
Depuis des mois l’on assiste à une opération de charme (un forcing ?) de l’Algérie en direction du Niger, pays membre de l’AES. Dans sa tentative de rapprochement avec Niamey, pour son intérêt propre, Alger multiplie les promesses de réalisations de projets et l’octroi de dons alimentaires.
Dans ces pays du Sahel confrontés à la crise sécuritaire et ses problèmes corolaires, l’édification d’une Confédération d’Etats semble déranger les autorités algériennes, soudainement prises de panique pour stimuler une relation détendue avec Niamey. Ce que les autorités de ce pays frère et ami voient d’un mauvais œil vu le précédent fâcheux qui a délié les liens entre l’Algérie et le Mali. Si pour les autorités algériennes Niamey est plus accessible que Bamako et Ouaga à cause du froid intervenu dans leurs relations suite aux attaques terroristes perpétrées sur leur territoire en provenance d’Algérie, cela n’occulte pas de se poser des questions légitimes quant aux intentions algériennes. Des interrogations qui subsistent au moment où, par ailleurs, l’Algérie offre couvert et gîte aux terroristes qui déstabilisent les pays de l’AES. Et au même moment où, entre Alger et Bamako, le torchon brûle à cause justement du soutien matériel et financier de ce pays (Algérie) à des groupes terroristes.
Un tel rapprochement confirme qu’un État n’a pas d’amis mais que des intérêts. Mais ce que l’Algérie oublie ou fait semblant d’ignorer, pendant que les Fama continuent leurs opérations de destruction des nids et fiefs de terroristes en territoire malien, c’est que les actions des terroristes se poursuivent également entre les territoires nigériens et Burkinabé. L’Algérie ne peut ignorer cela et dire vouloir réchauffer ses relations avec Niamey. Sur ce plan, il est donc légitime de se poser des interrogations, notamment en raison des implications géopolitiques et économiques.
D’abord les deux pays collaborent sur des projets majeurs, comme le gazoduc transsaharien (TSGP), qui vise à transporter le gaz nigérian vers l’Europe via le Niger et l’Algérie. Ce projet stratégique pour Alger pourrait renforcer leur autonomie énergétique et leur position sur le marché mondial. Niamey y gagne-t-il ? Au plan de la Coopération multisectorielle ensuite. L’Algérie et le Niger travaillent également dans les domaines minier, pétrolier et des infrastructures. Par exemple, des entreprises algériennes mènent des prospections pétrolières au Niger, et des projets d’électrification sont en cour. En dépit de ces bons points, des tensions régionales empêcheraient ce rapprochement avec des répercussions sur les relations avec d’autres pays de la région, comme le Mali, à cause des tensions diplomatiques existant entre Bamako et Alger. Pour dire que déjà, l’Algérie a son compte plein en termes de divergences pour chercher encore à louvoyer avec une nouvelle fable.
Certains craignent que cela ne donne lieu à des fissures au sein de l’Alliance des États Sahéliens (AES) en jetant le doute dans notre entité commune. Dans ce contexte économique et politique de pays en transition, le Niger, le Mali et le Burkina Faso n’ont pas droit à l’erreur dans le choix de leur partenariat stratégique. Des partenariats qui en disent long sur les défis contemporains à cerner et les opportunités à saisir. Une bonne dose de patriotisme confédérale serait indiquée pour administrer à l’État algérien le respect de la souveraineté de ses voisins et non les prendre pour des États vassaux comme popularisé dans l’imaginaire des algériens.
Un ralentissement dans cette frénésie algérienne ne serait pas discourtois pour autant, vu la nécessité pour chacun des États membres de la Confédération AES de diversifier ses relations et ses revenus, notamment après les sanctions internationales et les crises économiques récentes.
C H Sylla
L’Aube