C’est un militaire et non un politique qui a été appelé à la rescousse pour assurer l’intérim du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga. Ça passe. Près d’une semaine déjà, il n’y a pas eu un communiqué désapprobateur, ni meeting contre, ni marche ou même pas un rassemblement sur la place de l’Indépendance pour exiger un chef de gouvernement politique, intérimaire soit-il.
C’est que les politiques ont bien compris et appris la leçon, tiré les enseignements, qu’ils ont gâché toutes leurs cartouches et doivent attendre longtemps. La faillite de l’Etat malien et le coup d’Etat post-crise électorale de 2020, sont des effets de la mal gouvernance endémique, de l’échec des politiques, qui n’est pas forcément celui de la démocratie restée un mirage. Bon nombre d’hommes politiques en décalage par rapport à leur peuple doivent se mettre à l’évidence. C’est une réalité dans la plupart des Etats sahéliens, notamment le Mali et ses voisins, le Niger et le Burkina Faso. Dans ces pays, une certaine classe politique transforme le respectable peuple en bétail électoral pour accéder au pouvoir, user et abuser des ressources publiques dont nos impôts, pour se tailler une place au soleil.
La CEDEAO, aussi devenue amorphe depuis la levée des sanctions contre le Mali, qui plus est suivie de la visite au Mali du président sénégalais, Macky Sall, président de l’Union africaine, a-t-elle compris qu’elle s’est faite l’avocat du diable et fourré le doigt dans l’œil ? La transition actuelle, avec les militaires aux commandes, n’est pas imposée aux Maliens. C’est une dernière alternative qui s’est offerte aux Maliens, quand d’autres options, notamment politiques, ont lamentablement trahi.
De la ferveur de mars 1991 à la débâcle électorale de 2020, trois décennies de rendez-vous manqué avec le peuple malien, de promesses non tenues, d’opportunités détournées aux seuls profits de certains acteurs politiques, qui ont transformé leurs partis politiques en « Groupement d’intérêt économique (GIE) », la gouvernance, la fonction publique et les services publiques, en services d’intérêts personnels (SIP), pour leur positionnement personnel, afin de mieux se servir.
Qu’on apporte le démenti qu’il n’y a pas eu et qu’il n’y a pas des fonctionnaires milliardaires, qu’il n’y a pas eu d’intégration à la fonction publique servant de prébendes politiques, que certains opérateurs économiques milliardaires le sont sur des marchés juteux de l’Etat, parfois irrégulièrement attribués, assortis d’exonérations à la pelle, non exécutés ou mal honorés.
Certains acteurs, des fossoyeurs de l’Etat, ne sont pas des citoyens, mais des usagers inventeurs sans cesse, d’astuces pour mieux se servir de l’Etat. Ils ne se soucient pas du devenir de leur peuple et de la nation.
Quand les politiques comprendront qu’ils n’ont de force saine que celle du peuple, ils comprendront réellement que la finalité de la démocratie, c’est le pouvoir pour servir le peuple, tout le reste est leurre, inertie et éphémère supercherie. Les militaires, qui ne sont pas préparés pour faire face à de tels défis qui demandent une expertise politique, réussiront-ils à réaliser l’émergence économique à partir de nos opulentes ressources, et asseoir une justice sociale au Mali ?
Les ardeurs politiques vont-elles s’amenuiser et certaines politiques mouvementées moins pour sauver la patrie en danger de disparition, que par la danse du ventre ? Vont-elles se réduire drastiquement ? Oui, avec un militaire Premier ministre par intérim, les disputes et guéguerres politiques pour remplacer le Premier ministre Choguel Kokalla, sans doute par un acteur politique ou un autre technocrate, se sont tues, avec elles, certaines ardeurs suivant un agenda inavouable. Dieu sauve le Mali.
B. Daou
Le Républicain