Paris au défi de convaincre le Pentagone de rester au Sahel
La ministre française des Armées Florence Parly, attendue lundi à Washington, tentera de convaincre le Pentagone de ne pas retirer ses moyens militaires au Sahel, précieux soutien des troupes françaises aujourd’hui sous pression pour obtenir des résultats dans la lutte anti-djihadiste.
Au menu des discussions entre les deux alliés figurera également l’avenir de la coalition internationale anti-Etat islamique (EI) en Irak et Syrie, dans un contexte régional tendu.
Le chef d’état-major américain, le général Mark Milley, a récemment prévenu que les Etats-Unis entendaient réduire leur présence en Afrique, au moment même où Paris et ses partenaires sahéliens viennent d’annoncer des efforts accrus pour tenter de venir à bout de groupes djihadistes dont les attaques se multiplient.
Un retrait américain d’Afrique de l’Ouest constituerait un coup dur pour les 4.500 soldats français de l’opération Barkhane, déployés au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Washington fournit en effet à Barkhane des capacités de renseignement et de surveillance, notamment grâce à ses drones, du ravitaillement en vol et du transport logistique, pour un coût de 45 millions de dollars par an.
« L’engagement américain est crucial dans la région car ils fournissent des capacités critiques, dont certaines ne sont pas substituables », avertit l’exécutif français.
– Rééquilibrage stratégique –
Un retrait militaire américain en Afrique « serait une mauvaise nouvelle pour nous », avait de son côté admis le président Emmanuel Macron, lors d’un sommet à Pau (sud-ouest de la France) le 13 janvier avec les chefs d’Etat sahéliens, qui ont eux-mêmes pressé Washington de maintenir ses opérations.
« J’espère pouvoir convaincre le président Trump que la lutte contre le terrorisme se joue aussi dans cette région, et que le sujet libyen n’est pas séparable de la situation au Sahel et dans la région du lac Tchad », avait insisté le chef de l’Etat français, évoquant le risque de « prolifération du terrorisme ».
« Comme l’a affirmé Florence Parly lors de son déplacement au Sahel (lundi et mardi, ndlr), il faut éviter qu’un rééquilibrage stratégique ne se fasse au détriment de notre action en bande sahélo-saharienne », a renchéri jeudi le porte-parole de l’état-major français, le colonel Frédéric Barbry.
De l’autre côté de l’Atlantique, la discussion reste ouverte. « La question sur laquelle nous travaillons avec les Français, c’est le niveau de soutien que nous leur apportons. Est-ce trop? Est-ce trop peu? Est-ce que c’est ce qu’il faut? », notait mi-janvier le général Milley.
« Très franchement, aucune décision n’a encore été prise », a assuré mercredi le ministre américain de la Défense, Mark Esper, qui recevra Mme Parly lundi.
Mais pour les Etats-Unis, « la mission numéro un est la compétition avec la Russie et la Chine », comme l’énonce la Stratégie nationale de défense américaine de 2018, a rappelé le chef du Pentagone. Et « sur le plan du contre-terrorisme, je veux m’assurer que nous répondions en priorité aux menaces contre notre territoire national ».
Les Etats-Unis comptent entre 6.000 et 7.000 soldats dans l’Ouest du continent mais aussi à l’Est, notamment en Somalie. A Washington, Paris pourrait bénéficier de l’appui de parlementaires américains, démocrates comme républicains – dont le sénateur Lindsay Graham, très proche de Donald Trump – qui, dans trois lettres distinctes, ont récemment enjoint Mark Esper de ne pas retirer de moyens au commandement militaire américain en Afrique (Africom).
Mme Parly abordera également avec son homologue un autre dossier brûlant: le devenir de la coalition internationale anti-EI en Syrie et Irak, emmenée par Washington, dont la France souhaite ardemment la poursuite des opérations sous peine que le groupe djihadiste, auteur d’une série d’attentats sur son territoire, ne se reconstitue.
Mais la situation est volatile. Le Parlement irakien a voté début janvier en faveur du retrait des forces étrangères d’Irak – dont 5.200 soldats américains et quelque 150 Français. Une décision prise au surlendemain de la mort de l’emblématique général iranien Qassem Soleimani, tué par un tir de drone américain à Bagdad.
Or, l’Irak sert de base arrière pour les opérations de contre-terrorisme menées en Syrie, où sont en outre détenus des milliers de djihadistes dont des Occidentaux, fait-on valoir de source française.
Le président américain Donald Trump et son homologue irakien Barham Saleh se sont mis d’accord mercredi à Davos sur la nécessité de maintenir leur coopération militaire. Sans fournir de détails.