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Sécheresse en Afrique australe : ce signal fort du changement climatique

VIDÉO. La COP25 vient de se terminer sur une note morose et l’Afrique australe voit le manque d’eau persister avec de graves conséquences économiques.

 

Elles ont perdu de leur superbe. Les chutes Victoria, à cheval entre le Zimbabwe et la Zambie, ne rugissent plus. Le Zambèze, qui se jette dans un canyon de 100 mètres de profondeur et qui s’étale sur un couloir de 1,7 km, a perdu la moitié de son débit, selon le ministère de l’Environnement du Zimbabwe. C’est un symbole frappant, alors que la COP25 s’achève à Madrid.

Un symbole qui rappelle que les conséquences du changement climatique ne sont pas forcément à l’horizon 2050. Chaque année, un million de touristes se rendent sur ce site classé au Patrimoine mondial de l’Unesco. Le président zambien, Edgar Lungu, évoque même la possibilité que les chutes disparaissent à terme. Chaque année au cours de la saison sèche, le débit se ralentit, mais « c’est la première fois que nous voyons ça », raconte à Reuters Dominic Nyambe, un vendeur de souvenirs installé à Livingstone, en Zambie, non loin du site.

L’Afrique australe est particulièrement affectée par le réchauffement climatique. Selon les scientifiques du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), les températures augmentent deux fois plus rapidement dans cette région que dans le monde. La saison sèche est arrivée bien plus tôt, dès le mois de juin. La sécheresse s’installe et brûle les cultures, menace la vie des habitants, des animaux et ébranle les économies. Selon les Nations unies, 45 millions de personnes auront besoin d’une aide alimentaire dans les prochains mois en Afrique australe. La prochaine récolte n’est attendue que pour avril.

Insécurité alimentaire
La situation est particulièrement préoccupante au Zimbabwe, confronté à la pire crise alimentaire depuis plus d’une décennie. À la catastrophe climatique s’ajoute un contexte économique très sombre : « une grave pénurie de devises étrangères, une inflation galopante, un chômage croissant, une pénurie de carburant, des pannes d’électricité prolongées et des pertes de bétail à grande échelle », détaille le Programme alimentaire mondial (Pam). Plus de cinq millions d’habitants en zone rurale pourraient être touchés par une pénurie alimentaire, selon l’ONU. Dans le pays voisin, en Zambie, plus de deux millions de personnes se trouvent déjà en situation d’insécurité alimentaire.

En Namibie, dans l’est du pays, l’eau n’est pas tombée depuis… deux ans ! Les autorités ont déclaré l’état de catastrophe naturelle en mai dernier. Selon les régions, c’est la pire sécheresse enregistrée depuis 60 à 90 ans. Dans ce vaste pays aride, les fermiers sont les premiers impactés. Le bétail meurt, de faim, de soif. Les pertes étaient estimées à plus de 60 000 têtes de bétail en octobre dernier, selon le ministre de l’Agriculture, Alpheus ǃNaruseb. Les bêtes survivantes, décharnées, n’ont plus de valeur marchande. Des fonds ont bien été distribués à hauteur de 131 millions de dollars namibiens (8 millions d’euros) pour les populations affectées et 16,6 millions de dollars namibiens (un million d’euros) pour le fourrage destiné au bétail. Mais cela reste insuffisant pour les fermiers et les populations autochtones.

La faune en danger
Si les hommes souffrent, les animaux sauvages sont aussi victimes de la sécheresse. Plus de 200 éléphants sont morts en moins de deux mois, selon l’Autorité zimbabwéenne de gestion de la faune sauvage et des parcs nationaux. Et ce sont les plus remarquables, leurs carcasses se voient de loin. Presque tous les animaux sont touchés – girafes, bisons, impalas –, mais aussi les oiseaux qui meurent de la sécheresse. Le Zimbabwe entend déménager d’une de ses principales réserves, Save Conservancy, plusieurs centaines d’animaux sauvages, dont des éléphants, et les reloger dans trois autres sites. Difficile à imaginer dans un pays qui manque de moyens financiers et où la sécurité alimentaire n’est pas assurée pour les populations.

En Namibie, le pays avait opté pour une autre solution : vendre un millier d’animaux sauvages aux enchères, pour limiter les pertes et récolter des fonds (environ un million d’euros attendus), afin de préserver les différentes espèces. Cette annonce faite par le ministère de l’Environnement en juin dernier reste difficile à réaliser quand les acheteurs ne se bousculent pas et qu’envoyer des éléphants libres dans des zoos à l’autre bout du monde reste aussi très discutable moralement. Ce paradis des amateurs de safaris haut de gamme est menacé. Et les revenus de ce tourisme de luxe aussi.

Restrictions d’eau
L’eau manque partout. Dans les villes aussi. L’Afrique du Sud, déjà échaudée, a mis en place fin octobre des restrictions d’eau « pour éviter le redoutable phénomène du jour zéro », a affirmé Lindiwe Sisulu, ministre de l’Habitat et de l’Eau. Les niveaux des barrages ont chuté de 10 à 60 % par rapport à 2018, selon un rapport du département des eaux. Les pluies, elles, « ne sont pas attendues avant décembre », avait-elle déclaré. En 2018, la ville du Cap avait frôlé le jour zéro, celui où l’eau du robinet est coupée. Ce n’est que grâce à des réductions drastiques et de bonnes précipitations en mai et juin, permettant aux niveaux des barrages de remonter, que le pire a été évité. En juin 2018, les autorités ont pu lever l’état de catastrophe naturelle.

Pour faire face à des siuations de pénurie qui deviennent récurrentes, le gouvernement sud-africain a lancé début décembre son Plan directeur de l’eau et de l’assainissement, avec une enveloppe prévue de 900 milliards de rands sud-africains (55 milliards d’euros) sur dix ans. Ce plan doit permettre d’améliorer le service public de l’eau potable en explorant d’autres sources d’approvisionnement et notamment le dessalement, un processus qui consiste à pomper de l’eau de mer, à la traiter par osmose inverse afin d’obtenir de l’eau potable. Malheureusement, ce procédé relativement coûteux est aussi énergivore. Il consomme une quantité importante d’électricité, or le pays est aussi victime d’importantes coupures d’électricité dues au manque d’eau dans les barrages et aux difficultés de la société nationale d’électricité Eskom.

Enfin, le traitement et la réutilisation des eaux usées, déjà pratiqués notamment pour l’irrigation, devraient être plus largement développés, pour une concurrence moins rude entre les besoins agricoles, notamment viticole dans la province du Cap, et les besoins des habitants des villes.

Par Sylvie Rantrua

Source: Le Point afrique

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