Loi de programmation militaire : Où sont passés les milliards de l’armée ?
Dans son adresse à la Nation, le 20 janvier dernier, le président de la Transition, Bah N’Daw, a annoncé l’adoption prochaine d’une nouvelle loi de programmation militaire. Objectif ? Renforcer les capacités de l’armée et des forces de sécurité. Cependant, l’opinion s’interroge : les nouvelles autorités procéderont-elles à un audit de l’ancienne loi initiée par l’ancien régime ? Des enquêtes seront-elles menées sur l’utilisation de la faramineuse somme (1230 milliards F CFA) prévue dans la précédente loi de programmation militaire ? Qui a géré ce fonds ? Et la qualité des équipements achetés pour l’armée ? Comment les nombreux marchés ont-ils été conclus et/exécutés dans le cadre de ladite loi ?
Sous le régime défunt, l’Assemblée Nationale avait adopté, en février 2015, une Loi d’orientation et de programmation militaire. L’adoption de cette loi devrait permettre d’enclencher le processus de la réforme progressive de l’Armée. Ce programme quinquennal (2015-2019) devrait permettre de mobiliser un fonds spécial de plus de 1000 milliards de francs CFA. Cette loi prévoyait également la transformation en profondeur de l’Armée en termes de ressources humaines, de formation, d’effectifs et d’équipements militaires modernes, mais aussi d’amélioration des conditions de vie et de travail du personnel et du commandement.
Cependant, des faits avérés de surfacturation dans la dotation des FAMA de matériels et d’équipements militaires neufs avaient été dénoncés par le Fonds Monétaire International en 2014 et attestés par le Rapport du Vérificateur Général. Sur l’achat des équipements militaires et de l’avion présidentiel, i y a eu aussi de forts soupçons de détournements, de surfacturations, d’escroquerie dans la passation des contrats d’achat des hélicoptères PUMA, comme des avions « Super Tucano ».
Ainsi, de l’achat des aéronefs et d’autres matériels et d’équipements militaires, à la formation des pilotes, un vaste réseau de spoliation des ressources dégagées officiellement pour la mise en œuvre de la loi de programmation militaire. C’est un sulfureux dossier impliquant de Généraux, Ministres et proches collaborateurs et parents de l’ancien Chef de l’État qui a été dénoncé. Ce énième scandale avait poussé la principale coalition de l’opposition de l’époque à demander un audit sur l’utilisation des fonds de la loi programmation militaire.
Aussi, le front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) avait exigé « un audit financier et comptable, dans les plus brefs délais, de l’utilisation des 1230 milliards de francs CFA votés à l’Assemblée Nationale dans le cadre de la loi de programmation militaire. Il exige également une enquête sérieuse sur la livraison, l’état et la disponibilité des équipements militaires », avait déclaré le regretté Soumaïla Cissé, Chef de file de l’opposition.
Même au plan international, l’utilisation de ces fonds avait suscité des interrogations. Ainsi, dans un Rapport sur l’intégrité dans le secteur de la sécurité et de la défense au Mali, publié en octobre 2019, Transparency international soulignait la nécessité d’instaurer un contrôle. « L’Article 8 du Code des marchés publics permet à certaines acquisitions d’échapper au contrôle du Parlement et des mécanismes d’audit externe. De même, le contrôle de l’éligibilité des achats secrets, hors Budget et la supervision de leur exécution par un organe externe indépendant tel que le Bureau du Vérificateur Général (BVG) ou l’Autorité de régulation des marchés publics et des Délégations de services publics (ARMDS), s’avère essentiel », affirma l’ONG internationale.
Au vu de tous ces scandales, la question qui se pose avant l’adoption d’une deuxième Loi de programmation militaire est-ce que ne serait-il pas plus judicieux de procéder à un audit sans complaisance des fonds alloués à l’Armée ? Cela permettra de mettre fin à l’impunité et à la gabegie et surtout sanctionner les délinquants financiers qui ont vidé et présuré les maigres moyens de l’Etat, mettant en danger l’intégrité physique des militaires qui se battent nuit et jour sur le front pour assurer la paix et la sécurité du pays. Cette enquête sera aussi le moyen pour le Président de la Transition, Bah N’Daw, de tenir sa promesse de mettre fin au phénomène d’impunité qui a toujours gangrené ce pays sur tous les plans. « Je combattrai l’impunité de toutes mes forces. On réussira parfois, sous le prétexte de l’urgence, à tromper ma vigilance. Et, parfois, je serai victime de nos faibles capacités d’investigations. Mais, chaque fois que la preuve est établie, je corrigerais l’erreur et la sanction tombera. Personne n’y échappera », déclarait le Chef de l’Etat, lors de son investiture.
Mémé Sanogo
Source: L’Aube