Cinq présidents ouest-africains étaient à Bamako jeudi 23 juillet pour tenter de dénouer la crise en cours, mais sans y parvenir. Un sommet extraordinaire de la Cedeao a été convoqué, alors que la région s’inquiète de cette déstabilisation politique du Mali.
Ils devaient être quatre. Ce sont finalement cinq chefs d’État de la Cedeao [Communauté des États de l’Afrique de l’ouest] qui sont arrivés à Bamako dans la soirée du mercredi 22 juillet. Muhammadu Buhari, le président du Nigeria, est l’invité surprise, ou plutôt le renfort de poids, aux côtés de ses homologues du Ghana, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Niger, partis sur les bords du Djoliba pour renforcer la digue de la cohésion sociale et du processus démocratique, qui prend l’eau de toutes parts.
Depuis hier matin [23 juillet], ils ont engagé un chassé-croisé diplomatique entre les protagonistes de la crise. Comme pour rendre la politesse à leur homologue Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), ballotté depuis quarante jours par le vent du mécontentement populaire, c’est lui qui a d’abord reçu les présidents de la Cedeao au palais de Koulouba. La délégation a ensuite reçu l’incontournable imam, Mahmoud Dicko, et l’opposant Choguel Maïga, éminences grises du Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) [à l’origine de la contestation populaire], et enfin une délégation des organisations de la société civile.
Péril en la demeure
Cette forte implication des chefs d’État poids lourds de l’espace communautaire changera-t-elle la donne ? En tout cas, le Mali retient son souffle, et toute l’Afrique de l’Ouest avec. Si ce pays devait être déstabilisé plus qu’il ne l’est déjà, l’onde de choc du cocktail explosif que fait Mahmoud Dicko entre salafisme et politique soulèverait des vagues de mouvements sociaux du Sahel aux côtes de l’océan Atlantique.
Cet imam, qui a fait des études coraniques en Mauritanie et en Arabie Saoudite, ne cache pas sa prédilection pour certaines thèses des groupes djihadistes qui combattent pour instaurer un ou des États islamiques dans la région. Surfant donc sur le mécontentement des populations maliennes né des faillites du pouvoir d’IBK en matière de sécurité, de bonne gouvernance et de transparence électorale, il pourrait jouer un tour pendable à la République malienne et aux valeurs démocratiques chères aux États de la Cedeao si l’on n’y prend garde. On comprend alors ce casting des chefs d’État accourus dare-dare à Bamako pour sauver le soldat IBK et, avec lui, les institutions républicaines.
Pas question de démission
On croise donc les doigts pour que l’illuminé imam soit moins intransigeant et qu’il ne cherche pas à remplacer sa chaire de théologie par le fauteuil présidentiel. Si les chefs d’État de la Cedeao n’avaient pas flairé ce danger, ils n’indiqueraient pas que le maintien d’IBK à son poste est non négociable. Pour le reste, notamment la nomination d’un nouveau Premier ministre et la répartition des portefeuilles d’un gouvernement d’union nationale, les négociations restent ouvertes.
À la fin de la première journée des négociations, il n’y avait rien à se mettre sous la dent en matière d’avancée. Cela fait penser que les chefs d’État de la Cedeao n’ont pas une solution prêt-à-porter pour sortir le Mali de la crise. De là à dire qu’ils sont engagés dans une négociation ardue avec les parties en présence, il y a un pas. En attendant, les Bamakois ne bouderont pas le plaisir d’un week-end paisible ces jours-ci, le M5 n’ayant pas appelé à de nouvelles manifestations. Le calme avant une nouvelle tempête ? Ou le signe annonciateur d’une paix des braves ?
L’Informateur