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Remarques sur les propos de Son Excellence Dennis Hankins, Ambassadeur des États-Unis auprès du Mali

Au sortir d’une rencontre avec Moussa Timbiné, président d’une Assemblée nationale issue de la gigantesque fraude électorale du 30 mars et 19 avril 2020 et de la violation flagrante de la Constitution du 25 février 1992, l’Ambassadeur des États-Unis s’est attribué le droit de s’ingérer dans les affaires intérieures du Mali en disant, grosso modo, aux Maliens qu’ils doivent accepter les conséquences des manipulations opérées par la Cour constitutionnelle et maintenir au pouvoir le régime d’IBK.

Nul besoin de dire qu’il a violé les us et coutumes en vigueur en matière diplomatique et que son intervention, hautement contre-productive, aura pour effet de galvaniser la quête du Peuple Malien pour le triomphe de la Justice et du respect de son droit souverain à se doter des dirigeants de son choix et non à subir les politiciens véreux spécialisés dans le coup permanent contre la Constitution du 25 février 1992. Sans s’attarder sur le manque de consistance de l’argumentation juridique et politique de Son Excellence Hankins, il convient juste de faire quelques remarques générales pour situer le moment historique dans lequel se trouve le Mali et l’Humanité entière dans le premier quart de ce XXIème siècle très prometteur en matière de bouleversements fondamentaux.

Premièrement, un diplomate doit connaitre l’histoire du pays dans lequel il est accrédité et, surtout et avant tout, la mentalité du Peuple de ce pays. Les Maliens sont le fruit d’une longue et puissante tradition historique. Avec la Charte de Kuru gan Fugua en 1235, les Maliens figurent au rang des premiers peuples de la Terre à se doter véritablement d’une Constitution et à connaitre les droits fondamentaux de l’homme. Les Maliens sont fiers et orgueilleux de cette histoire dont la substance irrigue leurs faits et gestes quotidiens. Par conséquent, les propos de son Excellence viennent à contre-courant de ce qui constitue le substratum psychologique du Malien d’aujourd’hui. Certes, comme toutes les nations, le Mali a connu des hauts et des bas; malgré tout, les Maliens demeurent fondamentalement inhibés par cette volonté irrépressible d’être maîtres de leur destin. De ce fait, les Maliens ne se laisseront jamais dicter leur conduite par qui que ce soit.

Deuxièmement, un diplomate doit faire preuve d’humilité, écouter avec attention (active listening), apprendre constamment du pays dans lequel il vit afin d’enrichir sa propre humanité pour mieux être utile à son pays d’origine. Nous Africains, nous ne qualifierons jamais de “pays de merde” aucune contrée sur la planète parce que nous respectons profondément chaque être humain. Pour Nous: “Chaque être humain est unique en son genre, irremplaçable en lui-même, et quelquefois, pour l’humanité entière” (Raymond Aron). Pour nous, il n’existe pas de “pays de merde”, mais des pays dans lesquels les femmes et les hommes se battent quotidiennement pour le triomphe de la Justice et le respect de leur dignité à l’instar des Africains-Américains – joints par des milliers de citoyens américains toutes “races confondus”- qui sont déterminés à mettre fin au “racisme systémique” dont George Floyd a été l’une des récentes victimes en direct devant l’Humanité entière.

Troisièmement, au Mali comme aux États-Unis, lorsque les dirigeants violent la loi, ils doivent rendre des comptes à la Nation et être sanctionnés. Chez vous, trois de vos présidents (Andrew Johnson en 1868, Bill Clinton en 1998 et Donald Trump en 2019-2020) ont été formellement “impeached” par le Congrès pour des faits graves; bien qu’ils aient été acquittés après leur procès au Sénat. Patrick Henry (1736-1799), l’un des Grands Patriotes et pères fondateurs de la nation Américaine, a dit justement: “The Constitution is not a document for the government to restrain the people: it is an instrument for the people to restrain the government

Le Président Theodore Roosevelt (vingt-sixième président de 1901 à 1909): “Patriotism means to stand by the country. It does not means to stand by the president or any public official”.

Quatrièmement, Son Excellence devrait relire le brillant essai de son compatriote Henry David Thoreau intitulé “Resistance to Civil Government” publié en 1849 dans lequel celui-ci s’élève contre l’esclavage et l’impérialisme américain suite à l’intervention américaine au Mexique en 1846. Le droit à la désobéissance civile a été brillamment défini par deux remarquables présidents américains. Rappelons, à cet égard, ces propos du président John Adams (deuxième président de 1797 à 1801): “Constitution is instituted for the common good; for the protection, safety, prosperity, and happiness of the people; and not for the profit, honor, or private interest of any men. Therefore, the people alone have an incontestable, unalienable, and indefeasible right to institute government; and to reform, alter, or totally change the same when their protection, safety, prosperity, and happiness require it”.

La situation du Mali est exactement ce que décrit le président John Adams: la sécurité, la protection, la prospérité et le Bonheur des Maliens sont totalement menacés, voire inexistants. Par conséquent, c’est leur droit incontestable, inaliénable de changer de gouvernement. Ce qui est valable en Amérique doit être valable au Mali. Soixante ans après John Adams, le président Abraham Lincoln (seixième président de 1861 à 1865) dira la même chose avec des mots très puissants: “We the people are the rightful masters of both Congress and the Courts, not to overthrow the Constitution but to overthrow the men who would pervert the Constitution”. Au Mali, la Constitution a été précisément pervertie, violée par la Cour constitutionnelle sur ordre et pour le profit personnel des tenants du régime en place. Dès lors, ceux-ci ne possèdent plus Ni la légalité, Ni la légitimité, Ni même la dignité morale pour prétendre continuer à diriger un pays dont ils sont les principaux fossoyeurs.

Le Mali est entré dans une nouvelle phase de sa trajectoire historique. En s’appuyant sur son génie créateur, il donnera une nouvelle dimension à son combat, à sa quête pour plus de Justice, de Dignité, de Paix, d’Amour et Compassion pour l’Autre. Nulle force au monde ne pourra arrêter l’expression de la volonté inébranlable des Maliens de prendre leur destin entre leurs mains et d’œuvrer pour le Bien du Mali et de l’Humanité.

Source : Le Poing

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