En 2003, à Maputo au Mozambique, la Conférence de l’Union Africaine avait pris la résolution de mettre en œuvre le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA) et les pays se sont engagés à allouer au moins 10 % de leurs ressources budgétaires nationales au développement agricole et rural. Cette cible est depuis devenue une référence pour évaluer si les gouvernements africains sont assez engagés en faveur de l’amélioration de leur agriculture. Le Programme d’action en faveur des pays les moins avancés pour la décennie 2011-2020 souligne également l’importance de cette cible pour la sécurité alimentaire nationale et le développement agricole. Cette cible a également été incorporée dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Toutefois, suite à des chocs exogènes, la situation alimentaire et nutritionnelle en Afrique en général et en Afrique de l’Ouest en particulier se détériore. En examinant les résultats de la campagne agricole 2021-2022 au sein de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA).on peut constater que la production céréalière a atteint 27,4 millions de tonnes en 2022 soit une baisse de 13% par rapport à l’année précédente.
Environ, 12,5 millions de personnes en 2022 se retrouvent ainsi en insécurité alimentaire contre 8 millions de personnes en 2021 dans l’UEMOA. Aussi, près de 25% de la population de l’UEMOA soit 27 millions de personnes en 2022 se trouvent en situation de fragilité alimentaire qui doivent être soutenues pour ne pas basculer dans l’insécurité alimentaire.
En effet, la guerre en Ukraine a provoqué une flambée des prix des denrées alimentaires qui vont détériorer les déséquilibres macroéconomiques et affecter négativement les niveaux de vie en rencherissant le coût de la vie et en diminuant le pouvoir d’achat. Environ 40% des dépenses de consommation des ménages en Afrique sont consacrées à l’alimentation.
Les chaînes de valeur mondiales sont perturbées par la crise sanitaire de la Covid-19 et la guerre en Ukraine. Ce qui fait fluctuer constamment les prix des différents produits qu s’échangent au niveau du commerce mondial. Ainsi, la hausse du prix du pétrole cette année a affecté les prix de tous les produits alimentaires en augmentant les coûts de production et de transport des aliments.
Les prix mondiaux des produits alimentaires sont ressortis en augmentation de 29,81% en avril 2022, en glissement annuel, après la hausse de 33,64% observée le mois précédent, selon les chiffres du Fonds des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Malgré ce léger ralentissement, ces prix demeurent toujours hauts notamment pour les pays à faible revenu qui éprouvent depuis un moment de plus en plus de difficultés à s’approvisionner en produits alimentaires, dont ils sont des importateurs nets. Rappelons que l’indice de la FAO qui mesure la variation mensuelle des cours internationaux des produits alimentaires les plus couramment échangés, a affiché une progression de 22,9% en mai 2022, en glissement annuel, après la hausse de 29,81% en avril 2022.
Selon la dernière note de conjoncture de la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) du 31 mai 2022, l’inflation dans la Zone UEMOA poursuit sa tendance haussière. Au mois d’avril 2022, les prix à la consommation dans les 8 pays membres qui utilisent la monnaie unique le FCFA ont rebondi à 6,8% en glissement annuel, contre 6,6% en mars 2022 et 6,1% en février 2022.
La hausse de l’inflation diminue le pouvoir d’achat des ménages contraignant les consommateurs non seulement à payer davantage par unité de nourriture (en raison de l’augmentation du prix nominal), tout en diminuant proportionnellement le montant d’argent à dépenser pour celle-ci ( étant donné l’augmentation parallèle des prix de tout le reste, à l’exception de leurs salaires et autres revenus).
Il appartient donc aux gouvernements d’adopter des politiques économiques idoines tant sur le plan fiscal que sur le plan monétaire pour relancer les économies et juguler la hausse des prix à la consommation en protégeant les couches les plus vulnérables par des transferts monétaires ciblés, des subventions pour les produits de première nécessité et/ou des baisses de taxes et impôts limitées dans le temps afin de ne pas aggraver le déficit budgétaire et la dette publique dans le moyen et long termes.
Bamako, le 13 juin 2022
Modibo Mao MAKALOU
Économiste et gestionnaire financier.
MBA/Finance internationale.
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