Lors du dernier sommet des BRICS, en Afrique du Sud, il était prévu d’élargir la composition du groupe et de discuter de la création d’une monnaie commune. Cependant, seule la question de l’élargissement a été réglée. La seconde a été renvoyée à plus tard, au vu de sa complexité.
L’adoption de cette monnaie est primordiale. Elle vise à s’affranchir de l’hégémonie du dollar, synonyme d’un ordre monétaire international inique.
Cet ordre monétaire a été mis en place par les Accords de Bretton-Woods de 1945, qui ont instauré le Gold exchange standard, autrement dit la primauté du dollar dans les échanges internationaux. Il a prévalu jusqu’à ce que le Président américain Richard Nixon décide, en 1971, que le dollar ne serait plus convertible en or, faute pour les États-Unis de posséder des stocks suffisants de métal jaune.
Pour maintenir l’hégémonie du dollar, les Américains ont conclu avec l’Arabie saoudite, deux ans plus tard, un Accord en vertu duquel cette dernière n’accepterait que le dollar dans ses ventes de brut et investirait les bénéfices générés dans des bons du Trésor américain. À partir de cette date, le prix du pétrole a été universellement libellé en dollar, renforçant le rôle de cette devise comme principale monnaie de paiement et de réserve du monde.
De cette manière, les États-Unis ont pu maintenir et même renforcer leur suprématie économique, politique et militaire à l’échelle mondiale.
Trois conditions pour une malédiction
Aucun autre pays ne peut s’offrir un tel privilège, faute de réunir les trois conditions suivantes: le pouvoir de créer des déficits à la hauteur de la demande mondiale en moyens de paiement, celui d’imposer sa monnaie aux autres et celui de disposer d’un marché national offrant la taille et de la profondeur nécessaires pour absorber la monnaie émise. Dans ce marché, tout est coté, en dollars: l’énergie, les matières premières, l’or, les devises, la dette américaine, et de nombreux produits, au comptant et à terme, sans parler des produits dérivés.
Dans la gestion de leur monnaie, les États-Unis ne sont contraints que par leur intérêt national. C’est ainsi que pour redonner de la compétitivité à leur économie au cours des années 1970, ils ont laissé glisser le cours du dollar à des niveaux qui ont mis en péril la situation financière de nombreux pays exportateurs de matières premières. De même, pour lutter contre l’inflation qui sévissait au début des années 1980, la Réserve fédérale américaine n’a pas hésité à hisser son taux d’intérêt de base à un niveau de 20%, entraînant la faillite de nombreux pays d’Amérique latine et d’Afrique. Incapables de rembourser leurs dettes, ils ont été acculés à aller trouver le FMI.
La malédiction risque cependant de s’avérer à double tranchant car, en plus de celle subie par les pays en développement et émergents à cause de leur soif de billets verts, se profile à l’horizon l’addiction des secteurs publics et privés américains aux déficits et aux dettes.
Déficits structurels américains et militarisation du dollar
Les déficits budgétaires américains sont devenus structurels, atteignant cette année les 1.800 milliards de dollars. Ils sont financés par l’émission de bons du Trésor qui sont souscrits en bonne partie par des investisseurs étrangers, privés comme étatiques.
Les dépenses militaires comptent pour moitié dans ce déficit (plus de 850 milliards de dollars). Elles servent à soutenir l’influence américaine à l’étranger -où sont installées plus de 800 bases militaires- ainsi qu’à mener des opérations de subversion et de déstabilisation aux quatre coins du monde.
Les BRICS ont raison de vouloir briser la logique absurde qui consiste à financer eux-mêmes une monnaie qui détruit leurs économies et attente à leur souveraineté. D’autant qu’il est clair que les Américains ne mettront pas d’eux-mêmes un terme à l’accroissement exponentiel de leurs déficits budgétaires, dont le cumul atteint déjà les 33.000 milliards de dollars, et qui devraient continuer à gonfler au cours des prochaines années, selon les dernières projections du FMI.
L’élément nouveau: le rapatriement de l’inflation US
Cela dit, les étrangers achètent de moins en moins de dette américaine, par crainte de sanctions et de gel des avoirs, à l’instar de ce qui est arrivé à de nombreux pays, dont la puissante Russie. L’erreur de trop!
