La Cité mythique et mystique, située aux portes du désert, jadis joyau au sortir de la piste transsaharienne ouest, reliait Walatta en Mauritanie au Bilad es Sudan (pays des noirs), l’appellation ancienne du Mali par les chroniqueurs et géographes arabes. Telle était, commercialement parlant, Nioro du Sahel, ville-carrefour, avant d’être érigée en Capitale par les Bambara Massasis, après le départ des Maures en 1796, suite à l’intervention militaire des troupes de Ségou, conduites par Monzon DIARRA en personne contre KaartaDésé COULIBALY ( confère carnet de voyage de Mungo PARK). La désormais capitale du Royaume Bambara du Kaarta, après Guémou, a été ensuite conquise par les troupes toucouleurs d’El Hadj Omar TALL, en 1855, après la défaite du Roi MamadiKandia COULIBALY, dont le palais était érigé dans l’emplacement de l’actuel camp militaire de la ville.
Après ces trois épisodes, successivement maure, bambara et toucouleur, Nioro du Sahel, passée entre temps sous domination occidentale en 1891, a été “promise” par la colonisation française comme un pont de son expansion au sud du Soudan-Français dans le cadre de sa conquête.
Aussi, l’Administration coloniale y a-t-elle érigé, très tôt, des bâtiments administratifs au style soudano-sahélien. La France a ainsi fait venir, dès les années 1900, des maçons de réputation, en provenance de Djenné, lesquels s’appuieront sur les matériaux locaux, dont les mines de schistes qui enserrent la ville.
Une Cité originale en pierre taillée
Sont ainsi sortis de terre de nombreux bâtiments en pierres taillées et en moellons pour constituer, dans un premier temps, la Cité coloniale, devenue le cœur de la ville à l’intérieur du quartier DianvellyCounda. Au nombre de ces bâtiments : la résidence et les bureaux du Commandant de Cercle, ceux de son Adjoint, le Palais de justice et le logement du juge, un Dispensaire central, un pied-à-terre pour les missionnaires de l’Administration, le Campement, les administrations et les centres de soins dédiés à l’élevage sur la butte dite de ” Koulouba ” à l’ouest de la ville, derrière la rivière Fagha.
Parallèlement, Nioro du Sahel a également accueilli, très tôt, les premiers contingents des fils de chefs dans des écoles bâties en pierres taillées, dans les années 1900 ; mais aussi, la Poste (première installation dans tout le Soudan-Français, pour la petite histoire) et la Radio de transmission morse, lesquelles vont résister au temps. La Place du ” RAG”, au cœur de la ville, elle, s’ouvrait en forme d’étoile à toutes les rues principales de différents quartiers. Elle accueillait les manifestations populaires et servait également de marché d’échanges entre les caravaniers du nord (dattes, viandes séchées, tissus exotiques d’Asie, etc.) et les intermédiaires du sud qui apportaient les produits locaux à foison (céréales, beurre de karité, coton, etc.) dans un marché permanent, bourdonnant de vie et très achalandé.
Plus tard, sont bâtis le bureau d’Air Mali et celui de la Permanence de l’US-RDA, datant de l’indépendance (les années 1960), qui sont venus s’ajouter à la Mosquée du vendredi du conquérant toucouleur, El hadj Oumar TALL (1855/1856).
Une ville en décrépitude
L’ignorance et la boulimie ont eu raison de cette Place centrale, qui a été bradée par l’administration municipale aux opérateurs économiques, foulant au pied le plan de développement urbain de la ville, ignorant, en plus, sa valeur mémorielle de place martyre pour une catégorie de fidèles musulmans. Le temps aussi, hélas, a fait son œuvre, laissant une ville en ruine aux “allures de cité bombardée “, Ibrahim Boubacar KEITA dixit.
