Transition scolaire : difficile pour certains élèves
Certains apprenants ont du mal à s’adapter à un nouvel environnement d’études. D’autres qui croient franchir le dernier palier se laissent aller à l’indiscipline
La problématique d’adaptation de jeunes lycéens à une transition scolaire (c’est-à-dire le passage du fondamental au lycée) est une question qu’il faut aborder. Les pédagogues s’accordent à admettre que les échecs scolaires peuvent être liés à ce phénomène. Notre intérêt de porter un regard sur la problématique n’est nullement sous-tendu par une quelconque intention de jeter la pierre dans le jardin d’autrui, mais de susciter le débat.
Il est environ 11h ce jour de février devant le lycée Mamadou Sarr à Hamdallaye. Un élève de la 10è, Ousmane Diarra, habillé d’un Jean’s assorti d’une chemise sombre totalement déboutonnée, est absorbé par un spectacle d’acrobaties en moto, celui des casse-cous s’essayant à des figures avec leurs engins à deux roues. Le teenager semble avoir séché le cours d’économie pendant que ses camarades sont en classe ou du moins avoir été chassé par le surveillant général de l’établissement pour son style vestimentaire. Il nous jette tout de suite à la figure qu’il n’est pas prêt à changer, en tout cas pas sous la pression. Il estime se sentir bien dans sa peau et dans ses baskets comme ça.
«Pourquoi le surveillant fait de mon cas une fixation puisque c’est la deuxième fois qu’il me renvoie de la cour pour mon style vestimentaire. Je ne suis plus au fondamental», explique le «bleu». Justement, il n’arrive pas, tout comme d’autres élèves, à s’adapter à cette transition scolaire, à une discipline exigeante.
Même quartier mais autre lycée. Seydou Kouyaté, lui aussi élève en 10è année au lycée Prosper Kamara (LPK) semble avoir le problème. Il surfe sur Internet et défile des pages dans son téléphone auprès d’un boutiquier installé devant la cour de l’établissement d’enseignement secondaire. Il relève sans gêne avoir le dégout des cours de physique et chimie. «C’est une torture morale pour moi de suivre 3 heures de cours dans ces deux matières».
Ousmane Fofana, âgé aujourd’hui de 21 ans réside à N’tomikorobougou.
Cet ancien lycéen a été renvoyé. Il s’est retrouvé avec une moyenne de renvoi du fait de ses agissements insensés sur lesquels, il revient avec une pointe de regret. «Il y a 6 ans, j’ai été admis au DEF. On m’avait orienté au lycée Technique de Bamako section génie civil. J’étais indiscipliné et tous les jours des professeurs me renvoyaient de leurs cours». Il désire reprendre le chemin de l’école malheureusement ses parents n’ont pas les moyens pour l’inscrire dans un établissement à titre privé.
Qu’est-ce qui explique les difficultés de ces nouveaux lycéens à s’adapter à des nouveaux programmes académiques, à de nouvelles méthodes d’enseignement et à une discipline rigoureuse ? Nous tentons d’apporter des éléments de réponse avec certains acteurs.
Boubacar Fofana, enseigne le français au lycée Prosper Kamara. Il incrimine l’éducation actuelle des enfants et le manque de niveau comme étant à l’origine des problèmes d’adaptation au lycée. Il pousse l’analyse plus loin pour s’attaquer à la manière d’organiser les examens du diplôme d’études fondamentales (DEF), depuis quelques années. Il s’indigne de constater que certains élèves sont déclarés admis pas forcément sur leurs valeurs intrinsèques. Le pédagogue qui sait de quoi cela retourne, donne volontiers l’exemple de sa classe de 10è. «J’ai des élèves dans ma classe qui ont d’énormes difficultés à faire une simple lecture. Ces élèves sont intellectuellement moins armés et finissent par abandonner les bancs du fait d’un complexe d’infériorité».
Pour Albert Dembélé surveillant général au même établissement, ce problème d’adaptation est lié à la pléthore parce que plus l’effectif est élevé plus c’est difficile de contrôler les élèves, d’où les grandes difficultés que nous avons à faire face à certaines situations comme le tabagisme des élèves ou la consommation de stupéfiants par certains d’entre eux. Ils intègrent parfois des groupes de délinquants qui rodent devant l’école. Certains nouveaux lycéens copinent avec certains de leurs aînés des 11è et 12è années qui ne sont pas des modèles de bonne conduite encore moins des élèves brillants.
Bakary Coulibaly, professeur de maths au lycée Mamadou Sarr, explique que maintenant les élèves du secondaire sont difficiles à gérer. Ils sont de plus en plus indisciplinés. à ce niveau, il dénonce la négligence coupable des parents qui fuient leur responsabilité en matière de suivi des enfants. Personne ne s’intéresse plus à l’emploi du temps des élèves à l’école, il y a un laisser-aller.
Le proviseur du lycée Mamadou Sarr admet que la transition scolaire peut engendrer un changement de comportement et de mentalité chez un élève. Pour Mahamane Maïga, c’est à ce niveau que les parents et les enseignants doivent être plus vigilants pour l’accompagner dans l’adaptation à un nouvel environnement d’études, à travers la sensibilisation, le dialogue permanent. Le proviseur souligne que c’est dans une synergie d’actions qu’on peut mieux canaliser ceux qui vivent cette situation. Il rappelle l’exemple des pays développés où on trouve des des psychologues dans tous les établissements secondaires pour assurer le suivi et l’accompagnement des élèves parce que ceux-ci sont issus de différents milieux sociaux. Un enfant mal encadré échoue facilement. Ce qui justifie les fréquents renvois des élèves de 10è année. à ce propos, le proviseur indique que 192 élèves des 10è années ont été renvoyés par son établissement l’année dernière. Au-delà de tous les efforts, certains ne vont jamais s’adapter, mais il faut œuvrer à conduire le maximum à bon port, explique le responsable scolaire.
L’apport des parents est aussi précieux. Aminata Kanté, femme au foyer, elle accepte de verser son avis dans le débat. Elle explique constamment remonter les bretelles de sa lycéenne de fille, en qui elle ne se reconnaît plus. «Elle est en 10è année au lycée Ba Aminata Diallo. Elle passe des heures à se bichonner avant d’aller à l’école et à trouver des tenues qu’elle juge sexy», relève cette mère de famille qui se perd en conjonctures sur les comportements indignes de sa fille.
Source: Essor