bien sûr, il y a les projets pharaoniques que la Chine va financer et réaliser en Afrique : routes, échangeurs, hôpitaux, infrastructures sportives, telle l’arène de lutte sénégalaise inaugurée hier dimanche à Dakar avec son homologue Macky Sall, ou encore le train Dakar-Bamako en friche. Soit, la Chine est le premier partenaire économique de l’Afrique depuis 2009 (…). Mais, pointe Aujourd’huien digne successeur de Mao Zedong, Xi Jinping perpétue le dicton chinois : ‘peu importe la couleur du chat, pourvu qu’il attrape des souris’. Les micmacs pouvoir-opposition, les droits de l’homme, la démocratie, bref, les affaires intérieures d’un pays ne sont pas la préoccupation de la Chine, les affaires, encore les affaires et toujours les affaires. Manquant de ressources naturelles, disposant de peu de terres arables et ayant besoin de plus en plus de main d’œuvre bon marché,conclut le quotidien ouagalais, la Chine ne peut que se tourner vers ces tristes tropiques longtemps délaissés, négligés ou moqués, où se jouera le combat géostratégique entre puissances mondiales. »

Partenariat gagnant-gagnant ?

Au Rwanda, à mille lieux de toute critique, la presse officielle célèbre l’arrivée à Kigali de Xi Jinping… « La Chine et le Rwanda cherchent à resserrer leurs liens  », s’exclame The New Times. Le quotidien rwandais fait l’éloge d’un partenariat gagnant-gagnant : « cette coopération entre la Chine et l’Afrique est largement considérée comme un succès majeur dans le système international d’aujourd’hui et comme un modèle de coopération mutuellement bénéfique avec une signification constructive et positive. La coopération sino-africaine est également un modèle de coopération Sud-Sud, relève encore le quotidien rwandais. (…) Le Forum sur la coopération sino-africaine a donné à l’Afrique une alternative à la coopération Nord-Sud. Il a donné une voix supplémentaire aux pays en développement sur la scène internationale. Et il est d’une grande importance pour la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement des Nations Unies. »

Même enthousiasme dans la presse sénégalaise : « La Chine, source d’inspiration et de capitaux », s’exclame le quotidien Enquête à Dakar. « De par sa trajectoire, la Chine est un exemple pour le Sénégal. De par son économie, elle est une source de financement. (…) Nul doute que l’Afrique trouvera en la Chine un partenaire intéressé, elle qui cherche à diversifier ses contacts pour trouver de nouveaux débouchés commerciaux, mais aussi se donner les moyens d’éviter le piège occidental. »

Nouvel endettement ?

Ledjely tempère ce bel enthousiasme… Certes, reconnait le site guinéen, « avec comme atouts un coffre-fort plein et l’option de ne pas se mêler des sujets susceptibles de fâcher les dirigeants africains, la Chine opère une percée spectaculaire en Afrique. Les partenaires hérités du système colonial en sont tout groggy. Et du côté africain, on semble se frotter les mains. »

Mais, prévient Ledjely, « l’Afrique devrait notamment réaliser que, comme avec les partenaires occidentaux, elle demeure dans un rôle exclusif de pourvoyeur de ressources naturelles. En Guinée, c’est essentiellement la bauxite qui attire la Chine, tandis qu’au Sénégal, c’est surtout l’arachide et qu’au Nigéria et en Angola, c’est le pétrole. Bien sûr, en Afrique, le niveau d’industrialisation est tel qu’on ne peut envisager qu’elle exporte des marchandises ou de l’expertise en Chine. Mais on devrait au moins mettre l’occasion à profit pour envisager la diversification de l’économie du continent. Par ailleurs, poursuit Ledjely, il ne faut pas perdre de vue la dimension ‘endettement’ qui sous-tend cette coopération qu’on chante tant aujourd’hui. On devrait toujours avoir à l’esprit le fait qu’il s’agit d’argent à rembourser. »

Enfin, pour le sinologue Thierry Pairault, interrogé par Le Point Afrique, il ne faut pas se leurrer : « la présence des Chinois en Afrique n’est pas une présence d’investisseurs, contrairement à ce que l’on nous présente souvent. La Chine réalise des prestations de services pour lesquelles elle est payée, et c’est en général le gouvernement du pays qui investit. Cela montre bien que la stratégie de la Chine n’est pas de s’installer en Afrique, mais de vendre immédiatement des produits et des services. (…) La France, le Royaume-Uni et les États-Unis,relève encore Thierry Pairault, investissent beaucoup plus en Afrique que la Chine. »

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