Le cas le plus emblématique demeure l’état de décrépitude avancée du dispensaire central de Nioro du Sahel, qui porte aujourd’hui le nom de la première sage-femme africaine de la localité, native elle-même de Nioro et formée à Rufisque, au Sénégal, Mme Fatoumata Sambou DIAKITE. C’est un dispensaire qui a vu naître, depuis les années 1930, de nombreux fils et filles qui ont donné le meilleur d’eux-mêmes pour leur ville, le Mali et même le reste du monde : artisans, ouvriers, commerçants, éleveurs, agriculteurs, enseignants, hommes politiques, militaires, médecins, journalistes, sportifs, écrivains, hommes et femmes de culture, scientifiques, des hommes et des femmes de grande piété religieuse, etc.
Ville moderne, mais insalubre
En dépit de ce tableau plus ou moins reluisant, la “Ville-lumière” peut se vanter d’abriter des œuvres monumentales datant de l’indépendance même si, par ailleurs, elles sont mal exploitées.
Des villas rdc plus 1, voire plus 2, sortent de terre dans une ville moderne.
L’Etat n’est pas demeuré en reste dans ce mouvement de modernisation. En effet, au nombre des travaux d’hercule entrepris par l’Etat, l’on peut citer, entre autres : l’adduction d’eau et l’électrification ; mais aussi, le butimage des Routes nationales reliant la ville aux côtes mauritaniennes et au Maroc, au nord-ouest, et au Sénégal via la ville de Kayes, à l’ouest.
Une situation centrale qui a motivé les citoyens, dès les premières heures de l’indépendance, à s’ouvrir à la modernité : maison du parti sur effort personnel des militants entre 1962 et 63, les quartiers nouveaux dont celui de DianwelyCounda extension autour de la cathédrale et de l’hôpital, à l’est, et, à l’ouest, les quartiers Khaymé ( tentes), lieu de repos des chérifiens descendants de Cheick Hamallah, excroissance de Tichitt, haut lieu de culte de la TijaniyaHamawiya, abritant la Zawiyya-mère d’une confrérie installée partout en Afrique de l’ouest, DiakhaCoura aux maisons en ciment Rdc 1 et 2 et au style moderne de grandes villes maliennes.
La ville compte aussi la Zawiya TijaneUmarienne, entourée de villas cossues qui reçoivent la grande messe annuelle de cette autre branche de la confrérie tijane lors d’une zyara très populaire.
Les autres quartiers ne sont pas en reste avec des concessions modernes qui jouxtent des maisons en terre cuite.
Il y a cependant un bémol à cette modernité relative : l’absence d’infrastructures d’évacuation des eaux usées et pluviales, mais aussi, de techniques de surcreusement des fosses septiques, faisant d’elle une ville insalubre qui est envahie par des véhicules et des cyclomoteurs dans une nuisance environnementale indescriptible et une indiscipline aux consignes de sobriété et d’hygiène. Toutes choses qui traduisent une faiblesse de l’Etat et l’absence de relais traditionnels assurés avant par les associations citoyennes et les leaders locaux.
Je suis Nioro
Certes, des initiatives individuelles sont entreprises ici et là ; mais, elles restent largement insuffisantes pour pouvoir remédier à cet état de fait. Une synergie d’actions de différents protagonistes, acteurs étatiques comme privés, ONG comme Fondations, est par conséquent nécessaire afin de relever ces défis de manière à aboutir au développement harmonieux et durable de la Ville-lumière, d’un point de vue matériel. Sinon, sa vitalité n’est point démentie, encore moins son titre non usurpé, au regard de la religiosité et de la spiritualité qui irriguent la Cité en permanence. Déjà, l’érection du Cercle en nouvelle Région administrative est un grand pas dans ce sens. Cet essai administratif doit être transformé en opportunité de développement pour l’épanouissement individuel et le progrès collectif.
Nous osons espérer que ce cri de cœur résonnera dans l’oreille attentive des fils et filles de Nioro, des fils et filles du Mali, des fils et filles d’Afrique, des citoyens et citoyennes humanistes du monde.
Nioro doit continuer de s’illuminer ! Nioro continuera d’illuminer !
Seïdina Oumar Dicko – DSO –
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