Scrutin présidentiel du 29 juillet 2018 : Les confirmations, les progrès, les surprises et les alliances
Le ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Mohamed Ag Erlaf, en charge d’organiser les élections, a proclamé, le jeudi 2 août 2018, les résultats provisoires officiels du scrutin du 29 juillet 2018. Sans surprise, ces résultats ouvrent une seconde et dernière bataille dans les urnes entre les deux finalistes de l’élection présidentielle de 2013. A savoir, le président sortant Ibrahim Boubacar Kéïta qui confirme sa domination dans l’arène politique avec 41, 42% et Soumaïla Cissé qui se classe deuxième, loin derrière, avec 17, 80% des 3 445 178 voix exprimées par les Maliens sur les 8 000 462 inscrits.
Ce rendez-vous électoral a livré des confirmations, mais aussi, marqué des surprises et des progrès. Dans la mesure où, outre IBK et Soumaïla (plus Housseini Amion Guindo) qui se maintiennent par rapport à 2013, certains outsiders ont ravi la vedette à des vieux routiers de la classe politique malienne. Et c’est autour d’eux que se jouera le jeu des alliances sérieuses pour le second tour de dimanche prochain entre IBK et Soumaïla.
Sans doute, avec 1 333 813 voix obtenues au 1er tour de l’élection présidentielle (soit 41,42%), le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta confirme et garde son titre de candidat « vedette » dans la course vers Koulouba pour le 4 septembre prochain. Et par rapport à son résultat lors du 1er tour de l’élection présidentielle 2013, on peut dire qu’il a, même, vu sa côte de popularité montée en flèche. Pour rappel, il s’était classé premier en 2013 au 1er tour de l’élection présidentielle avec 39,24% des voix exprimées par les Maliens. C’est à ce niveau, d’ailleurs, qu’il a créé la surprise lors du scrutin du 29 juillet 2018 pour avoir réussi à faire rehausser son électorat entre 2013 et 2018, sans le soutien du Chérif du Nioro et malgré les appels au « vote sanction » lancés par ses détracteurs. Malgré, les critiques contre le bilan de son premier quinquennat, le Peuple souverain du Mali est resté avec lui en juillet 2018 comme en 2013.
Comme IBK, Soumaïla Cissé n’a pas, aussi, manqué de surprises. Le candidat de l’URD et de la Plateforme d’Alliance « Ensemble restaurons l’espoir », arrivé deuxième derrière IBK, a chuté de voix exprimées en sa faveur par le peuple malien comparativement à son résultat du 1er tour de l’élection présidentielle de 2013. Et cela malgré le soutien fort du CDR, dont le porte-parole, Mohamed Youssouf Bathily est considéré comme le plus grand mobilisateur dans les rues de Bamako. Les résultats provisoires du 1er tour de l’élection présidentielle donnés par le ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation le classent en deuxième position avec 573 111 voix soit 17, 80% des voix exprimées par les Maliens. Il garde, sans doute, sa place de finaliste pour le 2ème tour de l’élection présidentielle contre IBK mais avec moins de voix obtenues qu’en 2013 où il avait obtenu19, 44% des voix.
La plus grande surprise du scrutin du 29 juillet 2018 est venue du candidat de l’ADP-Mali, Aliou Boubacar Diallo. En effet, le candidat, qui était à sa première tentative de conquérir le pouvoir, est venu arracher la 3ème place à Dramane Dembélé (candidat de l’Adema en 2013) en obtenant 256 167 voix soit 7,95%.
Pour rappel, Dramane Dembélé, qui s’était classé 3ème en 2013 avec 9,59%, fait un score de 0,56% au scrutin du 29 juillet.
Aliou Boubacar Diallo est suivi de Cheick Mohamed Abdoulaye Souad dit Modibo Diarra (4ème) qui a obtenu 240 290 voix soit 7,46% le 29 juillet 2018 contre 2,08% au 1ertour de l’élection présidentielle de 2013.
Le candidat du RPDM prend, ainsi, la place de Modibo Sidibé qui était arrivé 4ème au 1er tour de l’élection présidentielle de 2013 avec 4,87%. Le soutien des partis membres du Nouveau Pôle politique (NPP) n’a permis au candidat des FARE de conserver sa performance électorale de 2013. Pour le scrutin du 29 juillet 2018, Modibo Sidibé n’a obtenu que 45 925 voix soit 1,43%.
