Nioro du Sahel, la guerre par procuration des Cheick
Propulsé au devant de la scène par la crise de 2012, le chérif de Nioro s’est glissé sur un terrain jugé mal propre au Mali: la politique. En retournant sa veste entre 2013 en faveur d’IBK et en 2018 pour Aliou Boubacar Diallo puis Soumaïla Cissé, le religieux s’est grillé les ailes. Une occasion rêvée pour la seconde famille maraboutique de Nioro: celle des Tall.
À Nioro Sahel, il est dans son royaume et règne en maître. Dans cette ville, située à proximité de la frontière du Mali avec la Mauritanie, le chef de la confrérie Hamalliste est un saint, mais pas que. Il est aussi un puissant homme d’affaires. Avec sa famille, le Cheick tient le monopole d’importation de certains produits dont le gaz oil.
Jusque-là agissant dans l’ombre, en 2012, le Chérif de Nioro Bouyé Haïdara s’est affiché sur la scène politique après le coup d’État contre l’ancien président Amadou Toumani Touré. D’abord, il bénit l’ex-junte de Kati, avant d’appeler à voter pour le candidat du RPM, Ibrahim Boubacar Keïta. Mais l’aventure fait long feu. Très vite, il se brouille avec le nouveau locataire Koulouba. En cause: plusieurs de ses protégés en poste dans la haute sphère de l’État ou d’administration sont mis à la touche.
Au nombre desquels: l’ex puissant PDG de la BDM (Banque de Développement du Mali), Abdoulaye Daffé. Mais aussi Aliou Boubacar Diallo, PDG de la société minière Wassoul’Or en banqueroute. Ce protégé du Chérif, homme d’affaires avait financièrement soutenu le candidat favori, dans l’espoir de pourvoir stabiliser sa société en souffrance. Échec! Il a attendu le retour de l’ascenseur en vain.
Au lieu de l’aider à se relever, certaines sources rapportent que «Karim Keïta lui aurait proposé de racheter sa part d’actions». L’homme d’affaires rejette l’offre. Alors, allié du pouvoir, l’ADP-Mali, parti d’Aliou Boubacar Diallo quitte la majorité présidentielle en débauchant des députés du RPM. La suite est connue: Bouyé et ABD font front commun contre le président sortant à l’élection présidentielle de 2018.
De son côté, IBK s’est rapproché de la seconde famille maraboutique de Nioro du Sahel: celle des Tall. Ici les deux familles, Tall et Haïdara se disputent puissance et richesse, clefs de l’influence. Et durant toute la période de la campagne présidentielle, elles ont mené une bataille acharnée par procuration en faveur de leurs candidats opposés.
Après la défaite, du candidat de l’ADP-Maliba, Aliou Boubacar Diallo puis de Soumaïla Cissé le Chérif ne manque plus d’occasion pour critiquer le régime.
La victoire d’IBK sonne désormais pour lui comme une humiliation.
S’il ne l’a jamais répondu ouvertement, IBK a indirectement lancé des flèches au Chérif. Et cela, en saluant le lendemain de la proclamation des résultats du second tour, un autre Chérif et un Cardinal qui se sont gardés de donner des consignes de vote. «Je salue le Chérif Ousmane Madani Haïdara et le Cardinal Jean Zerbo pour leur patriotisme» avait-il lâché.
Politique et religion ne font pas bon ménage.