Les nouvelles sanctions contre le Mali pourraient avoir un impact dévastateur sur le pays, où une personne sur trois dépend déjà de l’aide humanitaire. Treize ONGs demandent instamment à tous les Etats et organismes soutenant ces sanctions de s’engager sans équivoque à appliquer des exemptions humanitaires, afin que l’aide vitale puisse atteindre tous ceux qui en ont besoin.
Selon un communiqué signé à Bamako (Mali), ce 19 janvier 2022, et dont Le Républicain a eu copie, un groupe de 13 ONGs appelle la communauté internationale à protéger le peuple malien, suite à l’annonce de nouvelles sanctions contre le pays en réponse à la décision du Gouvernement de Transition de reporter les élections démocratiques initialement promises pour le mois prochain.
La semaine dernière, l’Union européenne a annoncé son intention de soutenir la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans la mise en œuvre des sanctions collectives, indique le communiqué. Les restrictions imposées par la CEDEAO comprennent la fermeture des frontières et l’imposition d’un embargo commercial, ainsi que la suppression de l’aide financière et le gel des avoirs du pays à la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest. Le gouvernement de transition du Mali a rendu la pareille en fermant ses frontières avec tous les États membres de la CEDEAO, à l’exception de la Guinée, selon le communiqué.
« Ces sanctions auront des conséquences dévastatrices sur les populations et la situation humanitaire au Mali. La population malienne est déjà confrontée à la pire insécurité alimentaire depuis 10 ans. Plus de 7,5 millions de personnes – plus d’un tiers de la population du pays – a besoin d’une aide humanitaire », déclare le groupe des 13 ONG. Il est essentiel que ces nouvelles restrictions n’entravent pas davantage la capacité de la population à accéder à l’aide humanitaire et aux services sociaux de base dans un pays où 70% de la nourriture est importée et où 1,2 million de Maliens sont confrontés à une crise alimentaire. Le Mali est fortement dépendant de l’aide extérieure pour financer les services sociaux de base. Dans le domaine de la santé, par exemple, les donateurs extérieurs ont couvert 33 % des dépenses totales de santé en 2019, s’inquiète le groupe des ONGs.
Les États-Unis ont également souligné leur soutien à la CEDEAO, tandis que la France – dans les premières semaines de sa présidence du Conseil de l’Union européenne – a suspendu les vols à destination du Mali.
Les 13 organisations appellent à un dialogue urgent afin de trouver une solution pour mettre fin à ces sanctions qui affectent si lourdement la population civile. Dans l’intervalle, il doit y avoir des exemptions humanitaires aux sanctions et tout processus administratif connexe doit être clarifié de toute urgence, afin de protéger la réponse humanitaire au Mali. Pour poursuivre efficacement leur travail, les acteurs humanitaires doivent disposer d’un accès sans entrave pour le transport de biens de première nécessité, notamment de nourriture et de médicaments, ainsi que de garanties leur permettant de transférer des fonds dans le pays sans enfreindre les sanctions, projette le groupe de 13 ONGs.
Le Mali, la CEDEAO et les membres de la communauté internationale qui soutiennent ces sanctions doivent surveiller leur impact, et s’engager sans équivoque à appliquer les exemptions humanitaires conformément aux directives existantes – en prenant toutes les mesures nécessaires pour limiter l’impact de ces mesures sur les civils, indique le communiqué.
Frank Vannetelle, Directeur Pays de l’International Rescue Committee au Mali déclare :
“Bien que plus d’un tiers de sa population dépende de l’aide humanitaire, les ONGs y rencontrent déjà de fortes contraintes d’accès humanitaire. Il est impératif que la communauté internationale continue de répondre à ses besoins humanitaires urgents. Toute nouvelle sanction doit être assortie d’exemptions humanitaires concrètes, et celles-ci doivent être mises en œuvre et contrôlées, ou les personnes les plus vulnérables du Mali en paieront le prix.”
Mobeen Ajaib, Directrice intérimaire d’Oxfam au Mali, déclare :
« Ces sanctions arrivent au pire moment alors que le Mali doit gérer un conflit, une insécurité alimentaire alarmante et les pressions du Fond monétaire international pour couper drastiquement dans les dépenses publiques afin de récupérer les pertes économiques liées à la pandémie. Ce cocktail de mauvaises nouvelles pourrait déclencher la pire crise des inégalités depuis des décennies. »
La liste complète des signatures comprend :
International Rescue Committee
Action Contre de Faim
CARE
CECI
Danish Refugee Council
HELP
Mercy Corps
Aide de l’Eglise Norvégienne
Norwegian Refugee Council
Oxfam
Plan International
Terre des Hommes
World Vision
B. Daou, Source Oxfam (Mali)
Le Républicain