Le candidat de la CODEM, Housseini Amion Guindo a gardé son rang de 5ème place lors du scrutin de juillet 2013 le 29 juillet 2018 en enregistrant 125 153 voix soit 3, 89% contre 4,63%. Mais, de toute évidence, il a baissé de forme en terme d’électorat. C’est le même constat chez les candidats Mountaga Tall du CNID, Choguel Kokalla Maïga du MPR, Oumar Mariko du parti SADI et Yeah Samaké du PACP qui ont, respectivement, obtenu 20 300 voix soit 0,63% contre1, 52% en 2013 ; 69 012 voix soit 2,14% contre 2,29% en 2013 ; 74 755 voix soit 2, 32% contre 2,4% en 201352 976 voix soit 1,64% et 15 861 voix soit 0,49% contre 0,56% en 2013.
Aliou Diallo
Hier allié d’Ibrahim Boubacar Kéïta dont il a largement contribué à l’accession au pouvoir en 2013, Aliou Boubacar Diallo est descendu dans la l’arène politique pour se venger d’IBK et de sa famille. Il ne l’a d’ailleurs caché à personne.
En plus, c’est lui qui a pris la place d’IBK dans le cœur du Chérif de Nioro dont personne n’ignore le poids en termes d’influence politique au Mali. Il justifie sa descente dans l’arène politique à la suite d’une supposée tentative d’accaparement de Wassoul’Or par Karim Kéïta (le fils du président) et certains ministres d’IBK. «Karim Keïta ainsi que deux ministres et un groupe d’européens ont tenté de s’accaparer de Wassoul’Or», dénonçait le président d’honneur de l’ADP-Maliba et candidat de ADP-Maliba dans une interview accordée à notre confrère Kledu. Il rêve de faire payer à IBK les actes de son fils. A coup sûr, le candidat de l’Urd Soumaïla Cissé peut compter sur son soutien au second tour, le 12 août prochain contre le président IBK.
Cheick Modibo Diarra
Cheick Modibo Diarra doit sa place de 4ème place obtenu lors du scrutin du 29 juillet prochain aux Maliens friands de l’alternance politique et qui ne veulent ni d’IBK, ni de Soumaïla Cissé. Pour garder cette confiance entre lui et ses électeurs d’ici 2023, il serait très difficile pour lui de donner des consignes de vote en faveur des deux candidats finalistes considérés comme étant de la vieille classe politique qu’il faut coûte que coûte balayer. Mais attention, un indice : bien avant la campagne, interrogé par la presse, il a affirmé, à peu près ceci : « le cadavre d’IBK vaut mieux que Soumaïla vivant ». Aux ingénieux d’interpréter. Dans tous les cas, sa 4è place commande à CMD de donner une consigne de vote surtout que Moussa Mara (son allié et directeur de campagne) n’est pas homme à laisser passer une telle monnaie d’échange.
Qu’en est-il du candidat du parti SADI, Oumar Mariko, qui a viré à l’Opposition (et formé un groupe parlementaire avec l’ADP-Maliba) après avoir cohabité dans la CMP. Aucune logique politique ne justifie qu’il appelle à voter pour IBK. Cependant, depuis qu’il est à l’opposition, il ne partage pas la vision de Soumaïla. Alors, le candidat de l’URD peut-il compter sur les 69 012 voix de SADI ? Nous sommes dubitatifs.
Housseini Amion Guindo
L’ancien ministre de l’Education, Housseini Amion Guindo, a démissionné, certes, le lundi 7 mai 2018 du Gouvernement sur le mécontentement des responsables de la Majorité présidentielle qui défendaient le projet de candidature unique du président IBK. Mais, tout porte à croire que sa démission n’a rien avoir avec un quelconque problème avec le président IBK qui l’a défendu tout au long de son séjour dans le gouvernement notamment quand certains leaders sportifs avaient mis sa tête à prix lorsqu’il dirigeait le département des Sports. En toute évidence, Guindo veut juste tenter sa chance lors de l’élection présidentielle en tant que président d’une formation politique, la CODEM. C’est dire qu’en cas de deuxième tour entre IBK et Soumaïla, Poulo va soutenir la candidature du premier.
Président de la 4ème force politique du pays, il avait lui-même expliqué à la presse que son départ du Gouvernement n’est une rupture ni avec la majorité, ni avec le président IBK pour qui il dit avoir la plus haute estime. « J’ai démissionné du gouvernement, mais pas de la majorité. La CODEM reste membre à part entière de la majorité. Je réaffirme mon soutien au président IBK et soutiendrai sa candidature à la présidentielle », disait-il à l’époque. Mais, sait-on jamais, au cas où les bâtisseurs décideraient d’opter pour Soumaïla.
