Le nouveau Président de la Cedeao, M. Umaro Sissoco Embaló de la Guinée Bissau, semble vouloir organiser un sommet extraordinaire de l’Organisation en marge des travaux de la 77ème session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations-Unies auquel il souhaiterait convier d’autres leaders de pays non Africains pour se pencher sur l’actualité de la sous-région et plus particulièrement pour parler de la situation politique au Mali et en Guinée. Nous nous interrogeons sérieusement sur la sagesse de cette décision du Président Embaló.
Le Président se fait des illusions sur la capacité de l’Onu à trouver des solutions aux problèmes terrestres. Depuis sa création, les Nations Unies n’ont jamais pu trouver de solutions durables à un problème Africain. Pourquoi alors tenir un sommet de la Cedeao sous cette tente et de surcroît inviter ceux qui contrôlent cette organisation à se pencher sur les crises que vivent nos pays ? M. Embaló fait à la fois une très mauvaise lecture et une très mauvaise compréhension des événements et des rapports de forces et surtout la volonté profonde de nos peuples pour une renaissance de l’idéal Africain. Ce sont ces erreurs d’analyse et de manque de maîtrise de la géopolitique et de la géostratégie de la part de nos gouvernants qui nous ont conduits dans l’impasse où nous nous trouvons. Finalement, le Président Embaló semble donner raison aux détracteurs de l’institution sous régionale.
Tandis que les Africains parlent d’une nouvelle phase dans les relations internationales qui exige la création des institutions plus en phase avec les nouvelles réalités de nos pays et le rejet de position de monopole ou de dominance d’un groupe restreint de pays, certains de nos gouvernants semblent vouloir le contraire ; en effet, vouloir la préservation de la place des puissances étrangères dans nos pays. Donc, loin de permettre une sortie de crise en Guinée et au Mali, les actions de ce sommet extraordinaire ne conduiront qu’à une soumission aggravée et forcée de nos pays aux logiques des dirigeants de l’organisation internationale et qui nuiront bien sûr au bien-être de nos populations.
Les peuples africains ont la soif de s’émanciper de la dominance extérieure. Nos populations ne veulent plus les exigences de pays recourant aux mesures de coercition directe et de pays donneurs de leçons aux mœurs encore plus dépravées. Quand on voit le comportement arrogant, prétentieux et surtout malsain de certains leaders politiques à l’international qui déconstruisent tout partout où ils passent au nom du mondialisme, il y a de quoi se révolter. Les populations africaines se veulent ouvertes sur le monde extérieur. Cet esprit de vouloir participer au processus de ‘‘mondialisation’’ repose sur notre volonté d’évoluer avec un monde changeant malgré l’imposition du schéma de pensée et le mode de vie sociale et économique très différents de nos valeurs. Cependant, les arrogants mondialistes refusent de se rappeler que leurs valeurs ne sont pas forcément les nôtres. Il existe de ce point de vue un oubli voulu et irresponsable de leur part auquel il faut mettre fin immédiatement.
Il va sans dire que cette initiative du Président de la Cedeao constitue une ligne de fracture dans nos sociétés sous régionales. Cette décision qui ignore la volonté affichée de nos peuples pour une émancipation totale est aussi contraire aux prescriptions des constitutions de nos États.
Or, notre ambition pour la Cedeao dans la communauté internationale est de porter haut les valeurs de nos pays et nous voulons certainement que les Africains soient gagnants dans la mondialisation. Aujourd’hui, plus que jamais, nous voulons que notre communauté sous régionale soit le moteur de la refondation des institutions internationales, une communauté plus forte et plus protectrice, une Cedeao qui refuse la naïveté et défende les intérêts des peuples des États membres.
Chaque peuple veut que son pays prenne toute sa place dans la Cedeao et dans le monde. Notre destin se jouera dans une Cedeao plus rassemblée. Nous voulons une Cedeao qui change dans un monde nouveau. Nous voulons une Cedeao qui œuvre pour des changements politiques et sécuritaires, économiques et sociaux qui répondent aux attentes des peuples de la Communauté. Nous voulons une Cedeao sociale, qui puisse servir de modèle aux autres peuples de l’Afrique tout en étant au service de l’homme. Nous voulons une Cedeao qui gagne en efficacité, en lucidité et en démocratie. Une Cedeao qui défend de bonnes politiques de gouvernance et non une démocratie de façade. Nous voulons une Cedeao plus simple, pour que chacun puisse comprendre les modalités de décision africaine et les responsabilités des institutions. Les citoyens des pays membres de la Cedeao veulent une organisation qui permet l’émergence d’un système économique et social au service des peuples de la communauté, et qui comprend sûrement les aspirations de ses peuples.
Nos pays ont besoin de gouvernants qui ont la confiance de nos peuples. Des gouvernants qui sont les seuls maîtres d’œuvre, guidés par les seuls intérêts de nos pays, et assurant la cohérence des politiques. Aussi, souverain, nos pays doivent faire leurs propres choix et devenir le gestionnaire unique de leur destin.
Enfin, en ce qui concerne le Mali, nous rappelons avec force qu’il est hors de question de fragiliser la voix du Mali dans la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest en remettant en cause sa place de membre actif et de droit. Aussi, quelle que soit la nature de la crise que nous traversons, nous n’accepterons jamais que notre pays soit mis sous tutelle.
Que Dieu bénisse nos nations dans une Afrique unie et en paix.
Cheick Boucadry Traoré
Mali Tribune