Qui sont les perdants de la surenchère protectionniste entre la Chine et les Etats-Unis?
La guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis repart de plus belle avec les représailles annoncées lundi par Pékin. La Chine a décidé elle aussi de relever ses tarifs douaniers de 10 à 25 % sur 60 milliards de dollars d’importations américaines à partir du 1er juin. Cette surenchère commence à peser sur l’économie de ces deux pays. Quel est celui qui a le plus à perdre ?
Certainement pas les États-Unis, selon Donald Trump qui voit déjà son pays comme le grand gagnant du conflit. Car les mesures protectionnistes mises en place pour tordre le bras des Chinois et les contraindre à signer un accord rapportent beaucoup d’argent à l’État, estime le président américain.
Depuis vendredi dernier, les tarifs douaniers américains sont passés de 10 à 25 % sur un montant total de 200 milliards de dollars d’importations chinoises et l’administration américaine envisage maintenant de relever les taxes pour la totalité des produits importés de Chine. En réalité, si l’État fédéral engrange effectivement de nouvelles recettes, les exportateurs chinois, en revanche, n’ont pas l’air de perdre de l’argent, rien n’indique qu’ils ont réduit leurs prix pour le moment.
Alors qui paie l’addition ?
Jusqu’à maintenant, ce sont surtout les entreprises et les consommateurs américains, concluent les économistes de la réserve fédérale de New York comme ceux de la Banque mondiale. Les entreprises américaines les plus exposées, celles qui ont besoin du marché chinois pour fabriquer ou écouler leurs produits comme Apple, Caterpillar ou encore Intel qui importe actuellement de Chine 25 % de ses composants, ont bu la tasse à la bourse.
Depuis que les Américains ont durci le ton vendredi dernier, ces trois sociétés ont perdu plus de 10 % de leur valeur à Wall Street. Les grands distributeurs comme Wallmart ou Macy’s vont certainement souffrir également de la hausse des tarifs chinois sur le textile. S’ils ne relèvent pas leurs prix pour rester compétitifs, leurs marges diminueront.
La bourse américaine a enregistré hier sa plus forte baisse depuis le début du mois de janvier.
Car les investisseurs commencent à douter de la capacité des deux pays à trouver un accord alors qu’il semblait à porter de main il y a une dizaine de jours encore. Dans les campagnes américaines, le doute a cédé au désarroi, les farmers américains ont déjà beaucoup perdu dans cette guerre commerciale, et cela malgré les subventions exceptionnelles qui leur ont été accordées pour compenser la baisse des achats chinois, notamment de soja.
La Chine elle aussi est victime de la hausse des tarifs américains. En valeur brute, elle est la grande perdante. Comme elle exporte beaucoup plus vers les États-Unis qu’elle n’importe – c’est d’ailleurs l’une des racines du conflit – elle pâtit mécaniquement plus de la hausse des tarifs américains. Pour la première fois, les échanges entre les deux pays ont baissé au premier trimestre de cette année par rapport à 2018.
Mais la Chine a encore des atouts en réserve dans son bras de fer avec les États-Unis
D’abord pour amortir les chocs, les autorités chinoises disposent à leur guise de leur monnaie : l’an dernier, le renminbi a perdu 8 % de sa valeur, ce qui a totalement annulé l’effet de la hausse des tarifs américains. Avec les mesures de représailles annoncées hier par les autorités chinoises démontrent qu’elles n’ont pas l’intention de se laisser faire sans réagir, et qu’elles sont prêtes à employer des armes beaucoup plus nocives.
Selon un grand quotidien chinois, les achats de Boeing pourraient être revus à la baisse et on parle de plus en plus le recours à l’arme fatale : la vente massive des bons du Trésor américain. Une véritable option nucléaire car cela affaiblirait considérablement les États-Unis qui verraient le coût de leur dette s’envoler, mais la Chine elle aussi en subirait le contre-coup en endommageant la valeur de ses réserves. Une chose est sûre, cette poussée de protectionnisme n’a fait pour le moment que des perdants.