Cela conduit la banque centrale américaine à souscrire à une part de plus en plus grande de bons du Trésor. Cette monétisation de la dette a bien entendu des conséquences inflationnistes, aggravées par trois autres facteurs:
Premièrement, la politique protectionniste anti-chinoise, qui a démarré sous Donald Trump et dont l’effet est de priver l’Amérique des produits chinois bon marché.
En second lieu, la pandémie de Covid-19 qui a désorganisé pendant deux ans les chaînes logistiques.
En troisième lieu, la guerre en Ukraine et ses conséquences, le sabotage des gazoducs Nord Stream et les sanctions anti-russes, qui ont renchéri le coût de l’énergie et des produits agricoles.
Pour contrer justement une inflation qui atteint des sommets inégalés depuis les années 1980, la Fed (Federal Réserve, soit la Banque centrale des États-Unis) s’emploie, dans le cadre de sa politique monétaire, à retirer des liquidités du marché par la vente de divers titres, dont… des bons du Trésor. Un objectif qui se trouve cependant contrarié par l’obligation où elle se trouve de devoir acheter les bons du Trésor boudés par les étrangers.
Le niveau élevé des intérêts vient alourdir, par ailleurs, les intérêts à rembourser par l’État fédéral qui pourraient représenter, selon les experts, près de la moitié de l’ensemble des recettes fédérales d’ici 2050. De quoi nourrir un cercle vicieux bien connu.
Il va sans dire que dans ces conditions, et si rien ne vient entraver la dynamique enclenchée par les BRICS, le risque est grand, pour les États-Unis, de perdre les moyens qui ont nourri, jusqu’ici, leur politique hégémonique.
L’inquiétude des autorités américaines
Deux indices illustrent justement l’inquiétude actuelle des autorités américaines:
Le premier est le forcing fait auprès de l’Arabie saoudite pour la convaincre de ne plus facturer son pétrole en yuans chinois ou en autres monnaies, et de continuer à acheter des bons du Trésor. De revenir, en somme, à l’accord de 1973. Le second est la visite que la secrétaire d’État Yellen a effectuée le 6 juillet dernier à Pékin, dont le véritable objectif était de persuader les Chinois de reprendre leurs achats de bons du Trésor américain. Ce qui sonne comme le désir de revenir au volet secret de l’accord Carter-Den Xiao Ping de 1979, lequel peut se résumer comme suit: “Vous exportez autant que vous voulez chez nous, mais à condition d’investir vos surplus dans nos bons du Trésor”.
L’embryon d’un nouvel ordre monétaire international
Pour mettre fin à l’ordre monétaire actuel, un consensus international est en train d’émerger autour de la nécessité de mettre fin à l’hégémonie du dollar. D’ores et déjà, les BRICS et d’autres pays qui souhaitent les rejoindre ont entrepris de contourner le réseau Swift, devenu une arme de sanction entre les mains des Occidentaux. Des systèmes alternatifs au Swift sont à un stade avancé, comme le CIPS chinois. En parallèle, l’usage des monnaies nationales se répand. Le rouble, le yuan et la roupie commencent à remplacer le dollar dans les échanges, y compris pour le pétrole et le gaz.
Les BRICS ont aussi créé en 2014 une institution, embryon d’alternative au FMI et à la Banque mondiale: la Nouvelle Banque de Développement (NBD). Il faut savoir qu’il faut actuellement 85% des voix pour réformer le FMI. Or, les États-Unis, avec 17%, peuvent à eux seuls bloquer toute réforme. Ce n’est qu’en 2015 que le yuan a pu être introduit, sans que les États-Unis renoncent pour autant à leur droit de veto.
La monnaie des BRICS, une problématique complexe
Le point de départ de la réflexion est de combattre l’hégémonie du dollar. Beaucoup appréhendent la monnaie des BRICS à travers les fonctions traditionnelles de monnaie de paiement, de facturation et de réserve, pensant qu’ainsi, elle pourrait remplacer le dollar et que l’échange en monnaies nationales n’est vu que comme une étape intermédiaire.
La problématique est cependant plus complexe qu’il n’y paraît.
Le rapport de forces
Dans leur tentative de réformer l’ordre monétaire international, les pays des BRICS sont en train de constituer une force décisive.
Le groupe des BRICS, élargi maintenant à 11 membres, représente environ 46% de la population mondiale, 29% du PIB mondial nominal et 37% du PIB mondial en parité de pouvoir d’achat. Il pèse aujourd’hui plus que le G7.
Ajoutons qu’il renferme en son sein les principaux pays producteurs. Et tous les pays de l’Opep+ en seront bientôt membres. Leur croissance économique, supérieure à celle du G7, devrait augmenter dans les années à venir.
