Pas d’emploi sans 5 à 10 ans d’expériences dans un pays ou trouver un simple stage est un parcours de combattant.
Au Mali le défi à relever en matière d’emploi est d’autant plus préoccupant en milieu urbain, où seuls 35 % des jeunes occupent un emploi (contre 66 % en milieu rural). Après des longues années d’études, des jeunes diplômés sont en quête d’emploi. Difficile pour la plupart d’avoir un stage à plus forte raison avoir un emploi avec les conditions fixées par les entreprises qui recrutent.
Aujourd’hui au Mali, seuls les secteurs de l’enseignement et de l’armée recrutent à hauteur de 70 à 80% de jeunes diplômés par an. Même là, cela apparait comme une contrainte sociale pour ces jeunes enseignants et militaires désireux de gagner leur vie plus ou moins dans la dignité.
Pour ce qui est des entreprises privées, les conditions de recrutement sont difficiles d’accès à la plupart des jeunes diplômés sans emploi car l’expérience demandée va au-delà.
Lisons quelques jeunes victimes de ce système et condamnés à se contenter que des stages dès fois non rémunérés.
Mohamed DIARRA, 28 ans, est un jeune diplômé sans emploi. Après ses études, il décide de faire un stage dans une administration publique. Il nous explique : « Actuellement, mon souci est d’avoir un travail rémunéré qui me permet de devenir indépendant au lieu d’être toujours exploité par des administrations dont les ministères qui m’utilisent en tant que stagiaire. Je passe mon temps à postuler au niveau de l’Agence nationale pour l’Emploi (Anpe) à chaque fois qu’une offre d’emploi correspond à mon profil. Mais le souci avec notre filière, c’est que l’Etat ne nous recrute qu’à travers le concours de recrutement de fonctionnaires des collectivités en tant qu’enseignants alors que, pour cela, il faut passer par l’Institut de formation des maîtres (Ifm)… Ce sont les ONG qui recherchent souvent notre profil, or, elles aussi nous compliquent les choses avec leur histoire de deux ans d’expérience au minimum. Comment celui qui n’a jamais accédé à ce genre d’emploi peut-il faire valoir une expérience professionnelle ? »
Même situation pour Samuel DARA: »Le chômage est mon pire cauchemar, j’ai fini mes études en 2009, mais jusqu’à présent je chôme. Je postule à chaque fois que je le peux, mais mes demandes d’emploi restent sans suite. Pourtant, je rédige bien mes lettres de motivation, mon CV est présentable, mais malgré cela, rien. Une fois, j’ai eu à postuler dans une entreprise. J’ai passé le test et l’entretien que j’ai bien réussi, mais je n’ai pas eu le poste. J’ai été voir leur directeur des Ressources humaines, vu que je ne comprenais pas les raisons pour lesquelles je n’avais pas été retenu, malgré que je fusse 1er au test et que j’avais réussi l’entretien. Ce dernier m’a dit, qu’effectivement, j’ai réussi le test et l’entretien mais que le poste a été donné à une autre personne parce que ce dernier a plus d’expérience professionnelle sur son cv que le mien qui n’est enrichi que par des stages. Ce qui me met hors de moi dans tout ça, c’est quand les entreprises exigent deux à huit ans d’expériences professionnelles à des diplômés sans emploi. Cela doit changer. Comment quelqu’un qui recherche un emploi peut-il avoir des attestions de travail ? Et les stages ne constituent- ils pas des expériences professionnelles ? C’est vrai que l’expérience est importante, mais qu’ils nous laissent la chance de prouver nos capacités au lieu de nous juger en fonction des attestions de travail ou des expériences mentionnées sur un CV. « . S’exclame-t-il.
Pour Sanata son expérience est différente de celle de Mohamed. Diplômée et ayant fait ses études à l’étranger, elle rencontre des difficultés pour être embauché. « Je postule à chaque fois mais sans suite. Je passe souvent des entretiens que je réussis sans être promue pour le poste et on me donne comme motif que mon CV est pauvre en expérience professionnelle ou que le diplôme est supérieur. J’ai même une fois postulé pour un poste de secrétaire avec ma licence professionnelle de l’IUG. J’ai réussi l’entretien, mais je n’ai pas eu le poste parce que mon diplôme est supérieur au profil recherché. Pourtant j’étais d’accord pour être payée avec le niveau DUT. Jusqu’à présent je n’arrive pas à comprendre ; je pensais qu’avoir un diplôme supérieur était censé être un atout pour avoir un travail, j’ignorais que ça pouvait nous faire rater une opportunité. »
Il est évident que s’il y a un problème auquel le gouvernement n’arrive pas à bien faire face, c’est sans conteste, celui de l’emploi des jeunes. Le taux de chômage s’accroît sans cesse et il atteint de plus en plus des proportions inquiétantes, entraînant par la même occasion l’accroissement du banditisme et du vagabondage juvéniles. Les conditions d’employabilité doivent être revues au niveau des entreprises privées et ONG.
AFANOU KADIA DOUMBIA
Source: Malijet