Nomination du gouvernement : Les militaires se taillent la part du lion
Un pas supplémentaire dans la mise en place des organes de transition avec la nomination du gouvernement de 25 membres dont les postes clés sont revenus aux militaires, le M5 peut essuyer ses larmes avec 3 portefeuilles, Plateforme et CMA se font une place au soleil.
Les ministères régaliens tombent dans l’escarcelle des militaires. Le colonel Sadio Camara, ancien directeur du Prytanée militaire de Kati et 2ème vice président du CNSP prend les rênes de le Défense et des anciens combattants. Un autre colonel Modibo Koné ancien commandant à Koro et 3ème vice-président du CNSP devient ministre de la Sécurité et de la protection civile. Le colonel Abdoulaye Maïga occupe le fauteuil de ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation.
Contre toute attente, les militaires ont cru bon d’étendre leurs tentacules au ministère de la Réconciliation nationale échu au colonel major Ismaël Wagué, ancien chef d’état-major de l’armée de l’air et porte-parole du CNSP.
Un choix guidé par le souci majeur d’avoir leur mot à dire sur la marche de la réconciliation. Certes, ils sont partis du postulat qu’ils les premiers concernés, ayant bravé la chaleur, le froid, la pluie et les tempêtes de sable, donné leur vie pour sauver d’autres. Tel un ouragan qui souffre sur une brindille, des mines déguisées en jouets ont tué aussi leurs petits êtres sur le coup. Ces engins les ont privés du droit de l’enfance, celui de jouer, de rire et de se blottir dans les bras de leurs parents. Des adolescents ont vu leurs parents faucher par les balles. Les groupes armés jouent de la gâchette comme moyens de subsistance. Scénario répétitif et cauchemardesque dans les régions du nord et du centre du pays où des hommes armés s’en sont donné à cœur joie dans les attaques de garnisons, postes et convois militaires. Bien qu’ils soient unanimement condamnés ces actes se perpétuent.
Mali en état de décomposition avancée
L’insécurité endémique sui règne sur la plupart du territoire national – dont les trois quarts échappent au contrôle de l’Etat – a créé un appel d’air dans lequel s’est engouffré des djihadistes du Groupe islamique armé (GIA), du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), tous algériens qui ont alimenté Al Qaïda au Maghreb islamique et l’Etat islamique. Le Mali est devenu un Etat dont le processus de décomposition a commencé depuis des décennies et dont les coupables aux yeux des populations sont tous ceux qui ont géré le pays ces trente dernières années.
Les citoyens ont assisté médusé à la débandade de l’armée, abandonnant son peu de matériel à l’ennemi et ont eu vent de l’obsession suicidaire des contre-attaques dont les plans parvenaient aux groupes armés avant qu’elles ne s’amorcent tant les trahisons ont été nombreuses. Dans un tel contexte, il apparaît clairement une crise de confiance entre les militaires et les politiques qui justifient le choix des premiers d’occuper le portefeuille de la Réconciliation nationale outre la Défense, la Sécurité et l’Administration territoriale – appelée à organiser des élections générales propres.
Groupés armés, M5 embarqués
M5, CMA et Plateforme ne sont pas laissés au bord de la route. Le premier sèche ses larmes avec au compteur 3 portefeuilles après la déconvenue de taille née de son inoccupation de la primature. De l’avis de Cheick Oumar Sissoko entre le mouvement et les militaires s’était noué un « partenariat » portant sur une répartition équitable des postes de président de la transition et de premier ministre. « Mais sur le deuxième point, la nomination du Premier ministre, nous avons été surpris. » Un de ses proches Mohamed Coulibaly s’occupe de la Refondation de l’Etat et des relations avec les institutions. Même s’il n’est point une figure de premier plan du M5 Dr Hamadoum Touré, ancien patron de l’Union internationale des télécommunications, est nommé ministre de la Communication et de l’économie numérique.