Les limites des BRICS
La stratégie de mise en place d’une monnaie commune se heurte à une première réalité. C’est que, contrairement à d’autres alliances -comme l’Union européenne, le Mercosur ou l’Union économique eurasiatique-, il n’y a pas d’accord de libre-échange, d’union douanière ou de politique de convergence économique entre les pays membres des BRICS qui la rendrait concevable. Et les stratégies de leurs membres peuvent diverger à tout moment sur des questions stratégiques, de défense ou de politique étrangère.
Les limites des échanges en monnaies nationales
Cette politique finira par se heurter à certains obstacles, liés au statut de chaque monnaie et à son acceptabilité par tous, car le fait d’exporter dans sa monnaie et d’importer dans la monnaie de son partenaire pose le problème de la parité des monnaies, laquelle est une décision souveraine qui relève de chaque pays. Une dépréciation de la monnaie dans laquelle on exporte pénalise celui qui la reçoit en échange. Son appréciation pénalise le pays qui en est débiteur.
De plus, le solde des échanges bilatéraux peut être fortement et durablement excédentaire ou déficitaire, ce qui pose le problème de l’usage qu’on peut faire des excédents et celui du mode de règlement des déficits. La Russie se demande déjà quoi faire avec les roupies et les yuans accumulés. Ils ne peuvent être entièrement absorbés, faute de trouver dans ces pays tout ce dont elle a besoin. Les garder comme monnaie de réserve se heurtera tôt ou tard au problème de risque de change soulevé précédemment.
Enfin, la question du règlement des soldes n’est pas encore tranchée. Elle se posera, tôt ou tard.
Une idée intéressante est la mise en place de lignes de swap de monnaies bilatérales, lignes qui sont maintenant en vigueur entre la Chine et le Brésil. Ce point figure parmi mes conclusions.
De nombreuses difficultés à surmonter
Elles sont liées au contexte, d’abord. On ne peut pas remodeler du jour au lendemain un ordre monétaire qui remonte à 1945, en partant des seuls pays des BRICS, sauf dans une vision à moyen terme et d’élargissement réussi de ce mouvement à l’échelle de plusieurs dizaines de pays.
C’est pourquoi il convient de considérer la politique d’utilisation des échanges en monnaies nationales comme une première étape et non comme un but marginal ou secondaire. La dollarisation de l’économie mondiale s’est nourrie, non pas du commerce avec les États-Unis, mais du commerce des autres pays entre eux. Le commerce extérieur américain ne représente en effet que 20% des échanges mondiaux, alors que le dollar est utilisé dans 60% de ces échanges. Par ailleurs, 90% des matières premières se négocient en dollars. C’est cette réalité qui donne d’ailleurs toute sa chance au processus de dé-dollarisation en cours.
Il y a ensuite des difficultés d’ordre conceptuel, car il faut s’entendre sur le fait qu’il est impossible de créer une monnaie au sens plein du terme, entre des pays qui sont un ensemble d’entités éparpillées sur tous les continents, à l’inégal degré de développement et aux systèmes politiques très différents.
À quoi pourrait être rattachée la monnaie commune?
Àquoi est-il possible d’arrimer cette monnaie?
À une monnaie existante comme le yuan chinois? Impossible, parce que cela consisterait à créer une zone monétaire Yuan, qui ne serait pas dans l’intérêt des membres, d’autant plus que le yuan ne remplit pas les conditions d’une monnaie de réserve.
À l’or ? Il n’y a pas assez d’or disponible pour les échanges internationaux, ce à quoi il faut ajouter que tous les pays des BRICS n’en sont pas pourvus également et que l’or ne répond pas à ce que l’on attend d’une monnaie, à savoir la stabilité et l’ancrage dans les besoins économiques nationaux. Ses promoteurs l’envisagent d’ailleurs comme une monnaie de règlement, plutôt que comme une unité de compte.
À une ou plusieurs matières premières? La difficulté est que ces matières ne sont pas réparties équitablement et que leur prix est fixé en dehors des BRICS. Il en irait différemment si ces derniers pouvaient en influencer la valeur sur les marchés.
À des cryptomonnaies? Trop volatiles et sans rapport avec les contraintes économiques et les besoins de chaque pays.
