Mali : des voix s’opposent au projet de référendum initié par le chef de l’Etat
« Aucune procédure de révision ne peut être engagée ou poursuivie lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Cet aliéna 3 de l’article 118 de la Constitution malienne sous-tend qu’il illégitime de procéder à une révision de la constitution dans un contexte de crise sécuritaire comme celle que vie le Mali depuis 2012. À cet effet, de nombreuses voix s’élèvent dans les milieux politiques, intellectuels et de la société civile pour s’opposer au projet de révision constitutionnelle initié par le président IBK, après l’échec d’une première tentative, en 201.
« Chers ministres ou politiciens ”pique-assiettes” de dernières minutes, mes chers opportunistes, révisez d’abord votre accord, je veux dire votre papier issu du processus d’Alger avant de violer notre constitution. Pour votre information, l’article 118 reste toujours d’actualité au Mali. D’ailleurs la situation s’est même dégradée dangereusement de 2017 à nos jours et cela n’est pas un débat. Vous avez été incapables d’organiser des élections législatives d’après vous pour des raisons d’insécurité malgré que celles-ci puissent même être partielles. Alors par quelle Magie envisagez-vous une révision constitutionnelle qui passe impérativement par un référendum sur l’ensemble du même territoire ? Vos incantations pour des intérêts sordides ne passeront pas. La dignité c’est comme la virginité, on ne la perd qu’une seule fois ». C’est en substancela déclaration de l’artiste Ismaël Doucouré dit Master Soumi, membre influent des jeunes de la société civile malienne.
Dr Soumana Sacko, leader du parti Convention Nationale pour une Afrique Solidaire (CNAS-Faso Héré), estime que le peuple malien est résolument déterminé à défendre sa constitution, celle du 25 février 1992, né d’une conférence nationale souveraine. « Encore plus qu’hier, le peuple militant du 22 septembre 1960, du 20 janvier 1961 et du 26 mars 1991 est déterminé à défendre sa constitution démocratique et à faire échec à tout projet visant à embarquer le Mali dans une aventure mal inspirée et inutilement couteuse, sous le prétexte fallacieux de corriger d’imaginaires ‘’lacunes et insuffisances’’ que ses pourfendeurs n’arrivent pas à démontrer, alors même que des lois organiques, voire ordinaires, suffiraient pour prendre en charge certaines des préoccupations actuelles », alerte cet ancien Premier ministre.
Constat !
Avec les prises de position exprimées dans la presse, il est évident que les contestations au sujet de la révision constitutionnelle, recommencent comme en 2017. C’est pourquoi, Dr Sacko invite : « l’ensemble des Forces patriotiques, progressistes, républicaines et démocratiques à rester vigilantes et mobilisées pour la défense et la promotion des valeurs du 22 septembre 1960, du 20 janvier 1961 et du 26 mars 1991 ».
Pour la présidente de l’Adema Association, Mme Kadiatou Sow, cette révision constitutionnelle n’a d’autre motivation que la prise en compte de certaines dispositions de l’Accord pour la Paix et la Réconciliation. « Cet Accord tant vanté par le pouvoir comporte les germes de la dislocation du Mali. Au lieu de réviser la Constitution pour prendre en compte certaines dispositions de l’Accord, pourquoi ne pas conformer l’Accord à la Constitution », s’interroge Mme Kadiatou Sow.Avant d’inviter les forces patriotiques à s’unir pour la constitution d’un bloc soudé contre la révision et contre toute violation de la loi fondamentale comme la prorogation du mandat des députés.
Pour l’ancien ministre et président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR), Dr Choguel Kokala Maïga, le projet référendaire est une « machination orchestrée contre le Mali ». « Pour ce qui observe bien et avec attention les faits et gestes des Autorités, on voit en filigrane qu’elles sont en train de mettre en place, en douceur, par doses homéopathiques, les instruments politiques et administratifs pour rendre irréversible le processus qui conduira à l’Autonomie des régions du Nord. Avec comme finalité à moyen et long termes la Partition pure et simple du Mali. Il y a un véritable risque de voir le Nord du Mali comme le Soudan du Sud », précise Choguel Maïga. L’ancien ministre avertit : « On risque de se retrouver dans un Etat effondré si la situation continue ainsi. La priorité des priorités doit être la restauration de la sécurité et de veiller à ce que le Mali ne soit pas divisé ».
Pour sa part, Brahima Fomba, chargé de cours de droit, a indiqué qu’il « n’y a aucun doute pour ceux qui savent lire entre les lignes : le projet de révision constitutionnelle en cours prépare, s’il ne consacre tout court, la partition du Mali, en ce sens qu’il enterre les articles 97 et 98 de la Constitution du 25 février 1992 sur la libre administration des collectivités ». En effet, pendant que ceux-ci disposent respectivement que « Les collectivités territoriales sont créées et administrées dans les conditions définies par la loi » et que les « Les collectivités s’administrent librement par des Conseils élus et dans les conditions fixées par la loi », l’article 92 du projet stipule : « Les collectivités territoriales de la République sont la Commune, le Cercle, la Région, le District. Toute autre collectivité territoriale, le cas échéant en lieu et place de celles-ci, ou à statut particulier, est créée par la loi ». Outre cette division programmée du pays, Dr Brahima Fomba, constitutionnaliste, démontre comment le projet de futur acte fondamental est « bourré d’incohérences juridiques »
Dr Fomba poursuit : « On fera remarquer que l’Accord d’Alger ne vise que les collectivités territoriales de région. En constitutionnalisant ces dispositions élargies à toutes les catégories de collectivités territoriales, l’avant-projet de révision organise subrepticement la partition programmée du Mali en prenant le soin de l’emballer dans des anti-phases de l’unité nationale qui, comme de la poudre aux yeux, ne visent en réalité qu’à divertir l’opinion ».
« Cette partition annoncée de manière à peine déguisée est assise sur la paupérisation généralisée de l’Etat organisée à travers la rétention par les « collectivités territoriales » – les régions du Nord en particuliers soi-disant riches en ressources minières de mannes financières dont le budget d’Etat sera privé ».
Un avis que partage le RPDM de l’ancien Premier ministre Cheick Modibo Diarra. Pour le RPDM : « la priorité doit être le recouvrement de l’intégrité territorial afin que le pays puisse exercer sa pleine souveraineté ».
NORDSUD JOURNAL