Pour stabiliser le Sahel : Le rapport de FES PSCC préconise la négociation avec les groupes djihadistes
Meguetan Infos
Le Bureau Paix et Sécurité Centre de Compétence Afrique Subsaharienne de la Fondation Friedrich Ebert Stiftung (FES PSCC), a réalisé, à travers Baba Dakono, secrétaire exécutif de l’Observatoire citoyen sur la gouvernance et la sécurité, une étude sur le thème « Du tout sécuritaire au dialogue diplomatique : faut-il envisager une stabilité négociée au Sahel ? » FES PSCC Dakar et FES Bamako ont précédé, hier, jeudi, 24février 2022, à Hôtel Amitié de Bamako, à la présentation des résultats de ladite étude. Le Ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, lieutenant colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement ; Kristian Klatt de la FES PSCC Bamako ; Philipp Goldberg, Directeur Fes PSCC Dakar ; acteurs de la société civile, des ONG ; le monde universitaire etc., ont pris part à l’atelier de présentantion du rapport.
En effet, la présente étude vise à contribuer à une meilleure compréhension de certaines dynamiques sécuritaires dans la région et à s’interroger sur l’avenir de la négociation comme stratégie d’endiguement de l’instabilité au Sahel. Selon Baba Dakono, elle est le résultat d’une revue de la littérature ainsi que des entretiens informels, semi-structurés et confidentiels qui ont été menés avec un large éventail d’interlocuteurs de la région, parmi lesquels figuraient des représentants de la société civile, des journalistes, des diplomates et des responsables de la coopération internationale au développement au Burkina, au Mali et au Niger. L’étude présente, ajoute Baba Dakono, un aperçu analytique des contextes sécuritaires et met en évidence les dynamiques importantes qui sous-tendent les situations dans les pays visés. Elle analyse la question d’une stabilité négociée pour la gestion de la crise sécuritaire et suggère des options, le cas échéant.
Au terme de l’étude, il ressort que la lutte contre le terrorisme, telle qu’elle est déployée, ne laisse que peu de place au dialogue de paix. Après toutes ces années de campagnes militaires, préconise Baba, sous différentes formes, dans la région, il est nécessaire d’ouvrir de nouvelles possibilités, y compris celles de la discussion avec certains acteurs issus des communautés et porteurs de revendications plus politiques qu’idéologiques. Ce dialogue, propose le consultant, doit se faire au plus près des populations concernées, afin d’éviter toute instrumentalisation ou récupération partisane.
Des défis et limites à relever
Toutefois, préconise le consultant Dakono, comme dans tout projet, ce processus présente des défis et des limites. Il s’agit, souligne Baba, de la problématique de la gouvernance, notamment locale, que le développement dans des zones qui ont pendant longtemps été délaissées. En somme, dit Baba, on ne peut pas occulter le fait que la crise, en provoquant le départ de l’administration de vastes territoires ruraux, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, a entrainé de nouvelles donnes dans la géopolitique locale. « En l’absence de l’Etat, chefferies traditionnelles, milices communautaires et groupes djihadistes » se sont disputés la place laissée et dans d’autres cas, le vide historique ; il est plutôt politique, sécuritaire et social.
Dans le cadre de cette étude, et à partir des enseignements qui ressortent de l’analyse, les recommandations suivantes ont été envisagées. D’abord, il s’agit de considérer le dialogue comme un processus de discussion avec l’ensemble des communautés. Là, dit Baba, il est question d’ouvrir une réflexion collective sur la gouvernance dans les États de la région en étant atteignant les spécificités locales et en négociant un nouveau contrat social. « Cette négociation doit se bâtir sur un vrai dialogue avec les communautés, y compris les « parias », déclare Baba. Ensuite, il s’agit de démultiplier les niveaux d’échelles dans le dialogue. « Le dialogue politique avec certains groupes extrémistes violents, s’il doit avoir lieu, doit en tout cas être le fait d’une initiative locale », conseille Baba. En plus, il s’agit d’amorcer un véritable changement de paradigme dans la lutte contre le terrorisme. « Le changement de paradigme terroriste au Sahel nécessite la définition d’une nouvelle formule d’action plus performante », martèle Baba. De plus, il est demandé d’engager des solutions de paix en adéquation avec le contexte historique de son pays, y compris au niveau du modèle de gouvernance. En outre, il est demandé de formuler les stratégies militaires aux réalités du terrain. Il est exhorté aussi de renforcer la compréhension des forces armées sur les dynamiques locales ; accompagner les Etats dans les réformes du secteur de la sécurité ; refonder les Etats sur de nouvelles bases ; la refondation de la politique régionale de la paix et de sécurité. Enfin, dit Baba, il s’agit de renforcer les efforts des Etats de la région, les partenaires internationaux devraient commencer par identifier les accords de paix locaux déjà établis sur la base d’un dialogue participatif avec les représentants des familles et des communautés, les autorités religieuses et coutumières et les experts locaux en médiation des conflits. Ce faisant, dit-il, il est capital d’éviter les approches biaisées, en basant l’engagement sur une compréhension approfondie et spécifique au contexte des pratiques politiques sociales et des croyances culturelles et religieuses. « Il est aussi nécessaire d’instaurer la confiance et d’assurer une large participation, en facilitant les négociations entre les membres de la communauté, les acteurs traditionnels, coutumiers et religieux et les acteurs non étatiques armés, afin de corriger le déséquilibre actuel dans la gestion des ressources naturelles. Cela signifie également qu’il faut redéfinir le rôle des institutions locales dans la résolution durable des conflits intercommunautaires », souligne Baba. Et d’ajouter que compte tenu de la position de force des groupes djihadistes dans les zones touchées par le conflit, et pour éviter toute obstruction, il est important de réfléchir à la manière de les inclure dans les négociations locales et les accords de paix. Cela implique de faire le lien entre les efforts de consolidation de la paix et de soutenir le dialogue et la réconciliation.
Hadama B. FOFANA
Source: Lerepublicainmali