Pourquoi il faut arrêter de penser que le sexe féminin est sale
Parler du sexe féminin sans prendre mille pincettes est assez récent. Quand on sait que le clitoris fut le grand absent des manuels de sciences de la vie et de la terre jusqu’en 2016, on se doute bien que le sexe féminin renferme encore bien des tabous. Qu’en est-il donc de son hygiène ? Que faut-il utiliser ? Quels sont les bons gestes ? Et surtout, que faut-il déconstruire sur nos préjugés à ce sujet ? Puretrend a posé ces questions à une spécialiste.
Les savons pour l’hygiène intime ont, à grands coups de publicités, réussi à coloniser nos salles de bain. Mais est-on vraiment sûres de leur efficacité voire de leur nécessité ? C’est un article de la presse web américaine dévoilant l’existence d’un masque pour la vulve (oui oui) qui a fait déborder le vase et nous a fait nous poser la question du bien fondé de l’exigence qui pèse sur le sexe féminin à être propre. On fait le point avec Lauriane Vignocan, médecin généraliste avec un DIU de formation complémentaire en gynécologie.
Des produits dangereux pour l’intimité
Il faut certainement commencer par rappeler que le vagin est autonettoyant et n’a donc pas besoin de quelconque produit. La flore vaginale est ainsi composée de millions de bactéries qui gardent un milieu acide stable à l’intérieur du vagin et empêchent le développement de cystites ou encore de mycoses. Par conséquent, à quoi peuvent bien servir ces produits d’hygiène intime qui pullulent en pharmacie et en grande surface ?
« Tout ce qui est fait actuellement est purement marketing », balance Lauriane Vignocan sans préambule. « Déjà, le vagin ne se nettoie pas, ni à l’eau, ni avec quoi que ce soit. Pour la partie externe, la vulve, on utilise un pain dermatologique sans parfum ni colorant, le plus simple possible ». « Mais pas de savon de Marseille qui est trop agressif », précise-t-elle.
« Il ne faut pas nettoyer la vulve trop souvent. Le moins, le mieux. Deux fois par jour maximum et sans gant ou fleur de bain, qui ont un effet décapant sur cette zone. De même, lorsqu’on sort de la douche, on ne frotte pas la vulve avec la serviette, on tapote en douceur. »
Des gestes tout simples mais qui changent tout. Lauriane Vignocan, qui ne pratique aujourd’hui que la gynécologie dans des centres PMI, nous raconte que la méconnaissance du fonctionnement du sexe féminin est grande. Ainsi, elle rencontre des patientes qui ont pris pour habitude de « décaper » leur vulve et qui se retrouvent avec des mycoses à répétition.
Les restes d’un patriarcat tenace
Mais cette sorte d’acharnement que les femmes pratiquent sur leur propre sexe n’est-il pas révélateur d’une nouvelle injonction qui pèse sur elles ? D’ailleurs, lorsqu’on évoque l’existence d’un masque pour soit disant « hydrater la vulve », de brumes parfumantes et autre lingettes, Lauriane Vicognan rit jaune. « Tous ces produits entretiennent le mythe qu’il faut rafraîchir cette zone, qu’elle est sale », déclare-t-elle, « Bien sûr, il arrive que certaines pertes vaginales aient une odeur forte, dans ce cas-là il faut consulter ». Rien ne sert donc de s’acharner dans son coin.
« Avant les savons, c’était la douche vaginale qui faisait loi », poursuit-elle, « Cette vision du sexe féminin comme étant sale est, selon moi, directement lié au patriarcat. On le voit bien avec les débats actuels, tout ce qui coule du vagin, des règles aux sécrétions diverses, est jugé comme dégoûtant, alors que c’est physiologique, c’est normal ».
La méconnaissance du sexe féminin qui est entretenue par un manque d’informations flagrant sur le sujet, que ce soit au niveau des manuels scolaires que des cours d’éducation sexuelle, tend à se dissiper. Il est plus que temps pour chaque femme d’apprendre à aimer son corps et le traiter avec douceur.