Promulguer ou promulguera pas ? : Perspectives pour la nouvelle loi électorale
Meguetan Infos
Promulguer une loi signifie que le Président de la République/Transition prend un décret pour annoncer officiellement que ladite loi s’applique à tous, à partir de ce jour. Ce droit relève de sa mission de faire respecter la loi (art 37 Const). Ce droit est endossé par le Premier ministre, chef de gouvernement, chargé d’assurer l’exécution des lois (art 55 Const).
Le pouvoir de promulgation des lois du Président de la République/ Transition est réglé par l’article 40 et 51 de la Constitution de 1992.
L’article 40 lui reconnaît le droit de promulguer les lois dans les 15 jours suivant leur transmission par le parlement au gouvernement. Avant l’expiration de ce délai, il peut demander au parlement une nouvelle délibération/discussion de la loi, en tout ou en partie. Cette délibération s’impose au parlement/CNT et suspend le délai de promulgation.
L’article 51 dispose que l’acte de promulgation des lois est contresigné par le Premier ministre et les Ministres concernés.
La nouvelle loi électorale sera-t-elle promulguée ?
D’emblée, il faut dire clairement que le Président ne peut pas refuser de promulguer une loi définitivement adoptée par le Parlement et transmise en bonne et due forme au gouvernement.
L’esprit de la disposition de l’article 40 est manifeste : il a un délai plafond de 15 jours avec seulement la possibilité de le suspendre, ou d’agir avant.
S’il venait à refuser de promulguer une loi qui répond à l’article 40, il serait en situation d’abus de pouvoir, ayant délibérément violé l’esprit de la Constitution et le principe de la séparation des pouvoirs, dont il a fait serment de protéger.
Mais dans ce cas, qui le constatera et qui le jugera ? Certainement que le caractère exceptionnel de la Transition servira de bouclier, néanmoins, les conséquences d’une telle démarche pourraient être incalculables.
Marges de manœuvre du Président de la Transition
Au regard du désaccord profond entre le CNT et le gouvernement sur la teneur de la nouvelle loi électorale qu’il aura la charge d’appliquer, le Président de la Transition peut demander une nouvelle lecture de celle-ci. Toutefois, cette décision peut ouvrir une crise périlleuse, voire longue, entre l’organe législatif et le cœur du pouvoir exécutif. Et le temps, la Transition n’en dispose pas…
Si le CNT délibère de nouveau et adopte en l’état la même loi, et la transmet au gouvernement, le désaveu évoluera et touchera la personne morale du Président.
Et que fera-t-il dans ce cas ? Renvoyer de nouveau pour une nouvelle lecture ? On sera donc face à un blocage. Il sera obligé de sauver la face, de dissoudre le CNT. Dieu seul sait la suite d’une telle action.
Cette voie est la plus dangereuse pour l’État, surtout dans une période aussi calamiteuse, n’en rajoutons pas. Ceux qui poussent vers cela, n’en mesurent peut-être pas toutes les probables conséquences. Ou, peut-être, est-ce ce clash des titans qu’ils préconisent ?
Il n’y a qu’une seule alternative pour que le Président puisse demander une nouvelle lecture à moindre frais pour l’État, c’est d’abord la démission de ce gouvernement. Et en ce moment, le CNT sera plus à l’aise pour discuter du contenu avec le nouveau gouvernement suivant son style et sa stratégie électorale.
Cependant, sans entrer dans toutes ces turbulences, le Président peut prendre acte et décider de promulguer la nouvelle loi électorale. Le Premier ministre peut refuser de contresigner et rendre la démission du gouvernement ou de contresigner et assumer la suite. Cette voie me paraît plus sage, vu la situation exceptionnelle de l’État et les énormes défis qui s’érigent.
En définitive, au fond, une fois promulguée, cette loi aura-t-elle toutes les chances de prévenir une nouvelle crise électorale ? Si le Président pense en âme et conscience le contraire, il doit renvoyer la loi à une nouvelle lecture et demander en même temps la démission du gouvernement.
Un nouveau gouvernement sera chargé de trouver un nouveau terrain d’entente avec le CNT.
Les deux titans, l’honneur sauf, pourront facilement s’entendre. Ils ne doivent laisser rien les diviser.
Si un désaccord profond et structurel demeure entre le législatif et l’exécutif autour d’une loi aussi décisive pour la vie de la Nation, chacun étant autonome dans son périmètre, il est aisé de comprendre que pour les citoyens, rien de bon ne sortira de cette loi. Et en cas d’échec, personne ne sera responsable, car chacun rejettera la responsabilité sur l’autre.
Tout n’est pas perdu. Il le sera au moment où nous commencerons à le croire.
Dr. Mahamadou Konaté
Juriste publiciste
Mali Tribune