Le mariage précoce est pratiqué depuis des lustres dans les sociétés africaines. Le Mali, pays de l’Afrique de l’Ouest, n’est pas épargné par ce phénomène aux causes et conséquences multiples. Selon plusieurs études publiées, une fille sur cinq est mariée de force avant ses 18 ans à travers le monde et ce sont 650 millions de femmes vivent aujourd’hui en ayant été mariées pendant leur enfance.
Le “mariage précoce” ou “mariage d’enfant” est, selon l’Unicef, un mariage incluant un enfant ou un adolescent fille ou garçon âgés de moins de 18 ans. Ce phénomène est particulièrement courant en Asie du Sud, en Afrique de l’Ouest, et, dans une moindre mesure, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient.
Il concerne principalement les filles dans les pays en développement. Selon les Nations unies, le mariage précoce constitue une violation des droits de la personne. Malgré les multiples actions pour endiguer ce fléau, il demeure un casse-tête chinois pour plusieurs pays. C’est pourquoi, il convient de voir les causes de celui-ci.
Dans plusieurs cas, le mariage forcé découle de la culture de ceux qui la pratiquent. Des sociétés le font, sur la base de coutume reçue depuis des générations. Pour ces sociétés, c’est une obligation morale de donner son fils ou sa fille en mariage, avant même l’âge de la majorité. Outre cette cause, on peut également noter la précarité économique qui peut amener les familles à donner en mariage leur fille à un homme aisé, pour leur apporter un soutien financier en retour. Enfin, on peut citer la faiblesse de nos Etats qui sont incapables d’appliquer les lois qui sanctionnent cette pratique, ou encore les situations d’urgence, c’est-à-dire les conflits ou les crises humanitaires ou catastrophes humanitaires.
Il faut noter que le mariage forcé précoce contraint souvent la jeune épouse à abandonner l’école, pour faire face à ces nouvelles charges matrimoniales. Outre la déscolarisation, on a des risques pour la santé de la jeune fille précoce, qui dans la fleur de l’âge peut être exposée aux infections ou à une grossesse à risque.
Kadidiatou Traoré témoigne : “J’ai été mariée très tôt précisément à l’âge de 14 ans à un homme un peu âgé. Aujourd’hui, je ne suis pas heureuse du tout dans mon foyer parce que je suis confrontée à plusieurs difficultés dans ma vie. Mon souhait était d’aller très loin dans mes études, mais à cause de ce mariage arrangé par la famille, je n’ai pas pu continuer mes études. J’ai été mariée au moment où mon organisme n’était pas prêt, c’est-à-dire qu’il ne pouvait pas faire face à la grossesse”. Et de poursuivre : “Lors de l’accouchement de mon premier enfant, j’ai eu toutes sortes de difficultés et finalement j’ai mis au monde mon enfant par césarienne. Selon mon médecin traitant, mon cœur était très faible pour porter une grossesse. J’ai connu beaucoup de difficultés dans ma vie”.
Parlant des conséquences de cette pratique sur la santé de la fille, une professionnelle de la santé de la garnison de la garde nationale, fait savoir que ces jeunes filles peuvent être confrontées à beaucoup de problèmes compte tenu de l’immaturité de l’organisme. “Il s’agit de l’accouchement prématuré, de la fistule, de l’avortement non voulu, de la rupture utérine, du trouble psychologique, du décès lors de l’accouchement par césarienne, de la déchirure du périnée. Très souvent, elles sont victimes d’accouchement par voie basse. Pour ces cas, l’intéressée doit être évacuée dans une Centre de référence”.
“Je profite de l’occasion pour appeler nos mamans à tout faire pour protéger nos jeunes filles qui n’ont pas l’âge de se marier car les femmes sont les sources de la vie”, plaide-t-elle.
Selon Henry Dakouo, magistrat au Tribunal de grande instance de Mopti, le code n’a pas spécifiquement définit le mariage précoce. “C’est sous forme des violence basées sur le genre que le mariage précoce est défini comme un mariage entre mineur qui n’a pas l’âge de se marier avec un adulte. Il est important de souligner qu’il n’a pas une loi spécifique pour le cas pour punir le mariage précoce, mais les juges font la gymnastique juridique pour incriminer en se basant sur le code pénal”, dit-il.
De son côté, l’imam de la mosquée de Lafiabougou-Bougoudani, précise que la loi islamique est très différente du code de la famille. “La loi malienne indique qu’une femme doit se marier à l’âge de 18 ans. Or, selon l’islam, une femme doit se marier tôt afin d’éviter des grossesses non-désirés et beaucoup d’autres choses. C’est aujourd’hui que les jeunes filles sont scolarisées, sinon auparavant elles s’occupaient de leur foyer. Le conseil que nous pouvons leur donner, c’est mieux de se marier très tôt que de se marier tard”, insiste-t-il.
Malgré ses nombreuses conséquences, des pistes de solutions existent pour endiguer le phénomène. D’abord une sensibilisation auprès des communautés pour présenter les méfaits du mariage précoce, ensuite aider les parents à augmenter leurs revenus, briser les barrières scolaires.
Il faudrait, dans tous les cas, une application stricte des lois adoptées pour combattre le mariage précoce. Tout en encourageant la scolarisation de la jeune fille en prenant souvent en charge les frais d’éducation.
Salimata Doumbia (stagiaire)
Aujourd’hui-Mali