Dans un pays où opèrent de puissants cartels de la drogue, la Cour suprême a officiellement dépénalisé lundi 28 juin l’usage légal de la marijuana pour les adultes. Huit des onze membres de cette instance ont ainsi déclaré inconstitutionnels une série d’articles de la loi mexicaine sur la santé qui interdisaient la consommation de marijuana.
« Aujourd’hui est un jour historique pour les libertés », s’est réjoui le président de la Cour, Arturo Zaldívar, à l’issue du vote. La décision de la Cour suprême intervient après que l’échec du Congrès mexicain à voter une loi sur cette question avant la date limite du 30 avril fixée par la plus haute juridiction du pays. Le 10 mars, la Chambre des députés avait approuvé un projet de loi à cet effet.
Un vote du texte était en attente au Sénat, qui l’avait déjà approuvé en novembre mais devait le reprendre après plusieurs amendements ajoutés par la chambre basse. Toutefois, début avril, la majorité au Sénat avait déclaré qu’elle envisageait de reporter à septembre la discussion finale de la loi. Ricardo Monreal, le coordinateur parlementaire du parti Morena au pouvoir avait alors déclaré que la loi émanant de la Chambre des députés « comportait des incohérences ».
La déclaration approuvée lundi par la Cour suprême signifie que ceux qui veulent désormais utiliser la marijuana à des fins récréatives peuvent demander une autorisation à la Commission fédérale pour la protection contre les risques sanitaires (Cofepris). Celle-ci ne pourra pas la leur refuser.
« Dans le passé, la Cofepris refusait ces autorisations, explique Adriana Muro, directrice de l’organisation de défense des droits de l’homme Elementa, citée par l’AFP. Désormais, l’autorisation doit être automatiquement accordée. »
Bien que les organisations civiles et les spécialistes applaudissent la décision de la Cour suprême, ils mettent en garde sur le fait que le Congrès doit encore légiférer sur la question. « La décision [de la Cour suprême] n’affecte pas le cadre de justice pénale et laisse un vide juridique en ce qui concerne la consommation, la culture et la distribution de cannabis », estime l’ONG Mexico United Against Crime sur Twitter.
La décision de la plus haute instance juridique du pays constitue cependant une étape importante pour le Mexique, qui compte 126 millions d’habitants. Le pays est plongé dans une spirale de violence depuis 2006, date à laquelle le gouvernement fédéral de l’époque a lancé une opération militaire antidrogue controversée. Depuis lors, le Mexique a enregistré plus de 300 000 meurtres.
Le 12 janvier, le gouvernement avait d’ores et déjà réglementé la production, la manipulation et la commercialisation de la marijuana à des fins médicales. Si elle est adoptée par le Congrès mexicain, la légalisation du cannabis fera du Mexique le troisième pays à l’autoriser au niveau national pour un usage récréatif, après l’Uruguay et le Canada.
Elle ouvre aussi un front à hauts risques avec les cartels de la drogue qui sont les puissants maîtres de ce secteur d’activité. En 2020, les autorités mexicaines ont saisi 244 tonnes de marijuana. Selon la dernière enquête nationale sur les drogues en 2016, 7,3 millions de Mexicains âgés de 12 à 65 ans ont déjà consommé plusieurs fois de la marijuana.
(Avec AFP)