La vie de nos compatriotes, contraints de fuir leurs terroirs à cause de l’insécurité, est un véritable cauchemar en cette période hivernale. Les huttes qui leur servent d’habitats sont inondées après chaque averse
«La vie est imprévisible». Penda Diarra, une déplacée, se résigne en se servant de cette sagesse. La septuagénaire habite le camp des réfugiés sis à Faladjè garbal, derrière le marché à bétail en Commune VI de Bamako. Pour rejoindre sa hutte en cette période d’hivernage, il faut s’armer de courage. Difficile de se frayer un chemin praticable. La voie boueuse et glissante peut décourager le visiteur le plus téméraire.
L’odeur nauséabonde de la boue pollue l’air et pique le nez. Après quelques manœuvres risquées, nous voici devant son domicile. Une hutte délabrée qui ne résiste ni aux vents, ni aux fortes pluies. Elle y vit avec ses petits-enfants. L’intérieur de la chambre est humide à cause de la pluie de jeudi dernier qui a inondé l’habitat de fortune.
Dans cet environnement inconfortable, des enfants couchés à même le sol humide dorment à poings fermés. Ils sont enveloppés dans des couvertures précaires. La situation pitoyable arrache des larmes à toute personne sensible. Penda Diarra, elle, est peinée. «C’est cette vie que nous menons ici, comme vous pouvez le constater. Mes petits-enfants sont tous malades. Je reviens de chez le président des déplacés pour demander de l’aide, notamment des bâches pour protéger mon abri rudimentaire de la pluie. Il est envahi d’eau quand il pleut», explique-t-elle, désespérément.
À peine finit-elle d’exposer ses souffrances qu’arrivent d’autres femmes confrontées à la même situation. L’air triste, elles s’invitent au débat. Leur souci principal : trouver un abri habitable. La jeune dame Altinè Ba, qui y vit avec son père et sa mère depuis trois ans, relate les souffrances des déplacées vivant sur leur site.
«Quand le temps menace, nous sommes inquiets. Et dès qu’il commence à pleuvoir, nous ne pouvons pas rester sur place. Nos tentes suintent, l’eau envahit la demeure. L’intérieur de la tente est mouillé. Pour pouvoir dormir dans cette humidité, certaines personnes étalent jusqu’à trois nattes superposées les unes sur les autres. Nous avons urgemment besoin de soutien», alerte la native de Bankass.
5.000 à 10.000 FCFA PAR MOIS- Pour faire face à cette situation, certains couvrent leurs cabanes à l’aide de plastiques achetés à 400 Fcfa le mètre ou de vieux pagnes qu’elles récupèrent au niveau des dépotoirs d’ordures, explique-t-elle. «Malgré cela, la pluie, surtout si elle forte, perce les toits des habitats», fait remarquer Altinè.
Le président du site de Faladjè Garbal est conscient des problèmes auxquels les siens font face en cette saison des pluies. «À Faladjè garbal, les personnes déplacées souffrent énormément quand les pluies commencent à tomber. Elles ne dorment point», déplore Hama Diallo. Il dit se battre quotidiennement pour résoudre leurs difficultés respectives. «Le service social m’a informé qu’il a reçu des dons de bâches qui sont dans le magasin. Pour le moment, nous n’avons rien reçu. Nous sommes dans l’attente. Nous avons vraiment besoin d’aide», insiste Hama Diallo qui sollicite l’appui de personnes de bonnes volontés pour soutenir ces familles en détresse.
La situation semble identique au niveau des autres sites de déplacés internes de Bamako et environs. Il s’agit notamment de Sénou, Zantiguila, de Niamana. Le président du site de Niamana, Ibrahim Tamboura joint sa voix à celle d’Hama Diallo. «La vie est dure pour les personnes déplacées que nous sommes. Elle s’empire pendant la saison des pluies, car aux problèmes sanitaires et de vivres, vient s’ajouter un problème d’abris. Ici, nous sommes tous en location. Nous payons entre 5.000 et 10.000 Fcfa par mois. Ces abris, malheureusement, ne sont pas en bon état», explique le natif de Koro.
Son site abrite 62 ménages, soit 283 personnes, confrontés aux mêmes désagréments que les occupants du site de Faladjè garbal. La pluie inonde les habitations de fortune. Selon des témoignages de femmes, après chaque averse, il faut faire sortir les habits mouillés, les nattes, les matelas, pour les exposer au soleil.
Une d’elles, Binta Tamboura, se précipite pour faire visiter sa tente où elle loge avec son mari et ses quatre enfants. Pour rallier l’habitat de fortune, il faut savoir où mettre les pieds pour ne pas glisser dans la boue gluante.
D’un air innocent, elle indexe les différentes fuites de sa hutte. «Nous souffrons énormément dès que la pluie commence. Regarde nos habits, ils sont tous mouillés. Tu vois le sol aussi, il est humide. Nous grelottons de froid, car nous n’avons même pas de couverture», décrit-elle. Son mari ajoute. «Nos femmes cuisinent dans la chambre à coucher. Tous nos effets y sont entassés. Nous vivons avec les moustiques. Ajouté à l’humidité, tous nos enfants, s’ils ne sont pas enrhumés, ils font du palu. Nous ne savons plus à quel saint se vouer», se plaint Nouhoum Tamboura.
UN LOT DE BÂCHES- Sur le site du Centre Mabilé aussi, les déplacés sont confrontés au problème d’abri. Ici, le site compte 172 ménages pour un total de 748 personnes sur les 346.000 déplacés que notre pays a enregistré entre avril et juin derniers, selon l’ONU.
Sous la pluie, nous frappons à la porte de Fanta Barry, une ressortissante de Douentza. Contrainte de fuir son village natal, la veuve loge à l’ex-Centre Mabilé avec ses six enfants, depuis deux ans. En cette journée pluvieuse, elle est assise dans sa hutte en train de faire la cuisine. Un désordre y règne. Couvertures et habits d’enfants se mêlent aux ustensiles de cuisines.
Fanta Barry fait partie de ceux, dont les tentes ne sont pas en bon état. Elle confesse : «J’ai besoin d’assistance en cette période de pluie. Comme vous pouvez le constater quand la pluie tombe, l’eau envahit toute la hutte. Souvent, nous sommes obligés de nous refugier sur la terrasse que vous voyez. Si seulement on pouvait nous offrir des bâches pour couvrir nos tentes, des habits lourds et des couvertures pour nous protéger. En plus de la nourriture, car nous sommes en période de soudure actuellement. Les besoins en nourriture sont réels et pressants».
Tiémoko Traoré, responsable de l’équipe de gestion des sites de déplacés de Bamako et environs, reconnaît qu’ils ont des soucis réels par rapport à la situation des abris sur certains sites. Cette situation ne sera, selon lui, qu’un mauvais souvenir dans les jours à venir. «Les abris sont en situation de dégradation un peu avancée sur certains sites de déplacés. Nous avons lancé un cri du cœur et le HCR a répondu en nous fournissant un lot important de bâches et de kits notamment des ustensiles de cuisines, des lampes torches, des couvertures.
Les bâches sont dans l’entrepôt, car nous n’avons pas encore fait la réception officielle», explique-t-il, soulignant qu’ils sont conscients de l’urgence. C’est pourquoi la part de Zantiguila a déjà été acheminée. Le reste sera réparti bientôt, promet-il, précisant que la cérémonie de réception est prévue pour lundi. Un espoir qui illumine déjà les cœurs des personnes déplacées vivant à Bamako.
Aminata Dindi SISSOKO