Médiation dans la crise post-électorale : Quand des leaders religieux et coutumiers deviennent juges et parties
Les derniers remparts des Maliens, que sont les leaders religieux et coutumiers, face aux hommes politiques, se sont effondrés comme un château de cartes. Ils se sont tous ou presque acoquinés avec différents candidats à la présidentielle, en fonction de leurs intérêts ; d’où leur silence assourdissant au moment où le pays est au bord de la crise. Tous, ou presque, ont monnayé leurs voix en ignorants superbement les intérêts de leurs disciples. Qui désormais au Mali pour remplacer ces médiateurs qui se sont disqualifiés voire discrédités, pour éteindre le feu allumé par les hommes politiques au lendemain de la proclamation des résultats ?
Des familles fondatrices aux guides religieux, en passant par les leaders syndicaux, la plupart sont habillées aujourd’hui aux couleurs de tel ou tel parti ou de tel ou tel candidat, ce qui fait qu’ils ont perdu leur notoriété, légitimité et leur ascendant. Ce faisant, ils n’inspirent plus confiance. Autrement, ils ont été, quand il le fallait les derniers remparts qu’aucun homme politique, fut-il le président de la République, n’a jamais franchi. Ils avaient toujours volé au secours des gens en détresse et s’étaient mis au dessus de la mêlée et à équidistance des protagonistes pour trancher ; généralement leur décision était non seulement irrévocable, sans appel.
Pour rappel, sous l’ancien président ATT, l’imam Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil islamique, a fait reculer les autorités quand elles ont voulu adopter le code de la Famille. Qui ne se rappelle pas également les sorties, sous forme de réquisitoires, de ce même imam Dicko lors de la présentation des vœux de la société civile au Président ATT. Il avait gagné l’estime du peuple jusqu’aux élections de 2013, où il a publiquement appelé à voter pour IBK. Pour ses adeptes, sa consigne avait la valeur d’une fatwa, qu’ils ont appliquée à la lettre en allant voter pour IBK. Cinq ans plus tard, face au constat d’échec, l’imam Dicko s’est ressaisi ; mais le mal était déjà fait. Pour la plupart de ses partisans, il est l’artisan de la victoire d’IBK et, par conséquent, il endosse la responsabilité de ce qu’ils ont subi. En 2018, de concert avec le Chérif de Nioro, il a récidivé en portant son choix sur Aliou Diallo. Comme eux, le Chérif Ousmane Madani Haidara, Chouala Bayaya Haidara et tant d’autres leaders religieux auraient donné des consignes à leurs partisans à voter pour IBK. Les Touré, Niaré et Dravé, familles fondatrices de Bamako, ne sont pas restés en marge ; ils se sont affichés clairement en faveur d’IBK. Que dire des leaders syndicaux, surtout ceux de la grande centrale syndicale, UNTM, dont le secrétaire général est vice-président du Conseil Economique, Social et Culturel, et son adjoint est ministre de l’Emploi et de la Formation professionnelle. Ils ont tous pris fait et cause pour IBK. Après s’être rendus coupables d’un tel parti-pris, les leaders sus-cités pourraient-ils être des médiateurs dans la crise post-électorale que connait le Mali ? Assurément pas.