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Radio Kledu : 30 ans de lutte pour la liberté d’expression et de la presse

Meguetan Infos

Hier, 14 novembre 2022, à la Maison de la presse de Bamako, ont démarré les activités de la fête des 30 ans de la Radio Kledu. L’allocution de bienvenue a été prononcée par le Directeur général de la Radio Kledu, Abdoulaye Handane, avant que la parole ne revienne aux panelistes, pour un débat sur « quel rôle pour les médias dans le contexte sécuritaire et de retour à l’ordre constitutionnel ? » modéré par deux figures de la radio, Kassim Traoré et Mahamane Kane. Les débateurs étaient Bandiougou Danté, président de la Maison de la presse ; Mme Maye Niaré, membre de la société civile et membre de la commission d’appui à la refondation ; Dr. Ibrahima Sangho, président de l’observatoire pour les élections et la bonne gouvernance au Mali et chef de mission Modele-Mali (Mission d’observation électorale au mali), Dr. Aly Tounkara, chercheur, directeur du centre d’études stratégique et sécuritaire au Sahel.

C’était en présence du promoteur de la Radio Kledu, Mamadou Sinsin Coulibaly, des représentants du parrain Adama Sangaré, Maire du District de Bamako, de la Marraine Niuma Belleza, le Maire de la Commune II de Bamako, Aba Niaré, d’anciens ministres et des ministres actuels dont celui en charge de la communication, des membres de la Haute autorité de la communication (HAC), de l’ancien Premier ministre Moussa Mara et d’autres hommes politiques, des hommes de médias, des personnalités de la société civile, des fidèles auditeurs de la radio Kledu.

Bandiougou Danté a indiqué que Keldu est sans contexte un témoin vivant de la démocratie malienne, car aura tout vu, tout accompagné, aura tout relayé. Cette radio privée et libre, dit-il, est un exemple de réussite, de bonne gestion, de professionnalisme avec ses débats politiques, ses cafés de presse, ses émissions de cousinage à plaisanterie, ses émissions sportives. «Keldu a su prendre en compte les préoccupations de la population bamakoise en particulier, de la population malienne en général, et avec la développement électronique, de la préoccupation du monde», a fait savoir Danté.

Il a salué Kledu pour avoir délocalisé une partie de ses activités dans la Maison de la presse, geste qui est l’expression de rassemblement, du respect de la confraternité pour faire face aux défis. «On souhaite que Kledu continue d’occuper sa place dans le paysage médiatique malien», a formulé comme vœux, Bandiougou Danté. Le Directeur général Abadoulaye Handane, d’ajouter que nous sommes là pour magnifier la presse, le 4ème pouvoir qui vacille, pour dire à la presse d’arracher le pouvoir. A l’endroit de la haute communication, Handane a fait savoir que fermer les organes de presse n’est pas pour la liberté de la presse, ne va pas avancer ce pays.

Après plusieurs tentatives de musèlement de la presse ces derniers temps, pourrait-on parler de recul de la liberté de la presse au Mali ? En guise de réponse, Bandiougou Danté dira :«La liberté de presse est un élément à protéger dans une démocratie, un élément à sauvegarder. Il est important que dans une démocratie les rôles et responsabilité de chacun soient respectés. Mais au Mali, pendant longtemps, le problème a persisté. C’est le problème de la négation des textes par les différents acteurs. C’est dans ce pays que quelqu’un est nommé ministre, il ne connait pas les textes de fonctionnement de son département, c’est dans ce pays que vous rencontrez des gens qui exercent dans un domaine pendant plusieurs années, mais n’ont jamais pris soins de lire les textes, les lois, les règlements qui régissent leurs professions. Dans ces conditions, personne ne peut dire que ce qui se passe au Mali est une situation normale. C’est une situation anormale qui ne doit en aucun cas empêcher la prévention des libertés ou des violations de la liberté de la presse. Mais, la liberté de la presse est un élément qui doit s’apprécier suivant la situation. Si nous devrons apprécier la notion de liberté d’expression, il y a des éléments d’appréciation comme: il n’y a pas un seul journaliste emprisonné au Mali, il n’y a pas un organe qui ait été empêché d’exercer par les pouvoirs publics, on n’a pas connaissance des cas d’agression de journaliste pour avoir exprimé une opinion. Mais cette liberté de la presse est limitée par exemple, par la précarité de la presse, par la situation du pays pour ce qui concerne l’impunité, etc. Et comme cas de violations de la presse, de violations d’expression, des zones de Mopti où la radio est interpelée par les chefs djihadistes ou que les chasseurs traditionnels obligent les radios à chanter leurs louanges, des groupes organisés, entretenus, soutenus, manipulés, parfois à un niveau insoupçonné, qui s’attaquent à des journalistes qui n’ont fait que leur travail». Répondant à la question si c’est le professionnalisme du journaliste qui est en cause ou si c’est l’indépendance de la presse qui est mise en cause, Maye Niaré, a ajouté : «De mon point de vue, ce n’est pas l’indépendance de la presse qui est mise en cause, ni le professionnalisme des journalistes, car depuis 1991 ils exercent leur métier en toute indépendance. Par contre, c’est le contexte sociopolitique et sécuritaire au Mali qui est le problème. Cela fait qu’aujourd’hui, nous n’avons pas toutes les cartes de paix, de sécurité en main pour que la liberté de presse s’exerce. Quelle que soit la liberté de presse, elle doit tenir compte de la période que vit le pays. Nous devons tenir compte de notre contexte sécuritaire. Si nous parlons de la presse, c’est par parce que le pays existe. Si le Mali n’existe pas, nous n’auront pas de pays pour nous parler».

