À Dakar, une microalgue marine qui dégage une toxine ayant un effet sur la santé humaine a été découverte sur le littoral. Sa présence explique pourquoi les habitants du bord de mer souffrent de symptômes qui s’apparentent à la grippe saisonnière, chaque année en saison chaude jusqu’à la reprise des alizés et de la saison froide. Cet étrange phénomène, observé depuis des années, était jusqu’ici inexpliqué. Une épidémie semblable avait été observée au Pays basque en France l’été dernier. Un reportage de Théa Ollivier.
Les surfeurs et usagers du littoral fuient régulièrement les vagues de la corniche des Almadies. La cause : des symptômes grippaux qui les prennent à la gorge chaque année au moment de la saison chaude, explique Oumar Sèye, chef d’entreprise dans le business du surf installé à quelques mètres de l’océan : « Les symptômes, c’est le mal de gorge, le rhume, la fièvre, tu es couché. Dès qu’il y a un vent de Sud, à certains moments, il y a ça. Après, ça disparaît. C’est quelque chose qui nous touche depuis 20 ans, mais on ne savait pas d’où cela venait ».
Des scientifiques de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et de l’Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA) ont enfin trouvé, début septembre, que ces symptômes étaient provoqués par une microalgue marine toxique. Un résultat attendu par Babacar Thiaw, président de la Surfrider Foundation au Sénégal : « Avant, on avait pas mal d’idées. On se disait que c’étaient les bateaux qui nettoient leurs soutes ou les industries chimiques du Sénégal. Après, des scientifiques ont commencé à nous parler de cette algue. Mais en même temps, on ne sait pas à quoi est due sa toxicité. Est-ce la pollution ? Il faudra le déterminer et voir ce que l’on peut faire pour résoudre cela. »
Les scientifiques soupçonnaient depuis 2016 une telle microalgue. En juillet dernier, des riverains les avaient avertis dès que les symptômes caractéristiques ont commencé à apparaître. Immédiatement, ils se sont mobilisés pour faire des prélèvements, explique Waly Ndiaye, chercheur en aquaculture à l’ISRA : « On a réalisé 18 plongées, ensuite on a prélevé un peu d’échantillons d’eau à côté d’endroits où il a des eaux usées. On a validé ensuite que c’était une microalgue toxique qui donnait cela, du genre ostreopsis. C’est une espèce qui produit une toxine qui donne les symptômes que nous ont rapportés les populations ».
La toxine est libérée dans l’eau et remonte quand il y a de la houle, puis les vents la transportent jusque sur le littoral. Les microalgues à l’origine de cette toxine se développent à deux ou trois mètres de profondeur quand l’eau est chaude, mais d’autres raisons expliquent leur efflorescence, note Patrice Brehmer de l’IRD : « Les effluents, c’est-à-dire les eaux usées non traitées, peuvent être un facteur aggravant. La première observation de ce type de phénomène, une quinzaine d’années en arrière, correspond bien à l’urbanisation massive de la presqu’île des Almadies, avec des capacités d’assainissement sous-dimensionnées. Il faut absolument, dans les plans d’urbanisme, mettre des capacités d’assainissement adéquats aux futurs lotissements ».
Si l’espèce précise n’est pas encore connue, les chercheurs assurent qu’aucun risque létal n’existe pour les populations humaines.
RFI