Route de Kati : la population mécontente érige des barricades
Les conversations des usagers de la route qui va de Samè à Kati (la Route Nationale 3) glissent régulièrement sur le mauvais état de cette voie, devenue quasiment accidentogène au point d’être surnommée, à tort ou à raison, «route de la mort». L’année dernière, à cause de l’état catastrophique cette route, un camion benne a dérapé avant d’éventrer une femme enceinte de 8 mois et tuer plusieurs autres personnes.
Cet accident horrible a traumatisé les riverains de cette voie pendant des mois. Aujourd’hui, ils n’entendent plus s’accommoder de cette situation, c’est pourquoi ils ont décidé d’agir pour attirer l’attention des autorités compétentes sur le calvaire qu’ils vivent au quotidien. Hier, ils ont érigé des barricades sur la voie pour empêcher les véhicules de passer, créant du coup une confusion totale dans la ville garnison. Notre équipe de reportage s’est rendue sur place. Des enseignes claquaient au vent des slogans évocateurs de la colère des protestataires comme «La route de la mort a fait trop de morts», «Trop c’est trop, la route dégradée tue».
Le jeune Ali Yaré réside à Sananfara (un quartier de Kati). Il explique les motivations qui sous-tendent l’action de la population. «Nous avons interrompu la circulation sur la voie, vu son état de dégradation. Cette situation intolérable nous avait poussé à approcher la préfecture, les élus locaux, l’autorité routière et toutes les personnes ressources. Malheureusement, toutes ces démarches sont restées vaines et notre déception est totale, aujourd’hui, d’où le choix d’entraver la circulation sur la voie », a expliqué le jeune Yaré. Il a aussi dévoilé la stratégie utilisée, c’est-à-dire qu’une barricade est placée dans tous les 14 quartiers de la ville. Sur ces entrefaites, il explique que les délégués des manifestants étaient en négociations avec les autorités compétentes.
Mme Konaté Fatoumata Soumaré, vendeuse de sandwiches, est une victime collatérale puisqu’elle a perdu son époux dans un accident de camion citerne sur le tronçon. Elle raconte qu’un de ses enfants traîne également les séquelles d’un autre accident sur la même route (un handicap définitif). Les cas d’accident sont légion sur cette route, martèle la veuve. Elle rappelle le cas d’un jeune garçon écrasé par un gros porteur, le deuxième jour du mois de Ramadan passé et de l’enfant unique de sa belle sœur qui aurait aussi perdu la vie dans un accident sur le même tronçon. La veuve qui en a visiblement gros sur le cœur, appelle les autorités à avoir de l’empathie et à venir en aide à la population.
Ismaïla Diawara est opérateur économique. Il a rallié le mouvement des riverains suite à un message reçu, un peu tard dans la nuit parce qu’il estime que la cause vaut d’être soutenue. L’opérateur économique a confié qu’il s’agit bien d’une route économique en plus d’être internationale. Il ajoutera que de visu, l’état de la route est vraiment terrible sans parler des fréquents accidents. L’objectif de la protestation est d’obtenir une réaction positive des autorités compétentes. «Nous préparons actuellement les festivités du 22 septembre et l’Etat injecte des milliards de Fcfa dans ces préparatifs.
Nous, nous n’avons pas besoin actuellement de fêter mais plutôt de la réparation de notre route», a insisté Ismaïla Diawara, soulignant au passage que la route sera obstruée toute la journée sans une proposition de solution. «L’accès sera limité seulement aux forces de l’ordre et aux urgences. Du samedi à aujourd’hui, on a enregistré plus de 4 cas d’accidents graves, ça ne doit plus continuer. Il faut que l’Etat prenne les mesures qui s’imposent», a conclu l’opérateur.
Quant à Soumaila Bakayoko, professeur d’anglais, il indique que depuis plus de trois ans, la population réclame la réhabilitation de cette route. Et l’annonce des travaux de réhabilitation de la voie avait suscité beaucoup d’espoir. «Malheureusement jusque là, nous ne percevons aucun signe de travaux», a-t-il souligné, désabusé. Les femmes aussi dénoncent la gravité des accidents et disent qu’aucun «riche» n’ose s’installer sur les lieux du fait des risques. «Le gouvernement doit veiller au bien-être des populations. Nous sommes aussi Maliens», a lancé Mme Coulibaly Korotoumou Coulibaly, femme au foyer.