Mahmoud Dicko enlève ses gants : « Le Premier ministre doit démissionner »
Le discours bien tourné n’est pas sa tasse de café. Au Premier ministre Boubou Cissé venu solliciter à son domicile le règlement de la crise, Mahmoud Dicko lui a vertement demandé de démissionner s’il aspire à une solution rapide.
 
« On ne peut creuser un puits et soutenir que la corde est longue » dit l’adage. Qui nullement ne semble inspirer le Président IBK, entièrement responsable de la crise politique en cours. En revanche, il illumine les pas de l’éminence grise du Mouvement du 5 juin resté droit dans ses bottes au cours de l’entrevue avec le Premier ministre venu solliciter son concours en vue d’un règlement rapide de la crise politique. Des observateurs politiques en sont encore à se demander comment un homme de son rang, de surcroît jeune puisse s’enfermer dans une intransigeance qui l’empêche de voir sainement les choses. S’accrocher bec et ongles à un fauteuil plein d’épines obscurcit les chances de faire valoir ses compétences sous des cieux jugés plus cléments. Comme s’il agissait en personne menacée de noyade qui s’accroche à son sauveur au point de couler tous ensemble. A un moment donné de la vie d’un homme, il faut choisir de manger son pain sec en renonçant au pot de lait qui trône sur la table de marbre. Malheureux ceux qui n’ont pas compris. L’histoire va se charger de les ranger dans les oubliettes.
L’aura de l’imam a pris du relief. Il est considéré comme un homme appartenant à une espèce en voie de disparition. Ya-t-il de plus grand amour que de vouloir donner sa vie pour ceux qui souffrent le martyr, les laissées pour compte, « les damnées de la terre », mots chers à Franz Fanon, ce don de soi exceptionnel à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie voisine ? « Je préfère mourir en martyr que vivre en traitre », un propos qui sonne comme un tocsin. Allusion au marchandage proposé par le président de la République : 13 portefeuilles ministériels contre l’abandon des siens en rase campagne. Mahmoud n’est ni demandeur ni preneur. « J’ai indiqué au Premier ministre qu’aucun de mes membres ne rentrera dans ce gouvernement et je ne demande à personne d’entrer dans ce gouvernement. » S’il avait attrapé le virus du pouvoir, il allait se précipiter sur l’or moelleux, que le pouvoir en des moments difficiles offre aux crève-la-faim comme canaux d’évacuation des frustrations. Cette fois-ci, la mayonnaise n’a pas pris. D’où des expéditions punitives contre la mosquée où il prêche et sa résidence à Badalabougou protégées par une marrée humaine décidée à mourir débout que couchée. Des citoyens aux mains nues ont été fauchés par les balles que leurs impôts collectés ont autorisées d’acheter. Du jamais vu depuis l’instauration de la démocratie dans notre pays ! Rien au monde ne peut justifier ces tueries. Mais l’intention est claire : faire peur pour faire taire, comme nous l’avons indiqué dans nos dernières parutions. En utilisant la manière forte, le président IBK s’est tiré une balle dans le pied à l’heure des négociations avec son opposition.
Le fils tue le père
Il faut le dire, il faut l’écrire, Boubou Cissé semble tuer tous ses dieux protecteurs. L’actuel Premier ministre doit son fauteuil à l’imam Mahmoud Dicko qui l’a adopté comme un fils, après le départ de Soumeylou Boubèye Maïga menacé d’une motion de censure déposée par l’opposition à laquelle s’est joint le parti au pouvoir. Mais, comme dans une tragédie-comedie, le fils tue le père. Le « non » sec du Premier ministre à son mentor s’apparente à cela. Le fils a fini par trouver un autre père, puisqu’il en faut un, en la personne du président IBK. Qu’à cela ne tienne, l’imam lui a suggéré qu’il doit être « une solution pour la crise et non un problème ». Libre à lui de rester sur le quai de l’histoire du nouveau Mali en gestation. La vie est ainsi faite qu’il est inacceptable de donner du pain à ceux qui veulent de la pierre pour y graver des images.
« Le Mali n’est ni un pays soumis ni un pays résigné.» En clair, ceux qui se sont reposés sur le matelas jugé confortable de la Communauté économique des Etats de l’ouest (CEDEAO) font un très mauvais calcul. Un des exemples frappants fut le cas du burkinabè Blaise Compaoré emporté par la vague de contestations populaires, au nez et à la barbe de l’institution sous-régionale qui avait tout fait pour sauver son régime. Peine perdue.
Georges François Traoré