Le dernier rapport trimestriel du Secrétaire général des Nations Unies sur la situation au Mali, couvrant la période du 03 juin au 19 septembre 2022, a été présenté aux membres du Conseil de sécurité de l’ONU, le mardi 18 octobre à New York. Ce rapport constate que des progrès « notables » ont été réalisés par les Autorités de transition, dont la signature début juillet d’un accord entre le gouvernement et la CEDEAO sur le calendrier d’achèvement de la transition ; l’adoption d’une loi électorale en juin ; et la présentation, le 11 octobre 2022, d’un avant-projet de constitution. Mais, le rapport déplore une détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire notamment dans le Nord et le Centre du pays.
En effet, depuis août, le processus de paix a, selon le Représentant spécial du secrétaire général, El-Ghassim Wane, connu une évolution « encourageante », avec l’adoption de plusieurs décisions « tant attendues », dont l’approbation de l’intégration de jusqu’à 26 000 ex-combattants dans les Forces de défense et de sécurité maliennes et d’autres structures étatiques, conformément aux dispositions de l’Accord d’Alger et aux recommandations des Assises nationales.
Mais, ces développements se déroulent selon le rapport du Secrétaire général, malheureusement dans un contexte sécuritaire et humanitaire « très difficile », en particulier dans le centre du pays et dans la zone des trois frontières: depuis mars, les activités des groupes terroristes ont fortement augmenté dans les régions de Ménaka et de Gao. Par exemple, des éléments du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ont perpétré des attaques contre des civils dans les villages de Diallassagou, Dianweli et Dessagou, faisant 130 victimes et provoquant le déplacement de 9 000 personnes.
Les attaques contre les forces maliennes dans les centres urbains se sont en outre poursuivies. Le Front de libération du Macina (FLM) a pu revendiquer six attaques coordonnées commises le 21 juillet, dans les régions de Mopti, Douentza, Ségou et Koulikoro, faisant 3 morts et 17 blessés. 17 octobre 2022, a relevé le Secrétaire général adjoint, une attaque a été perpétrée à l’aide d’un engin explosif improvisé contre une patrouille de la MINUSMA à Tessalit, dans la région de Kidal, entraînant la mort de quatre Casques bleus tchadiens.
Sur le plan humanitaire aussi, la situation n’est pas plus encourageante: le nombre de déplacés internes est passé de 350 000 à plus de 422 000 dans le centre et le nord du pays et plus de 1,8 million de personnes sont confrontées à une grave insécurité alimentaire, un chiffre qui pourrait passer à 2,3 millions d’ici à novembre 2022, a prévenu M. Wane.
Des progrès notables
En outre le Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), constate qu’en matière de transition et de processus de paix, des progrès notables ont été réalisés en ce qui concerne la préparation des élections: un accord a été signé début juillet entre le Mali et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) sur le calendrier d’achèvement de la Transition. Un référendum constitutionnel est prévu pour se tenir en mars 2023, après la présentation le 11 octobre dernier de l’avant-projet de constitution au Président de la Transition. Ce projet met l’accent sur la bonne gouvernance et la lutte contre la corruption. Il prévoit la mise en place d’un parlement bicaméral et la reconnaissance des modes alternatifs de résolution des différends. Cela devrait faciliter la mise en œuvre de l’Accord de paix de 2015. Son adoption par le Conseil des ministres est prévue vers la fin du mois de novembre.
De plus, depuis l’adoption de la Loi électorale en juin, des mesures ont été prises pour mettre en place l’organe unique de gestion des élections. Composé de 15 membres, le collège va maintenant procéder à l’opérationnalisation des différentes structures nationales, régionales et locales ainsi que des cellules de coordination des missions diplomatiques et consulaires du Mali à l’étranger. Le mécanisme de suivi du chronogramme des réformes politiques et électorales, qui implique la partie malienne et les partenaires multilatéraux concernés, est désormais opérationnel tant au niveau technique que politique. Mais bien que ces progrès soient louables, la réussite de la mise en œuvre du processus électoral dépendra d’une multitude de facteurs, notamment de la disponibilité des ressources financières et logistiques nécessaires et de l’évolution de la situation en matière de sécurité, a dit M. Wane. Depuis août dernier, le processus de paix a connu une évolution encourageante. La réunion décisionnelle de haut niveau tant attendue s’est tenue, aboutissant à plusieurs décisions, dont l’approbation de l’intégration de jusqu’à 26 000 ex-combattants dans les Forces de défense et de sécurité maliennes et d’autres structures de l’État. Des mesures sont prises pour assurer le suivi desdites décisions. Par ailleurs, les autorités de transition poursuivent un programme plus large de réformes, conformément aux recommandations des Assises nationales de la refondation.
Situation humanitaire et des droits de l’homme très difficile
Mais ces développements se déroulent dans le contexte d’une situation sécuritaire, humanitaire et des droits de l’homme très difficile, en particulier dans le centre et dans la zone tri-frontalière entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Depuis mars, les activités des éléments extrémistes affiliés à l’État islamique du Grand Sahara (EIGS) et au Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) ont fortement augmenté dans les régions de Ménaka et de Gao. Ces groupes extrémistes profitent des vides sécuritaires, que les forces maliennes s’efforcent de combler, et se battent pour le contrôle du territoire tout en ciblant ces dernières ainsi que la MINUSMA, a-t-il expliqué, ajoutant que la MINUSMA s’efforce de mieux protéger les civils, en gardant à l’esprit la responsabilité première de l’État à cet égard.
Mais si la lutte contre le terrorisme comporte « nécessairement » un volet militaire et sécuritaire, il est évident qu’aucun résultat durable ne pourra être obtenu si deux conditions fondamentales ne sont pas réunies. Il faut, a plaidé le Représentant spécial, que ces efforts soient complétés par la restauration de l’autorité de l’État et le rétablissement de la confiance avec les communautés locales. Il est également impératif que tout soit mis en œuvre pour que les opérations militaires dirigées par le Gouvernement soient menées dans le respect des droits humains et du droit international humanitaire et que les auteurs de violations et d’abus soient tenus pour responsables.
Sur le plan humanitaire, le nombre de déplacés internes ne cesse d’augmenter, a constaté M. Wane: il est passé de 350 000 à plus de 422 000 dans le centre et le nord du pays, tandis que plus de 175 000 réfugiés maliens se trouvaient dans les pays voisins. En outre, plus de 1,8 million de personnes sont confrontées à une grave insécurité alimentaire. Ce chiffre pourrait grimper à 2,3 millions d’ici à novembre 2022, a indiqué M. Wane. Plus de 1,2 million d’enfants de moins de 5 ans sont touchés par la malnutrition aiguë. En mai dernier, plus de 1 950 écoles au Mali étaient fermées en raison de l’insécurité, affectant plus de 587 000 enfants, principalement dans la région centrale de Mopti. Les efforts louables des acteurs humanitaires pour répondre à ces besoins sont entravés par le manque de financements adéquats et durables. Jusqu’à présent, seuls 30% environ des 686 millions de dollars demandés pour 2022 ont été mobilisés, a estimé le Chef de la MINUSMA.
Mémé Sanogo
L’Aube