Mad Diarra, journaliste sportif: «Je ne dirai jamais que le Mali est tombé dans une poule facile»
Le Mali a hérité de trois pays anglophones et le football des Anglophones ne réussit pas souvent au nôtre, prévient le très
expérimenté Mad Diarra qui revient sur le tirage au sort de la phase de poules des éliminatoires, zone Afrique de la coupe du monde, Qatar en 2022
L’Essor : Que pensez-vous de la poule du Mali qui comprend le Rwanda, le Kenya et l’Ouganda ?
Mad Diarra : «Je ne dirai pas que c’est une poule facile, parce que nous héritons des Anglophones et le football anglophone ne réussit pas souvent à notre football. Tout le monde se souvient des difficultés qu’on a eues contre le Zimbabwe dans le temps ou même contre la Namibie. À part le Libéria, qui ne nous a jamais battu, nous n’avons pas gagné face à une nation anglophone dans la facilité. Les Anglophones développent un football qui est différent de celui des Francophones. Cela peut être un handicap pour nous. À moins que l’entraîneur étudie très bien l’évolution du football de nos adversaires à venir. Dire que c’est une poule facile, je ne dirai jamais.»
L’Essor : Vous êtes un connaisseur du football africain, selon vous quels sont les pays qui pourront concurrencer le Mali dans cette poule ?
Mad Diarra : «L’Ouganda a été un adversaire du Mali lors des Jeux Africains de Brazza en 1965, une éternité. À l’époque, les Ougandais ne brillaient pas par leur football. Mais actuellement on connaît le niveau de leur football. C’est l’Ouganda que je vois comme un des principaux adversaires du Mali. Je ne néglige pas le Kenya également, parce que les Kenyans, ce sont des gens des «hauts plateaux». Ils ont beaucoup de fond et si on ne fait pas attention, leur souffle dans ces matches peut être vraiment déterminant. Quand les gars du haut plateau descendent à Bamako, en basse altitude par rapport au Kenya leur souffle peut faire mal et perturber les Aigles. D’ailleurs, notre seule confrontation contre eux date de Yaoundé 1972. Ils nous ont tenu en échec (1-1). Par conséquent, il faudrait que les Aigles soient vraiment au top, avant d’affronter ces pays. La qualité du football malien a beaucoup évolué, quand on voit leurs prestations lors de la dernière CAN. Je pense qu’on doit attaquer ces matches avec réalisme.»
L’Essor : Qu’est-ce qui caractérise le football des trois adversaires du Mali ?
Mad Diarra : «La rigueur et le fait que les Anglophones jouent souvent avec trois défenseurs centraux et trois milieux de terrain, deux demies tournants et deux attaquants. C’est le typique du football anglophone. Il faudra maîtriser ça, si on ne la maîtrise pas, on ne peut pas faire des miracles contre ces équipes. Les Maliens manquent de rigueur en attaque où ils sont souvent maladroits, cela est dû à leurs dilettantismes. C’est le défaut de notre football qui nous fait concéder certaines défaites surprises. Notre football a sans doute progressé avec les expatriés, qui sont jeunes et enthousiastes. Ils n’ont peur de rien, mais leur enthousiasme doit s’accompagner surtout d’une grande «grinta».
L’Essor : La Coupe du monde a été créée, il y a près de 100 ans (90 ans pour être précis), mais jusque-là, le Mali n’a pas réussi à se qualifier à la phase finale. Selon vous, qu’est-ce qui explique ça ?
Mad Diarra : «Beaucoup de facteurs peuvent expliquer ça. La Coupe du monde est une épreuve difficile, si nous prenons des pays africains qui se sont qualifiés pour une phase finale de la Coupe du monde, je ne pense pas que ça dépasse 13 : le Nigeria, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Tunisie, le Sénégal, le Maroc, l’Algérie, le Ghana, l’Afrique du Sud, l’Égypte, l’Angola, le Togo et le Zaïre, actuelle RD Congo. Ce sont 13 pays sur 53 pays africains. Je pense qu’on n’a pas à rougir. Tout ce qu’on peut faire, c’est d’avoir de la volonté et surtout une grande détermination pour nous qualifier. Quand il s’agit de nous bagarrer pour gagner, je pense que nous ne faisons pas assez. Le talent que l’on a actuellement, si les joueurs ajoutent beaucoup de « grinta », je crois que ça peut passer.»
L’Essor : En 2022, le Mondial ne se disputera pas pour la première fois en juin-juillet, mais en fin d’année, c’est-à-dire en novembre-décembre. Qu’en pensez-vous ? Autrement dit, ce changement peut-il avoir des effets sur la compétition ?
Mad Diarra : «On ne peut pas jouer dans ces pays arabes en juin et juillet. Déjà, la Coupe du monde a pris un gros coup de chaleur aux États-Unis (1994) avec les fortes chaleurs qui existaient à l’époque et les organismes ont été très sollicités. Le fait que la compétition se déroule en novembre, décembre, je pense que les joueurs seront un peu plus frais, parce que les championnats européens auront démarré vers août-septembre, pour rentrer dans la Coupe du monde. Ce n’est pas une mauvaise chose, la température de la période est adaptée seulement à la pratique aux matches de football.
L’Essor : Si vous aviez un conseil à donner aux Aigles et à leur sélectionneur, Mohamed Magassouba, que diriez-vous ?
Mad Diarra : Il faut que l’équipe du Mali montre beaucoup plus de combativité que lors de la dernière rencontre contre le Sily national de la Guinée (1ère journée des éliminatoires de la CAN 2021, 2-2 au stade du 26 Mars). C’était un match qu’on aurait dû gagner. La preuve, on a dominé toute la rencontre, mais à chaque fois qu’on a marqué on s’est relâché. C’est quand nous sommes menés que nous faisons des efforts pour égaliser. Je souhaite bonne chance aux Aigles pour cette campagne et s’il plaît à Dieu, ça marchera.»
Interview réalisée par
Djènèba BAGAYOKO