À des monnaies numériques de banques centrales? C’est peut-être l’idée la plus intéressante car elles seraient sous le contrôle exclusif des banques centrales, échappant ainsi à toutes sanctions et à tout contrôle extérieur. Il s’agirait d’une unité de compte composite, mais numérique, incluant les monnaies numériques émises par les banques centrales des BRICS. À suivre de près.
Rattachement à une “unité de compte composite” basée sur un panier de devises ou un indice associant plusieurs produits de nature monétaire et marchande? Ces biens seraient des devises, des matières premières et de l’énergie, comme le préconisent Sergueï Glazyev et Sergueï Ryaboukhine, directeur de l’Institut de recherches russe NII IFIT. Tous les biens, en d’autres termes, qui entrent dans les productions et les échanges des pays des BRICS et qui assureraient à l’indice une certaine stabilité. Les BRICS+ détiennent 80% des réserves de terres rares, céréales, étain, titane, chrome, pétrole, gaz, métaux précieux, entre autres. Ces actifs pourraient aussi inclure, selon les deux experts pré-cités, les DTS du FMI.
Le dosage de ces actifs doit convenir à tous, ce qui n’est pas simple, et il faudra quand même affronter trois écueils: celui posé par le risque que la nouvelle monnaie ne soit par trop inflationniste, ce qui impose de trouver le bon algorithme; celui de l’élargissement du groupe, qui ne sera pas achevé avant des années, rendant difficile de stabiliser la composition et donc la valeur du panier; et celui de la non-convertibilité de certaines monnaies. Les monnaies et produits qui entrent dans l’indice devront être librement cotés, pour pouvoir en définir quotidiennement la valeur, de manière indépendante des membres.
Les idées foisonnent, mais aucune ne fait l’unanimité pour l’instant.
Une unité de compte basée sur le DTS + chambre de compensation = un changement total de paradigme
Pour illustrer l’importance d’une unité de compte basée sur le DTS, il est utile de rappeler un fait d’une grande importance, mais étrangement oublié: le projet de modifier le libellé du prix du pétrole, en remplaçant le dollar par le DTS, inscrit à l’ordre du jour du Sommet de l’Opep qui s’est tenu du 3 au 5 mars 1975 à Alger. J’y étais personnellement présent, en tant que représentant d’un centre d’études relevant du ministère algérien de la Défense nationale. Ma curiosité personnelle était en outre aiguisée par le fait que je préparais une thèse de post-graduation, la même année, sur “les Arabo-dollars et le système monétaire international”.
Ce projet remettait en cause la définition du prix du pétrole en dollars, imposée par les États-Unis en vertu de l’Accord signé avec l’Arabie saoudite en 1973, qui est à l’origine de la généralisation du dollar à l’échelle planétaire en tant que monnaie internationale de paiement et réserve.
De manière surprenante, ce projet n’a pas été retenu, sans faire l’objet de commentaires particuliers dans la presse ou dans les milieux politiques d’alors. Mais tout le monde avait compris que les Américains avaient fait échouer ce projet.
L’histoire retiendra la disparition tragique de tous ceux qui l’ont conçu, les mêmes dirigeants qui avaient été à l’origine du premier choc pétrolier: le roi Fayçal d’Arabie, assassiné moins de trois semaines après ce fameux Sommet de l’Opep; le Président algérien Boumediene, décédé fin 1978 d’une maladie rare; le Shah d’Iran, chassé par une révolution un mois plus tard; Saddam Hussein, tué en 2003 suite à l’invasion de l’Irak par les États-Unis; et enfin Kadhafi, qui a subi le même sort en 2011. On dirait que leur désir de changement des rapports de force pétroliers ne leur a pas porté chance.
En attendant de pouvoir créer l’indice composite idéal, pourquoi ne pas reprendre cette idée de monnaie de compte DTS, en la transposant à la monnaie des BRICS? Après tout, le DTS est déjà familier à tous les États.
Le DTS est, depuis la fin des taux de change fixes en 1973, la monnaie qui sert de monnaie de compte au FMI et aux autres organisations internationales.
Il est émis par le FMI, sur la base des quotes-parts des membres versées en devises et en monnaies nationales, et par les emprunts bilatéraux et multilatéraux de cette institution. Ses ressources s’élèvent actuellement à près de 1000 milliards de DTS.
Il ne peut être détenu par des particuliers ou des entités privées, mais les pays membres du FMI peuvent échanger entre eux des DTS contre des devises, en cas de besoin.
