Mali : « Ils ont ordonné au directeur de fermer l’école, sinon ils reviendraient tous nous tuer »
Dans le centre du pays, trois écoles sur dix sont fermées pour cause de menace terroriste, privant de leur droit à l’éducation plus de 149 000 enfants.
Yacouba* n’a que 10 ans, mais ses grands yeux épouvantés et gonflés de larmes témoignent de l’horreur qui semble avoir déjà rythmé son petit passé. Il y a un an et demi, lui et ses camarades de première année d’école primaire ont été menacés de mort par des hommes armés dans l’enceinte de leur établissement de la région de Mopti, dans le centre du Mali. « Les bandits nous ont fait sortir de la classe pour nous faire prêcher. Ils ont ordonné au directeur de fermer l’école, sinon ils reviendraient tous nous tuer », balbutie-t-il entre deux sanglots, les mains agrippées aux lanières de son cartable.
Le lendemain, son école a fermé, comme près de trois écoles sur dix dans la région. Yacouba n’a pas pu finir d’apprendre à lire. Il a dû fuir son village et abandonner ses parents. « Je ne veux pas retourner là-bas… La vie est douce ici », reprend-il d’une voix plus assurée en regardant son nouveau maître d’école. Comme lui, une cinquantaine d’enfants ayant fui la menace terroriste ont été rescolarisés à Bangueteba B, une école de Mopti.
Un enfant qui ne dessine que des armes
Si ces élèves sont désormais à l’abri des groupes armés qui sévissent en brousse, quelque 245 000 enfants maliens, dont plus de 149 000 dans le centre du pays, sont encore privés d’éducation à cause de la menace djihadiste. Au Mali, les fermetures d’écoles se multiplient jusque dans les régions de Ségou et Koulikoro, plus au sud, jusqu’ici épargnées. Mais la zone de Mopti est la plus touchée : 60 % des 817 établissements fermés dans le pays se trouvent dans cette région autrefois prisée des touristes pour ses balades sur le fleuve Niger. Aujourd’hui, les visiteurs ont été remplacés par des militaires qui, malgré leurs efforts, ne parviennent pas à contenir une menace terroriste et des conflits intercommunautaires qui ne font qu’augmenter. L’ONU a recensé plus de 300 morts, dont dix enfants, entre juin et septembre.
Issa*, 11 ans, et son cousin Adama* font partie des 16 600 personnes originaires de la région qui ont dû fuir leur village. Réfugié chez son oncle à Mopti, Issa a pu, comme Yacouba, reprendre l’école à Bangueteba B cette année. « J’ai dû quitter mon village à cause de la guerre. Les bandits sont venus nous attaquer à l’école. Ils ont fait sortir le directeur et les enseignants et ils les ont frappés », raconte-t-il, le regard fuyant. Assis à côté de lui, Adama est complètement figé, traumatisé de devoir se replonger dans cette horreur qu’il a lui aussi vécue alors qu’il avait à peine 8 ans. « Les bandits n’aiment pas l’école en français. Ils disent qu’il faut que l’école soit en arabe », poursuit Issa avant de rejoindre sa classe.
La suite est réservée aux abonnés.
… suite de l’article sur Le monde.fr