Dramane Dembélé
Candidat (à la surprise générale) malheureux lors de l’élection présidentielle de 2013, Dramane Dembélé, ancien ministre d’IBK, bien qu’il se soit opposé à la décision de son parti de soutenir le président IBK dès le 1er tour, ne s’est jamais attaqué ouvertement à celui-ci. Probant 3ème lors de la présidentielle de 2013 derrière le IBK et Soumaïla, il a défendu la candidature du président IBK au second tour. Mais cette fois, il serait étonnant de le revoir soutenir IBK.
Modibo Sidibé
Bien qu’il soit de l’Opposition, il est évident que le candidat du Nouveau Pôle politique a de la maille à partir avec Soumaïla Cissé dont il a toujours contesté le titre de Chef de file de l’Opposition. Ceci explique-t-il la création de la Gauche républicaine dont il fait partie des principaux initiateurs. En cas de deuxième tour contre Soumaïla Cissé, le président de la République sortant pourrait bien négocier une alliance avec Modibo dont les critiques contre le régime sont toujours « habillées ». Malgré tout, certains voient mal Modibo, cadre de tous les temps de l’Opposition, ne pas suivre Soumaïla qu’il a soutenu en 2013 contre IBK.
Choguel Kokalla Maïga
Grand soutien d’IBK lors du 2ème tour de l’élection présidentielle de 2013, membre de la Convention de la Majorité présidentielle, l’ancien ministre de l’Economie numérique, de l’Information et de la Communication, Porte-parole du gouvernement, Choguel Kokalla Maïga est le président du Mouvement patriotique pour le Renouveau (MPR). Si son parti est resté fidèle à IBK durant ses 5 dernières années au pouvoir en le défendant sur toutes ses actions, c’est, sans doute, grâce à son effort personnel. D’ailleurs, certaines sources proches de son parti indiquent qu’il a bataillé fort pour convaincre les militants du parti à rester dans la logique de soutien à la candidature d’IBK lors de la présidentielle de 2018.
Mais, ceux-ci ont filament eu raison de lui après son retrait du gouvernement. Il semble être allé à l’élection présidentielle de 2018 contre son gré. Du coup, en cas d’un nouveau duel entre IBK et Soumaïla au second tour, il risque, lui aussi, de donner des consignes de vote en faveur du président IBK. Cependant des interrogations subsistent : Pourquoi le MPR a-t-il quitté la CMP ? Pourquoi le parti du Tigre n’est-il pas membre de l’EPM ? Qui des critiques de Choguel contre le régime ces deux derniers mois ? Et ses participations aux réunions du front de contestation ? A méditer !
Niankoro Yeah Samaké
Le candidat du PACP réclame aussi depuis quelque temps le fait qu’il n’a pas de dent contre le président de la République. En conférence de presse, le mardi 10 juillet 2018 à la Maison de la presse, il annonçait aux journalistes qu’il n’a pas été limogé de son poste d’Ambassadeur du Mali en Inde par le président IBK. «Le 20 septembre 2017, j’ai fait le déplacement de New York afin de rencontrer le président IBK pour lui faire part de mon intention de retourner au bercail pour préparer le scrutin présidentiel. Ce jour-là, je l’ai remercié pour la confiance placée en ma modeste personne. En plus du président, j’ai informé aussi le ministre des Affaires étrangères le 18 décembre 2017, en précisant que je compte rentrer le 15 janvier 2018. Mais, à ma grande surprise, en début janvier, j’ai vu des dénigrements à mon égard sur les réseaux sociaux. Bref, je n’ai pas été limogé comme certains tentent à le faire croire et c’est la première fois que j’apporte ces éclaircissements», avait précisé le conférencier. En plus, depuis qu’il a quitté son poste, personne ne l’a vu critiqué publiquement le régime en place. C’est dire que comme en 2013, l’ancien Ambassadeur du Mali en Inde s’alignera, sans doute, du côté de son ancien chef IBK le 12 août prochain contre Soumaïla Cissé.
Quant aux candidats Moussa Sinko Coulibaly, Mamadou Diarra, Mountaga Tall et Mohamed Ali Bathily, ils sont des « blessés » du régime d’IBK qui ont quitté le navire du pouvoir après un moment de collaboration. Ils ont été à toutes les réunions de l’Opposition ces derniers temps et critiquent, sans réserve, la gestion d’IBK. Bref, ils n’appelleront jamais à voter IBK.
S’agissant de la candidate Djénéba N’Diaye, elle a, déjà, confirmé son soutien à IBK au deuxième tour contre Soumaïla Cissé.