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Que sont ils devenus… Abdourahamane Sacko : Au bon souvenir du père de la “Revue de la presse” au Mali.

Abdourahamane Sacko est un journaliste de l’ORTM qui nous a impressionnés par sa modestie dans l’habillement, sa simplicité dans la présentation du journal télévisé, sa concision dans la revue de la presse. Pourquoi a-t-il choisi le métier de journaliste ? Sacko déclare que rien pourtant ne le prédestinait à la presse. C’est un concours de circonstances qui fait basculer son destin vers l’information. Admis au bac en 1979, il est orienté à l’Ecole nationale d’administration (option économie parce qu’il a fait sciences exactes au lycée), il a passé pratiquement trois ans en première année à cause de la suspension générale, mais surtout la fermeture de l’ENA et de l’EN Sup par les autorités politiques du pays. Il n’a plus la tête aux études. En ces temps-là, tous les moyens sont bons pour partir vers de nouveaux cieux. En bon Sarakolé, reconnu pour son goût pour l’aventure, Aboudourahamane Sacko, murit l’idée de tenter sa chance à l’étranger, appuyé en cela par un de ses oncles. Déconseillé par ses deux aînés Saloum et Bakary Sacko, il se rabat sur les concours, parmi lesquels il réussit à celui qui mène au Centre d’étude des sciences et techniques de l’information (Cesti) en 1984. De retour de Dakar trois ans plus tard, il intègre la fonction publique et est affecté à la Radiodiffusion télévision du Mali (RTM). Une structure qu’il finit par quitter contre sa volonté parce qu’il subissait trop de pressions pour une émission, dont la notoriété a produit l’effet contraire sur son concepteur. Qui est Abdourahamane Sacko ? Pourquoi il a quitté l’ORTM ? Quels sont les motifs de son départ de ses fonctions de conseiller du président de l’Assemblée nationale et de Chef de Cabinet du Ministère de la Culture ? Pourquoi et comment il a été victime de sa non-appartenance à des partis politiques ? Des réponses à toutes ces questions. C’est dans le cadre de la rubrique “Que sont-ils devenus ?”. Et c’est un des enfants de Nioro du Sahel, le chef de village de la “Cité Tombouctou” (Sokorodji) qui est notre héros de la semaine. La réussite de l’homme dans la vie est liée à une multitude de circonstances, et le journalisme l’a mené à beaucoup de choses.  Lesquelles ? Lisez le développement qui suit.

Dans son quartier on l’appelle “Dougoutigui”, parce qu’il est le premier à occuper la zone. Ce sobriquet a pratiquement noyé son nom et sa qualité de journaliste, qui auraient dû être pour nous des repères pour le retrouver. Fils d’un enseignant, le jeune Sacko a presque fait le tour du Mali avec ses parents. Finalement, il se retrouve au lycée Bouillagui Fadiga après son admission au DEF en 1974. Avec le système de tronc commun en vigueur, la performance sert de clef de répartition des élèves entre les lettres et les sciences, Abdourahamane Sacko se retrouve en série Sciences Exactes (SE). Logiquement, il est out pour le journalisme, réservé dans la plupart des cas aux littéraires. Surtout qu’il est orienté à l’ENA, filière économie. Mais comme évoqué plus haut, par défaut il monte dans le train de la presse pour Dakar à son admission au concours d’entrée au Cesti en 1984.

Abdourahamane Sacko (D) avec Hawoye Touré au CESTI en décembre 1987

Sa carrière à la RTM débute en 1989, comme journaliste-réalisateur. Il est affecté à la rédaction générale, chargé des reportages et la présentation de journaux radio-télé. Bien inspiré, il propose à sa hiérarchie la revue de la presse à la télé, pour compléter celle de la radio qu’il anime déjà. Cette nouvelle aventure n’est-elle pas risquée ? Parce que certains journaux privés ne ménagent pas le pouvoir dans leurs lignes éditoriales. Or une revue de la presse ne fait que commenter exactement ce qui est écrit.

Pour toute réponse, certains responsables de l’ORTM mettent  en avant la crainte de la publicité gratuite pour des journaux à travers une revue à la télé. En réalité, ils  ne voulaient pas certainement  que les articles de presse hostiles au pouvoir soient commentés sur la chaine nationale parce qu’elle est censée soigner ou même vendre l’image du régime. Néanmoins le chef de division programme, feu Mamadou Souleymane Touré, qui semble partager son idée, lui demande de monter le premier numéro, diffusé à l’improviste, c’est-à-dire sans l’avis formel  de la direction.

