Migration : le désert, un mouroir pour les migrants ouest africains
Plus de 250 milles jeunes ouest africains, candidats au rêve européen, ont transité par la région d’Agadez en 2015. Si bon nombre d’entre eux ont pu arriver en Libye ou en Algérie, plusieurs autres sont morts dans le désert. Reportage.
La ville d’Agadez, trait d’union entre l’Afrique noire et blanche, voit ces dernières années plusieurs milliers de jeunes ouest africains y transiter pour aller en Europe. D’aucuns parmi eux ne sachant rien de leur itinéraire croient à tort que l’Italie est juste derrière la ville d’Agadez. Après avoir vécu toutes les tracasseries policières aux postes frontières des pays traversés mais aussi lors de contrôle de routine à l’intérieur des Etats, ils arrivent à Agadez. Certains sont trompés et trahis par des passeurs sans foi ni loi, des fois des compatriotes à eux que l’appétit du gain a aveuglé. Ils les mettent sur des véhicules vieillissants et affrontent la traversée du désert bravant l’interdiction de la loi 2015-036 qui criminalise la traite des personnes.
Conséquence ! On découvre de plus en plus des morts dans le désert. « Nous avons découvert à maintes reprises des corps sans vie dans le désert. Les passeurs risquent leur vie et celles des migrants en prenant des routes risquées », annonce Chani Alka, un chauffeur guide basé à Agadez. Ce que confirme Boutali Tchiwerin, un agent d’une compagnie téléphonique de la place : « nous revenions d’une mission dans le désert lorsque nous étions tombés sur plusieurs corps de migrants morts de soif après avoir été abandonnés par des passeurs. J’ai relevé les positions GPS de l’endroit et les ai transmises aux autorités ».
Des sauvetages des migrants en détresse dans le désert sont organisés par l’OIM dans la région d’Agadez qui couvre 703 km de désert uniquement. Selon l’OIM : « Plus de 8000 migrants ont été secourus de 2016 à aujourd’hui ». Ils sont des fois abandonnées par leurs chauffeurs ou après une panne de leur véhicule».
A Agadez, une association dénommée Alarme Phone Sahara tente avec des modestes moyens de documenter les morts et les abandons de migrants dans le désert. Elle a mis en place un système d’informations basé sur des alertes des correspondants situés sur le tracé des routes migratoires. Ce travail de collecte permet de mieux renseigner l’opinion nationale et internationale sur les drames qui se passent dans le désert. Pour Almoctar Hamado, administrateur local de Alarme Phone Sahara, basé à Agadez : « il est temps de briser le silence sur toutes ces tragédies ayant cours dans le désert. Des migrants meurent dans l’anonymat du désert et cela est consécutif à l’implacable répression du phénomène par les autorités nigériennes sur financement de l’Union européenne ».
Combien sont-ils ces jeunes morts soit dans la mer ou dans le désert ? Combien sont-ils morts sur le chemin à la quête d’un mieux-être n’ayant eu pour seule sépulture que l’eau froide de la mer ou de chant funèbre que le cinglant écho du vent du désert ? Personne n’a de chiffre exact ?
Ces jeunes qui meurent dans le désert doivent nous interpeller. C’est l’avenir de l’Afrique qui se meurt. C’est l’espoir de tout un continent qu’on regarde se noyer dans la méditerranée ou blanchir dans le désert. Osons poser le débat pour espérer lui trouver de solution : « Pourquoi tous ces jeunes africains quittent le continent ? Comment faire pour qu’ils y restent ? ».
Ibrahim Manzo DIALLO
Cet article a été réalisé dans le cadre d’une série de reportages sur l’immigration initié par le projet NAILA
Source: Air Info Agadez