Le DTS est coté quotidiennement par les services du FMI. Il est, certes, composé de monnaies étrangères aux BRICS, à part le yuan chinois qui y pèse pour 12,28% (au côté du dollar qui pèse pour 43,38%, de l’euro, du yen japonais, de la livre sterling), mais son cours est remarquablement stable et sa composition est revue tous les 5 ans pour tenir compte de l’évolution du poids de l’économie des différents pays. La prochaine réévaluation est prévue pour 2027.La roupie indienne devrait logiquement remplacer la livre sterling à cette date, ou même plus tôt, en cas d’aboutissement de la réforme générale des institutions de Bretton Woods, réclamée par les pays du Sud.
À propos de la banque des BRICS, la NBD, voici ce qu’en dit Sergueï Glazyev: “Cette banque pourrait libeller en DTS son capital et ses opérations de prêts et d’emprunts. Avec l’immense avantage de contourner l’écueil actuel des sanctions, qui empêche cette banque d’engager la totalité de ses ressources (…) Il est nécessaire, à cet effet, de modifier les documents statutaires de cette banque”. Il ajoute: “Lors de sa création, j’ai tenté d’expliquer à nos autorités financières que le capital de la banque devait être réparti entre les monnaies nationales des pays fondateurs. Mais les agents américains ont cru follement au dollar américain”.
Au regard de toutes ses particularités, le DTS pourrait donc servir de transition idéale vers un système monétaire réformé. Les BRICS pourraient continuer, en parallèle, d’échanger dans leurs monnaies nationales ou bien adopter le DTS dans leurs échanges, s’ils craignent d’être pénalisés par une trop forte appréciation ou dépréciation de la monnaie de leurs partenaires.
Quant au règlement des transactions entre les membres, il pourrait ne porter que sur le solde après compensation de leurs échanges, permettant de contourner, par la même occasion, l’écueil de la rareté éventuelle de leurs monnaies sur le marché.
Dans ce cadre, des chambres de compensation bilatérales, ou même une chambre multilatérale de compensation, seraient opportunes. Le solde déficitaire d’un membre pourrait ainsi se régler en or, ou en matières premières, ou par l’octroi d’une ligne de crédit par le créancier, qui pourrait être garantie, si nécessaire, par des actifs du pays débiteur. Énergétiques, miniers, aurifères, industriels, agricoles ou autres.
Ce serait donc, par rapport à l’actuel système monétaire fondé sur la dette américaine, un changement complet de paradigme.
Les BRICS et le mouvement des non-alignés
Pour preuve, la grande diversité des pays qui souhaitent rejoindre ce pôle. Parmi eux, de nombreux pays non-alignés dont le Mouvement avait appelé, lors de la conférence d’Alger en septembre 1973, à l’avènement d’un “nouvel ordre économique mondial”. Appel qui sera adopté par consensus lors de l’Assemblée générale des Nations unies en mai 1974.
Par ailleurs, rejoindre les BRICS ne signifie pas un alignement sur la Chine, la Russie ou l’Inde. Au contraire, les BRICS font écho à l’appel des non-alignés, dont la première conférence s’est tenue à Alger en 1967 (Charte d’Alger). Cet ensemble, reconnu par les Nations unies, compte aujourd’hui 134 membres, organisés au sein du Groupe des 77 (G77).
Appuyés aujourd’hui par la Russie et la Chine, les pays non-alignés sont bien partis pour construire un ordre plus juste.
Conclusion
Quatre conclusions me semblent devoir être tirées des réflexions précédentes:
1. Rien ne pourra arrêter le processus de dédollarisation, dans la mesure où le monde non occidental a déjà pris conscience de sa nécessité, comme l’illustrent les échanges croissants en monnaies nationales.
2. La question de la création d’une monnaie BRICS n’est importante que dans la mesure où elle est de nature à accélérer le processus de dédollarisation.
3. L’objectif principal doit viser la réforme du Système monétaire international, qui permettra de financer les échanges et la croissance, sur des bases d’équité et de durabilité. L’adoption du DTS pourrait servir d’aiguillon pour réformer, de l’intérieur, le système hérité de Bretton-Woods, réclamée par la majorité des 190 États membres du FMI.
4. Dans la construction recherchée d’un nouvel ordre mondial multipolaire, les éléments monétaires joueront certainement un rôle essentiel, davantage que les éléments purement politiques ou idéologiques, même si, à la base, il s’agit bel et bien d’une contestation politique de l’ordre établi.
Source: https://fr.sputniknews.africa/