RD Congo – Ebola : polémique sur la politique de vaccination
Médecins sans frontières accuse l’Organisation mondiale de la santé de « rationner » l’accès au vaccin. L’épidémie a déjà tué plus de 2 000 personnes. Source AFP
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) pourrait-elle faire plus dans la lutte contre la propagation du virus Ebola dans l’est de la République démocratique du Congo ? C’est ce que semble affirmer l’ONG Médecins sans frontières (MSF) qui l’accuse de « rationner » le vaccin des laboratoires Merck, le seul utilisé à ce jour pour lutter contre l’épidémie. « Un des problèmes majeurs réside aujourd’hui dans le fait qu’en pratique le vaccin est rationné par l’Organisation mondiale de la santé et que trop peu de personnes à risques sont aujourd’hui protégées », a écrit MSF dans un communiqué. Dénonçant « l’opacité » de l’OMS, MSF demande « la création d’un comité de coordination international indépendant » pour « améliorer la coordination de la vaccination » et « garantir la transparence sur la gestion des stocks et le partage des données ».
Interrogée par l’Agence France-Presse, l’OMS a démenti toute limitation de l’accès au vaccin. « Nous collaborons étroitement avec le gouvernement de la RDC pour atteindre le plus de communautés et d’individus possible dans la zone de l’épidémie. Nous ne limitons pas l’accès au vaccin, mais mettons plutôt en place une stratégie recommandée par un comité d’experts indépendants, comme convenu avec le gouvernement de la RDC », a déclaré le Dr Mike Ryan, directeur des programmes d’urgence de l’OMS.
225 000 personnes vaccinées
Déclarée le 1er août 2018, la 10e épidémie de fièvre hémorragique Ebola sur le sol congolais a tué plus de 2 100 personnes. En juillet dernier, l’OMS a élevé la menace Ebola au rang « d’urgence de santé publique de portée internationale ». Au total 225 000 personnes ont été vaccinées, « mais ce nombre reste largement insuffisant », selon MSF. « Jusqu’à 2 000-2 500 personnes pourraient être vaccinées chaque jour, contre un rythme actuel de 500 à 1 000 personnes », affirme dans le communiqué la directrice des opérations de MSF, Isabelle Defourny. « Les efforts de MSF pour étendre l’accès à la vaccination en collaboration avec le ministère de la Santé (…) se sont heurtés au contrôle extrême imposé par l’OMS sur l’approvisionnement en vaccins. » « Les raisons derrière ces restrictions restent obscures », poursuit l’ONG, pour qui l’actuel vaccin rVSV-ZEBOV « a démontré son innocuité et son efficacité ».
L’ONG balaie l’argument d’une crise d’approvisionnement : « Merck vient de déclarer qu’en plus des 245 000 doses déjà délivrées à l’OMS, ils étaient prêts à envoyer 190 000 autres doses si nécessaire, et que 650 000 autres seraient mises à disposition dans les six à 18 prochains mois ».
Un second vaccin
Le communiqué de MSF a été publié sur fond de polémiques sur l’introduction d’un deuxième vaccin anti-Ebola. « Le deuxième vaccin est en cours d’examen », a déclaré en fin de semaine dernière le coordonnateur de la riposte anti-Ebola du ministère congolais de la Santé, le Dr Jean-Jacques Muyembe. « Nous continuons avec le premier vaccin dans les endroits où il y a l’épidémie. Le deuxième vaccin sera utilisé sans doute en dehors des zones épidémiques pour protéger la population », a-t-il ajouté, dans des propos rapportés par le site actualité.cd.
L’ex-ministre de la Santé Oly Ilunga avait démissionné le 22 juillet en dénonçant des tentatives d’introduction d’un deuxième vaccin « par des acteurs qui ont fait preuve d’un manque d’éthique manifeste ». En mai, le laboratoire belge Janssen Pharmaceuticals, filiale de l’Américain Johnson & Johnson, avait déclaré à la presse belge qu’il était prêt à envoyer des doses d’un vaccin expérimental anti-Ebola en RDC, en très grande quantité (jusqu’à 1,5 million, d’après le quotidien Le Soir).
Source: Le Point