Scandale du marché d’équipements militaires et de l’achat de l’avion de commandement Le rapport d’audit de la Section des comptes de la Cour Suprême qui supplante celui du BVG
Meguetan Infos
Il y a eu beaucoup de bruit suite à la mise sous mandat de dépôt de Soumeylou Boubèye Maïga et Mme Bouaré Fily Sissoko, chacun y allant de son interprétation, certains pensant même pouvoir laver plus blanc que la justice qui a osé rouvrir un dossier déclaré “classé sans suite”. Nous avons attendu que la poussière se soit dissipée pour revenir sur le sujet, sans passion, afin de rappeler que la Cour suprême avait fait un audit différent de celui du BVG et avait par conséquent son propre rapport, à travers la Section des comptes. La question qui se pose : le procureur en charge du Pôle économique au tribunal de Grande instance de la commune III, peut-il, de plein droit, mettre fin à ce processus devant la Cour suprême ? Quel est alors le fondement juridique de la décision de classement de ce dossier et inversement aussi de sa prétendue réouverture ? Tel est le vrai débat pour éclairer la lanterne du peuple !
En traitant ce dossier lorsqu’il était agité par le procureur de la République près le tribunal de Grande instance de la commune III du district de Bamako, en charge du Pôle économique et financier, qui venait d’interpeller en son temps l’ex ministre Mamadou Camara, nous avions signalé (dans les colonnes de ce journal) que le marché scandaleux des équipements militaires et l’acquisition de l’avion de commandement du président d’alors, Ibrahim Boubacar Kéïta, avaient fait l’objet d’une attention particulière des partenaires financiers du Mali dont en première ligne les institutions de Bretton Wood (FMI et Banque mondiale) qui réclamaient un audit et ensuite des sanctions à l’encontre de toute personne incriminée, condition sine qua none pour la reprise des relations de partenariat qui étaient suspendues.
C’est ainsi que le Bureau du Vérificateur général, dirigé en son temps par l’actuel président de la Cour constitutionnelle, Amadou Ousmane Touré, avait produit un rapport d’audit très bien apprécié au Mali et par les partenaires du Mali, parce que jugé d’une grande qualité. En effet, ce rapport divorçait d’avec les brulots inexploitables en justice que produisait son prédécesseur, lequel alignait certes des chiffres kilométriques comme “manque à gagner”, disait-il, dans des rapports sans subsistance solide au plan judiciaire.
Les observateurs en avaient conclu que c’est certainement dû au profil et au parcours du magistrat qu’est Amadou Ousmane, lequel avait même pris le soin de transcrire les entretiens qu’il a eus avec toutes les personnes interrogées et qui ont signé reconnaître la justesse de leurs propos transcrits.
Ce rapport, qui comportait aussi des documents très compromettants pour les différents mis en cause dont des ordres de virement et des chèques tirés sur la Banque Atlantique où était domiciliée la lettre de confort de l’Etat, avait choqué l’opinion nationale et internationale tant il décrivait des pratiques révoltantes, dans un Mali qui sortait à peine d’une crise sécuritaire ayant affecté l’économie nationale. On le sait, ces deux dossiers avaient donné, en son temps, du grain à moudre aux opposants dont principalement Feu Soumaïla Cissé et Tiébilé Dramé.
Il est bon de préciser que le Bureau du vérificateur avait dénoncé les faits à un double niveau, notamment devant le procureur près le tribunal de Grande instance de la commune III de Bamako en charge du Pôle économique et financier et aussi devant la Section des comptes de la Cour suprême. Pour dire que, dès lors, la Cour suprême se trouvait saisie du dossier.
En plus, la Cour suprême détenait son propre rapport, suite à un audit parallèle effectué par la Section des comptes, en septembre 2014. Cet audit était demandé par le Premier ministre d’alors, Moussa Mara, au président de la Cour suprême, par lettre n° 357-PM-CAB de juin 2014.
Notons que, comme c’est précisé dans le rapport de la Section des comptes : “Au regard des dispositions de l’article 82 de la Loi 96-071 du 16 décembre 1996, portant loi organique fixant l’organisation, les règles de fonctionnement de la Cour suprême et la procédure suivie devant elle, la Section des comptes peut, à tout moment, exercer tout contrôle soit de sa propre initiative soit à la demande du président de la République, du Premier ministre ou du président de l’Assemblée nationale.
En exécution de cette disposition, suite à la lettre ci-dessus citée et sur instruction du président de la Cour suprême, trois conseillers de la Cour dont deux de la Section des comptes et un de la Section administrative ont été désignés pour effectuer l’audit demandé”.
C’est sur cette base qu’un audit a été effectué et un rapport produit par la Section administrative de la Cour suprême dont nous nous gardons de divulguer le contenu – en tout cas pour le moment- puisque le dossier reste pendant devant la justice.
Le décor campé, disons maintenant qu’au-delà des supputations, il y a des questions de fonds dont les réponses sont attendues par le peuple pour savoir ce qui s’est réellement passé car c’est de son argent qu’il s’agit. En effet, de tout cela, les Maliens cherchent et veulent savoir si parce qu’un procureur d’un tribunal de première instance décide du classement du dossier, cela entraine de facto l’annulation de la procédure au niveau de la Cour suprême sur la base du rapport de la Cour de la section des comptes qui, non seulement a été saisie par le BVG, mais avait produit elle-même un rapport suite à un audit effectué.
Cette dernière question, évidemment va en appeler d’autres, naturellement sur l’utilité des rapports d’audit dans pareils cas et aussi, si par une quelconque argutie la justice parvenait à renoncer à toute poursuite, y a-t-il une procédure, disons une possibilité de recouvrer les milliards présumés détournés dans pareils cas.
En un mot comme en mille, les Maliennes et les Maliens ont les yeux rivés sur la justice et attendent des réponses à leurs questions pour ne pas croire qu’il y aurait une justice à deux vitesses : celle qui épargne les gros poissons et celle qui punit sévèrement les voleurs de basse-cour. C’est pour dire que, quelle que soit l’issue de la procédure en cours concernant ces marchés jugés scandaleux, il faut de la communication, une très bonne communication pour que les citoyens comprennent mieux leur justice dans sa façon de faire et d’agir car n’est pas spécialiste des procédures judiciaires qui veut. En plus, qu’on le veuille ou non, ce dossier provoque – et continuera de le faire- polémique et supputations, au vu des personnalités en cause.
Amadou Bamba NIANG
Aujourd’hui-Mali