Mossa Ag attaher et Mahmoud Ould Mohamed, tous deux membres de la CMA, essuient respectivement leur charme sur le ministère de la Jeunesse et celui de l’Agriculture. La Plateforme brille par sa présence à travers deux portefeuilles occupés par Harouna Toureh-Travail et fonction publique – et Alhamdou Ag Ilyene – Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine.
Passes d’armes au M5
Des divergences sont apparues au grand jour au sein de cette coalition hétéroclite, notamment les passes d’armes entre le Choguel Kokala Maïga, chef du comité stratégique et Clément Dembélé, président de la Plateforme de lutte contre la corruption et le chômage, tel que résumées par ce dernier. « On m’accuse d’avoir provoqué des problèmes au sein du mouvement alors que je n’ai qu’un seul but : voir une nouvelle génération de dirigeants émerger. Je voulais lutter contre la corruption et mettre fin au régime d’IBK.L’objectif secondaire, c’était aussi de réfléchir à un cadre pour faire émerger des réformes de fond une fois le régime renversé. Malheureusement, nous avons été rejoints par des gens dont le seul objectif était de se positionner pour accéder au pouvoir. Or, tous ceux qui ont géré le pays depuis l’indépendance sans faire de preuves, et en particulier ceux cités dans des scandales financiers, ont prouvé qu’ils n’étaient pas aptes à gouverner. »
Le gouvernement sera scruté à l’aune du renforcement de la sécurité sur l’ensemble du territoire national, à la promotion de la bonne gouvernance, au lancement du chantier de réformes politiques et institutionnelles, à l’adoption d’un pacte de stabilité sociale et à l’organisation d’élections générales libres et transparentes. Le crédit accordé à l’équipe peut donc laisser place à la colère, la mobilisation dans la rue si les personnalités qu’elle referme se livrent comme par le passé à un pillage des faibles ressources du pays ou sont plutôt soucieuses de conserver leurs avantages liés à leur statut que d’améliorer le quotidien des Maliens mordus à pleines dents par l’extrême pauvreté.
Georges François Traoré
Liste des membres du gouvernement
Premier ministre : Moctar Ouane
Ministre de la Défense et des Anciens combattants : Col Sadio Camara
Ministre de la Justice et des Droits de l’homme : Boubacar Sida Dicko
Ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation : Lt-Col Abdoulaye Maïga
Ministre de la Sécurité et de la protection civile : Col Modibo Koné
Ministre de la Réconciliation nationale : Col major Ismaël Wagué
Ministre de la Refondation de l’Etat, chargé des relations avec les institutions : Mohamed Coulibaly
Ministre des Infrastructures : Makan Fily Dabo
Ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale : Zeini Moulaye
Ministre de l’Economie et des finances : Alousséni Sanou
Ministre des Affaires foncières, de l’urbanisme et de l’habitat : Dionkè Diarra
Ministre de l’Industrie, du commerce et de la protection des investissements : Harouna Niang
Ministre de la Communication et de l’économie numérique : Dr Hamadoun Touré
Ministre de la Culture, de l’artisanat et du tourisme : Kadidiatou Konaré
Ministre de l’Education nationale : Pr Doulaye Konaté
Ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique : Pr Amadou Keïta
Ministre de la Santé et du développement social : Dr Fanta Siby
Ministre de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche : Mahmoud Ould Mohamed
Ministre des Maliens de l’extérieur et de l’intégration africaine : Alhamdou Ag Ilyene
Ministre du Travail et de la fonction publique : Me Arouna Mamadou Toureh
Ministre de l’Emploi et de la formation professionnelle : Mohamed Salia Touré
Ministre de l’Environnement et de l’Assainissement et du Dévloppement durable : Bernadette Keïta
Ministre de la Promotion de la femme de l’enfant et de la famille : Bintou Founè Samaké
Ministre des Mines de l’énergie et de l’eau : Lamine Seydou Traoré
Ministre de la Jeunesse et des sports : Mossa Ag Attaher
Ministre des Affaires religieuses et du culte : Dr Mahamadou Koné