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Nécrologie : Babacar Justin Ndiaye parle de Boubèye Maïga

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Formé au CESTI de Dakar, le journaliste Soumeylou Boubèye Maïga a déserté les salles de rédaction et investi durablement et définitivement le champ politique de son pays : le Mali. D’où sa prodigieuse carrière dans les dédales des institutions (Cabinet du Président Konaré, Sécurité d’État, Ministère de la Défense etc.) qui a culminé avec et dans ses fonctions de Premier ministre sous le régime du Président IBK.

J’ai connu le défunt Boubèye Maïga, la fois, de près et de loin. D’un peu loin, car j’ai vécu un temps court au Mali, j’ai suivi sans arrêt l’évolution de cet immense pays et j’ai beaucoup écrit sur son Histoire immédiate ou récente. De plus près, pour avoir rencontré l’homme au milieu des années 90.

Éditorialiste au journal L’INDEPENDANT créé et dirigé par le talentueux et chevronné journaliste Saouti Haïdara, mes analyses avaient accroché l’attention du lecteur hors du commun, Boubèye Maïga, alors Directeur du Cabinet du Président de la République et Coordinateur des services de sécurité. Lecteur d’autant plus avisé qu’il appartenait – de par sa formation – à la communauté de la presse.

Soumeylou Boubèye Maïga et moi avions un ami commun, en l’occurrence, le célèbre intellectuel mauritanien Ahmed Baba Miské, co-fondateur avec Simon Malley, de l’hebdomadaire AFRICASIA devenu AFRIQUE-ASIE, ancien Ministre de l’Information du POLISARIO et, surtout, co-médiateur et co-artisan avec Edgar Pisani (ancien Ministre de l’Agriculture du Général De Gaulle) des Accords de paix, au Nord-Mali, qui ont suivi la chute de Moussa Traoré.

C’est par le truchement et en compagnie du Mauritanien Ahmed Baba Miské que Boubèye Maïga me reçut longuement dans une villa cossue de Bamako. Une conversation-marathon marquée par sa très professionnelle curiosité et ponctuée par mes réflexions très au-dessus du sol ou de la moquette, d’après ce qu’il me dit en substance et en fin de discussions.
Par cette audience, Soumeylou Boubèye Maïga voulut savoir comment une plume étrangère s’est incrustée avec succès dans le paysage médiatique du Mali ? Pour moi, ce tête-à-tête était une aubaine, une providentielle occasion d’approcher celui que les acteurs politiques maliens surnommaient fort justement : le « Tigre ».

En effet, Boubèye Maïga avait une once de charme carnassier et une dose d’énigme intimidante. Sans être issu du même moule que le Commissaire Abdallah Wafi (chef des services de renseignement de Seyni Kountché), le « Tigre » était un surdoué de la Police politique. On a encore, bien lovée dans les souvenirs, cette redoutable brigade de belles filles rattachées (sans fil visible) à la Sécurité d’État qui appâtaient et piégeaient les journalistes étrangers ; singulièrement ceux qui enquiquinaient le régime du Président Alpha Oumar Konaré.
Le journaliste malgache de Jeune Afrique, Sennen Adriamirado, en sut amèrement quelque chose. De même que cet ex-rebelle touareg (aujourd’hui homme d’État) qui eut la plus grosse frayeur de sa vie, à l’issue d’entretien avec Soumeylou Boubèye Maïga, en marge d’une médiation inter-malienne initiée jadis par le Colonel Kadhafi à Tripoli. Et bien d’autres coups fourrés et cruels que la conjoncture politique, encore instable au Mali, décommande de divulguer ici et maintenant.

L’autre atout exceptionnel de Boubèye Maïga a été son odyssée familiale et son entregent. Pour la petite histoire, le père de Boubèye a été le chauffeur du « Commandant Abdelkader », nom de guerre du futur Président de l’Algérie : Abdelaziz Bouteflika. Rappelons que pendant la guerre de libération nationale, le Front Sud du FLN-ALN avait son PC à Gao, dans le Nord du Mali frontalier du Sud de l’Algérie

Indiscutablement, l’ancien Premier ministre était au cœur de nombreux réseaux, au carrefour de plusieurs influences et à la croisée de maintes interférences ; notamment extérieures. Boubèye Maïga était un ami personnel de l’Ambassadeur de Libye à Bamako, Son Excellence Mohamed Madani Al Azari, un des rares francophones (avec Ali Triki et Ahmed El Houdeiri) dans l’entourage du Guide libyen. Par ailleurs, on situait Boubèye Maïga à équidistance d’Alger et de Paris dans la lutte d’influence qui se déroule au Mali. En tout cas, il était bien vu dans les deux capitales.

Du coup, la mort d’un tel personnage entraine inévitablement une somme de soupçons et de supputations. Il va sans dire que la non-évacuation médicale accable l’État malien (Exécutif et Justice confondus) ; toutefois les jurisprudences Djibril Bassolé du Burkina et Alpha Condé de Guinée ont sans doute pesé sur la balance. Le premier est en traitement interminable en Europe ; tandis que le second téléguide – via des audio habilement fuités – des remous dans son Parti voire des complots dans son pays : la Guinée.

Sans aller aussi intempestivement loin que le Président Mohamed Bazoum, on peut dire que les deux « B » (Boubèye Maïga et Boubou Cissé) n’ont jamais été en odeur de sainteté à Koulouba comme dans l’annexe de Kati. Tout comme leur retour régulier dans le jeu politique post-Transition ne pouvait et ne peut encore enchanter les actuels hommes forts du pays.

Babacar Justin Ndiaye

L’Aube

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