La production intellectuelle est aussi de l’argent. Vous ne pouvez pas prendre nos œuvres et les exploiter comme vous voulez. Il y’a des normes pour ça.
Plusieurs de mes proches ont essayé de me convaincre que c’est bon pour moi que mes productions soient diffusées, comme ci comme ça, dans les réseaux sociaux. Moi je ne fonctionne pas par l’économie du buzz : faire un petit truc qui crée le buzz et faire le tour des “diatigui” ou des marraines et parrains. C’est ce que j’ai essayé de leur expliquer. Et que mes œuvres diffusées anarchiquement produit plutôt du tort pour moi.
Par exemple quand Kati 24 a diffusé en direct le prémontage de Taane, ça a fermé la porte de plusieurs festivals internationaux au film.
Aujourd’hui de plus en plus de tik-tokeurs diffusent des extraits de mes œuvres notamment “Bassakèlè”, “Fatobougou”, “Banyengo”, “Tanyinibougou”, “Incha’Allah”, “Vérité de soldat”, etc. Il se trouve que je travaille depuis quelques années à mettre en place une plateforme numérique professionnelle.
Le lancement et la promotion de cette plateforme passaient par cette forme d’exploitation de ces œuvres dans les réseaux sociaux. Ces tik-tokeurs m’enlèvent ainsi la possibilité d’exploiter en exclusivité mes propres œuvres dans les réseaux sociaux afin de construire ma propre communauté numérique.
Produire ces œuvres nous a pris du temps, de l’argent, de l’énergie… Ce catalogue d’œuvres, c’est comme de l’argent déposé en banque. Chacune de ces œuvres est ma propriété privée. On ne doit pas les exploiter sans mon accord. Même les éditoriaux que je publie régulièrement sur ma page Facebook, relayé par le journal “Tribune” avec mon accord, sont ma propriété privée. On indique cette propriété dans le jargon professionnel le droit d’auteur.
Il est temps que nous commençons à comprendre ce droit et à le respecter. Sinon nous, intellectuels et artistes du Mali, ne pourrons jamais vivre de nos productions. Ou bien ? Vous voulez nous garder dans la pauvreté ?
Vous allez me demander d’interpeller aussi le ministère de la Culture ? J’attends d’abord que mes interpellations sur la “Biennale artistique et culturelle” aient un minimum de début de soupçon de réponse.
Alioune Ifra Ndiaye
Mali Tribune