Sans entrain, le Togo se prépare à élire son nouveau président
Vue d’un marché de Lomé, avec à l’entrée des affiches électorales du canidat-président Faure Gnassingbé le 14 février 2020. PIUS UTOMI EKPEI / AFP
Texte par :
Pierre Firtion
Suivre
Le Togo vote dans deux jours pour élire un nouveau président. Un scrutin désormais à deux tours où sept candidats sont en lice. Le président sortant Faure Gnassingbé espère accomplir un quatrième mandat. Face à lui, six adversaires dont l’habitué Jean-Pierre Fabre, deuxième des deux dernières présidentielles et Agbéyomé Kodjo, l’ancien cacique du régime Eyadéma. Mais la campagne qui s’achève ce jeudi soir n’a pas vraiment passionné les foules.
PUBLICITÉ
De notre envoyé spécial,
Sur les artères du centre-ville, les portraits géants de Faure Gnassingbé, accompagnés de leurs slogans, rappellent à tous la tenue prochaine d’un scrutin. Mais d’avis de Loméens, la campagne n’a pas vraiment pris. Sur le grand marché de la ville, cette vendeuse dit tout haut ce que beaucoup pensent tout bas : « En fait, moi, ça ne me passionne pas. Il n’y a presque pas de changement. Les mêmes personnes : l’ancien président, l’ancien Premier ministre… En fait, moi, je suis fatiguée de tout ça ».
Un manque d’entrain qui ne semble pas inquiéter les militants d’UNIR. Avec sa force de frappe inégalée, le parti au pouvoir multiplie le porte-à-porte et les meetings. Ce mardi 18 février, dans la banlieue nord de Lomé, les militants, à l’image de Marie-Claire, travaillent avec le sourire, convaincus d’une victoire tranquille de leur champion : « Avec le président Faure, notre champion, il y a la paix et toujours la paix ».
L’opposition veut empêcher l’élection au premier tour de Gnassingbé
L’opposition veut empêcher la victoire du président sortant dès le premier tour, mais en se présentant divisée, celle-ci ne s’est pas facilité la tâche. Une stratégie assumée par Jean-Pierre Fabre car le leader de l’ANC compte sur la notoriété d’opposant historique pour mettre en ballotage le président sortant.
« Le régime depuis Eyadéma et son fils ne nous permet pas d’avancer. Faure, il fait des promesses et il ne fait rien. Surtout à la veille des élections, il se balade, il prend d’abord les moyens de l’État. Il va inaugurer des projets à droite et à gauche, mais ses projets restent à l’état d’inauguration », tacle Godwin tété, un membre de l’ANC pour qui l’alternance est aujourd’hui une nécessité.
►À lire aussi : Présidentielle au Togo: paroles de candidats
Agbéyomé Kodjo entend, lui aussi, incarner le changement. Pour ce faire, il table sur sa connaissance du régime dont il a été un pilier du temps de Gnassingbé Eyadéma. Son profil a déjà conquis Monseigneur Philippe Kpodzro, l’influent archevêque émérite de Lomé. Pour Gérard Adja, qui dirige l’organisation de sa campagne, pas de doute, l’ancien Premier ministre est l’homme de la situation. « Il a été plusieurs fois ministre, il a été Premier ministre, il a été président de l’Assemblée nationale… Il a déjà travaillé avec ce régime que nous combattons tous aujourd’hui et donc c’est un homme d’expérience », affirme-t-il.
Mais Agbéyomé Kodjo et les cinq autres candidats de l’opposition redoutent la fraude, Togo Debout aussi. Pour ce front citoyen, qui rassemble une vingtaine d’organisations de la société civile, l’inquiétude vient notamment de l’observation du scrutin.
Crainte de fraude électorale
Après avoir refusé d’accréditer le Conseil épiscopal justice et paix, la Céni – la Commission électorale indépendante – a retiré mercredi son accréditation à la CNSC – la Concertation nationale de la société civile – une décision dénoncée par David Dosseh, le premier porte-parole de Togo Debout. « Nous avons le sentiment que le pouvoir a envie d’organiser son scrutin, à sa manière, sans le regard avisé de la communauté internationale, et surtout, sans une véritable observation de qualité, effectuée par la société civile », déplore-t-il.
Tchambakou Ayassor, le président de la Céni, assurait pourtant mardi que tous les éléments étaient réunis pour que le scrutin se déroule sereinement. « La Céni a pris toutes les dispositions pour que le scrutin soit conduit dans les meilleures conditions et que les résultats que nous allons obtenir soient vraiment des résultats authentiques », a-t-affirmé.
Mais le résultat de l’élection sera-t-il pour autant accepté par tous ? Et la participation sera-t-elle au rendez-vous, alors que le PNP de Tikpi Atchadam a appelé au boycott ? Autant d’inconnues pour un scrutin ouvert pour la première fois à la diaspora, même s’ils ne sont que 348 sur plus d’un million d’expatriés à avoir obtenu l’autorisation de voter.