Retoquage des résultats à Kati, Sikasso, Bougouni et Bamako: vers une crise postélectorale ouverte ?
Des heurts ont éclaté entre des manifestants et des Policiers ce lundi dans plusieurs communes de Bamako lors de différentes marches de protestation contre des résultats des législatives annoncés par la Cour constitutionnelle le jeudi dernier. La rue exige la révision d’une disposition constitutionnelle : ‘’les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours. Elles s’imposent aux pouvoirs publics, à toutes les autorités administratives et juridictionnelles et à toutes les personnes physiques et morales’’ (cf : article 94).
‘’Non à la confiscation de nos votes’’, ‘’on n’acceptera pas les résultats de la Cour constitutionnelle’’, ‘’nos suffrages ont été volés’’, fulminaient des dizaines de jeunes à Banconi en commune I du District de Bamako pour rejeter des résultats des 9 Sages de la Cour constitutionnelle.
Plusieurs autres circonscriptions de la capitale et de l’intérieur du pays ont manifesté ce lundi. Leur message est le même : le rejet de l’arrêt de la Cour au motif qu’il n’est pas conforme aux résultats issus des urnes.
Ce jour, à Banconi Flabougou, une centaine de personnes essentiellement des jeunes filles et garçons, a fait le tour de leur quartier en allant occuper pendant plusieurs minutes la route de Koulikoro, l’axe principal pour les habitants de la commune I devant se rendre au centre-ville. Certains étaient assis à même le sol, malgré la forte chaleur. Preuve de leur engagement et de leur détermination, s’il en était besoin. Le contexte du mois de Ramadan et de la maladie n’a pas découragé. Ils scandaient ‘’A bas Manassa’’, ‘’Frankaly et Ouali ne sont pas nos députés’’, ‘’les résultats de la Cour en commune I sont les résultats de la falsification par les 9 Sages’’.
« Nous sommes sortis pour réclamer nos voix qui ont été annulées en commune I. On n’est pas contre la Cour constitutionnelle, ni contre sa présidente, mais on est contre qu’on se moque de nos suffrages dans certains quartiers de notre circonscription électorale. On réclame que nos voix soient restituées et que nos députés soient remis dans leur droit », explique Modibo KONE, Président de la jeunesse de Banconi Flabougou. En clair, il reproche aux 9 Sages d’annuler plus de 2 000 voix favorables à leurs candidats du PRVM-Fasoko et de YELEMA.
Selon notre interlocuteur, la marche doit se terminer au domicile de Cheick Ousmane Chérif Madani HAIDARA à qui ils vont soumettre leurs doléances, afin qu’il intercède auprès des autorités politiques. Dans tous les cas, M. KONE est formel : ces manifestations vont se poursuivre jusqu’à ce qu’ils aient gain de cause. Il est convaincu également que ce résultat est un complot contre la population.
Dans la même commune, à Doumanzana, des gens ont également marché pour le même motif. Contrairement à Banconi, l’atmosphère était plus violente. Des pneus brûlés, des routes barricadées. Ces scènes ont conduit à des heurts entre des Policiers et des manifestants. Et il aura fallu l’usage de gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants.
Selon des jeunes de Doumanzana, c’est du jamais vu dans l’histoire de la démocratie malienne que les membres de la Cour torpillent les résultats des législatives. Cet arrêt de la Cour constitutionnelle montre combien la vie démocratique est en danger. « On n’a l’impression que des gens sont morts pour rien à la quête de la démocratie. Parce que ceux qui sont les garants de ce système s’en fichent qu’il soit bafouillé », déclare un manifestant. Peu importe que les 9 Sages reviennent sur leur arrêt, l’essentiel, pour lui, est d’exprimer son ras-le-bol, son désaccord, son mécontentement.
En commune II où il n’y a pas eu de renversement de situation, des jeunes ont profité de la situation de fébrilité dans le pays pour ériger des barricades sur la route, brûler des pneus. Pour eux, l’objectif de la manifestation est de décrier de façon générale les difficultés auxquelles la population est confrontée, dont le problème des enseignants qui réclament leur salaire ; des populations sont privées de leur droit. « Tous ces faits montrent que le pouvoir est en difficulté et qu’il n’est pas en mesure de répondre aux attentes de la population. C’est pourquoi nous avons décidé de sortir pendant ce moment critique pour nous faire entendre », affirme un jeune manifestant.
A l’intérieur du pays, c’est la même indignation et plainte. A Sikasso, la mobilisation ne s’affaiblit pas depuis quelques jours. Ce lundi encore, la population a occupé les rues tenant des pancartes sur lesquelles elle réclame à la Cour des suffrages qui ont été injustement annulés. Nouhoum T. KONE, un habitant de Sikasso, sidéré par l’arrêt, a déclaré : « l’heure est grave, l’heure est grave dans un pays où on veut bafouiller les voix des patriotes, des citoyens qui se sont dignement mobilisés pour porter leur confiance sur des gens qu’ils estiment crédibles. C’est dur que ces suffrages soient modifiés au profit de quelqu’un d’autre. Ce qui est en train de se passer une honte pour l’ensemble de tout le pays. C’est de l’hypocrisie que la Cour est en train de faire. On n’adhérera pas à ce projet. On n’est pas d’accord et on ne sera jamais d’accord ».
A Niéna, l’un des fiefs de Bakary TOGOLA, des populations se sont également révoltées contre l’arrêt de la Cour constitutionnelle. Elles soupçonnent des fraudes et tripatouillages des chiffres par les Sages. Pour elles, ce qui est présenté comme résultat est loin de refléter la réalité des urnes.
Par Sikou BAH