Est-ce qu’on pourrait parler de cassure entre le pouvoir exécutif et la presse dans la dynamique de la refondation et du retour à l’ordre constitutionnel? A la réponse à cette question, Dr. Sangho Ibrahima a fait savoir que «les médias doivent arracher le pouvoir pour qu’arrive le retour à l’ordre constitutionnel qui semble intenable à travers les dates fixées pour l’Etat pour tenir les élections générales et référendaires. Pour favoriser le retour à l’ordre constitutionnel, les médias ont un rôle important à jouer: c’est de connaître les textes des élections, maîtriser les textes, la loi électorale, les avants projets. La Maison de la presse doit contribuer à cela pour renforcer la capacité des hommes de médias pour continuer d’être avant-garde, arracher leur pourvoir».

A la question si les médias doivent s’auto-censurer de l’argument sécuritaire que les autorités mettent en avant, Dr. Tounkara a souligné que «dans un contexte de crise sécuritaire, le journaliste doit faire attention dans l’emploi des termes comme Djihadistes, terroristes, Etat Islamique au Sahel, etc. Dans un contexte d’insécurité, ces termes pourraient servir à d’autres personnes ou groupes. La liberté d’expression ne doit pas se substituer à la liberté d’insulte ou à la liberté de propagande».

Ets-ce que Bandiougou Danté a des recettes par rapport à la situation de la liberté de la presse? A cette question, Danté a rappelé : «Je pense que la presse malienne a besoin d’unité, de volontarisme. Il faudrait en ce sens que les gens se mettent ensemble pour créer des grands groupes de presse, construire des grands réseaux en mutualisant nos efforts. Le second aspect est que cette presse malienne doit mener le nécessaire combat de l’adoption de ces textes (6) déposés sur la table du gouvernement, pour qu’ils soient en phase avec le monde actuel. Il s’agit de trois projets de loi, et trois projets de décret. C’est l’occasion de demander l’accompagnement de tous les défenseurs de la liberté de la presse, les organisations de soutien aux médias, de ces hommes politiques de nous aider à faire adopter au moins trois décrets : le décret sur la presse en ligne, le décret sur l’attribution de la carte professionnelle de presse, le décret sur l’aide publique à la presse. Pour nous permettre d’éviter tous les problèmes sur les réseaux sociaux, de moraliser la presse pour faire un traitement scientifique, équilibré, de l’information, pour nous permettre d’avoir près de 2 milliards, soit 0,01% de recettes publiques à la presse pour financer les organes de presse assorties de conditionnalité, nous devons mener ce combat comme un seul homme. Sans ça, l’avenir est incertaine».

Sangho a invité les journalistes à oser, à jouer pleinement leur rôle de quatrième pouvoir pour que les élections soient transparentes, inclusives, libres, sans violences. Cela, en s’organisant pour afficher les résultats provisoires dans les bureaux de votes afin d’éviter tout changement en cours de route ou à d’autres niveaux.

Hadama B. FOFANA

Le Républicain

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