Brimades

Premier coup d’essai, premier coup d’éclat. Quelle a été la suite de cet engouement créé par sa nouvelle émission ? Pourquoi il a quitté l’ORTM ? Abdourahamane Sacko explique : “Après la diffusion du premier numéro, il n’y a pas eu de réaction ni de la direction de l’ORTM, ni du pouvoir. Des observateurs étrangers ont qualifié la revue de la presse comme un symbole de la démocratie malienne, parce qu’elle était unique à l’époque dans la sous-région, à la télé notamment. L’émission est devenue très populaire. Les week-ends, des députés, des opérateurs économiques  et d’autres personnalités en vue venaient souvent me supplier à la maison afin que je ne diffuse pas les articles négatifs sur eux. La pression s’intensifiait sur ma personne. Le pouvoir a interpellé la direction de l’ORTM, en estimant que j’étais en train de déborder. En un mot : l’émission dérangeait. J’ai rejeté les directives de la hiérarchie, tout en défendant le caractère impartial de l’émission, avec comme dernier mot : soit supprimer l’émission, soit m’enlever. Bref, j’étais très mal à l’aise dans mon service. Quand l’opportunité de quitter pour le Fonds des Nations unies pour la population (Fnuap) s’est présentée, je n’ai pas hésité”.

Abdourahamane Sacko quitte aussi cette agence du Système des Nations Unies plutôt que prévu, pour rejoindre l’Union économique monétaire ouest-africaine (Uémoa), en 1996 à la suite d’un concours sous régional. Malheureusement, pour incompatibilités d’humeurs, le président de la Commission de l’Uémoa met fin à ses fonctions. Face à cette décision de licenciement, il intente et gagne le procès contre l’institution. Me Mamadou Ismaël Konaté, qui a pris connaissance du dossier par le journal officiel quelques années après, lui conseilla de contre attaquer parce qu’il a été mal dédommagé.

L’avocat avait sûrement les arguments juridiques valables pour défendre le dossier, mais le problème est que le Sénégalais, qui a pris la décision de le remercier n’est plus en poste. Notre compatriote Soumaïla Cissé l’a remplacé. Comment un Malien peut attaquer une institution dirigée par un autre Malien ? Abdourahamane Sacko se résigne et, avec l’avocat, il décide de s’en remettre au verdict du premier jugement.

Après ce bref passage à l’Uémoa, il ne retourne pas à l’ORTM, mais au quotidien national L’Essor en 1998. Quelques mois seulement après, il est nommé conseiller à la communication à l’Assemblée nationale du Mali sous successivement le Pr Aly Nouhoun Diallo et Ibrahim Boubacar Keïta  (1998-2002). Il occupe par la suite les postes de chef de cabinet au ministère de la Culture (2002-2005) avec le célèbre cinéaste Cheick Oumar Sissoko. A l’Assemblée nationale, comme au département de la Culture, M. Sacko est soumis aux fortes pressions de l’entourage de ses patrons parce qu’il est apolitique. Cela dérange beaucoup, les uns et les autres estimant que ces postes doivent être occupés par des cadres du parti.

Doctorant en marketing

Finalement, il quitte ce département pour un poste de conseiller à la communication et aux relations publiques à la Banque régionale de solidarité (BRS-Mali, 2005-2013), puis chef service “communication et marketing” d’Orabank Mali (2013 -2017). Depuis le 1er janvier 2019, il est expert-consultant en communication du Projet d’appui à la promotion des énergies renouvelables au Mali (Paperm).

En plus de sa riche carrière administrative, Abdourahamane Sacko a été correspondant au Mali d’organes de presse comme “Wal Fadjr” (quotidien d’information-Sénégal), “L’Observateur Paalga” (quotidien d’information, Burkina Faso de 1998-2002), de la chaîne francophone de télévision “TV5” (1991-1995). Il est également chargé de cours de marketing/communication à l’Université des lettres et sciences humaines de Bamako (IUT), à Techno-Lab et à l’ITMA.

S’il est persuadé que les différentes rencontres et séminaires internationaux constituent pour lui une banque de données qui contribuent à développer sa culture générale, Abdourahamane Sacko demeure un homme avide de savoirs.

Aux termes d’une formation à l’Ecole nationale d’administration de Paris et d’un master en marketing, obtenu en 2008, il est présentement dans la recherche en vue de l’obtention d’un doctorat sur le thème “marketing sensoriel et neuromarketing” sous l’égide de l’Institut supérieur de formation et de recherche appliquée (Isfra).

Son passage à l’ORTM (tous ces reportages à l’extérieur et l’émission de la Revue de la presse), son admission au concours de l’Uémoa, ses passages à l’Assemblée et au département de la Culture sont ses bons souvenirs. Paradoxalement, très positif et un tantinet fataliste, Abdourahamane Sacko ne retient pas de mauvais souvenirs. Seulement, il dit avoir été déçu du fait de rater l’occasion de devenir un journaliste démographe. Au moment de passer ce test pour l’IFORD de Yaoundé, il était déjà à l’extérieur.  Dommage !

Marié et père de quatre enfants, M. Sacko aime le sport et l’écrit. Il déteste l’injustice, l’hypocrisie et le détournement des fonds publics, d’où son soutien sans faille au mouvement en cours contre la corruption.

O. Roger Sissoko

 

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