L’HISTOIRE TERRIFIANTE DE LISA MONTGOMERY, PREMIÈRE FEMME EXÉCUTÉE AUX ÉTATS-UNIS DEPUIS 70 ANS
Un crime effroyable a conduit cette femme au couloir de la mort, qu’elle a finalement traversé le 13 janvier 2021. Tandis que certains encourageaient son exécution, d’autres ont imploré la clémence face à la vie qu’elle a menée, et qui expliquerait son geste.
Voilà près de 70 ans que les dernières exécutions fédérales de femmes ont eu lieu. Plus précisément en 1953. De nombreuses années, donc, qui ont vu s’amenuiser la puissance de la peine de mort aux États-Unis, décennie après décennie. Une situation bien différente depuis quelques années puisque le ryhtme des exécutions a considérablement augmenté sous la présidence de Donald Trump. L’un des derniers actes de son mandat avait d’ailleurs eu lieu au pénitencier de Terre Haute, dans l’Indiana, avec la mise à mort de Lisa Montgomery, une Américaine de 52 ans, dont le crime effraie autant que sa propre histoire.
Fausse amitié virtuelle
D’abord, il faut retracer l’horreur avant de gratter à sa surface. En 2004, Lisa Montgomery, du haut de ses 36 ans, ne peut plus avoir d’enfant. Un jour, elle décide de s’inscrire sur un forum appelé « Ratter Chatter », dédié aux fans de terriers écossais, sous le pseudonyme de « Darlene Fisher ». Là, elle repère une certaine Bobbie Jo Stinnett, une jeune femme de 23 ans fraîchement mariée et enceinte de huit mois, qui élève des chiens. Toutes les deux discutent de la pluie et du beau temps durant plusieurs semaines, apprenant à se connaître l’une et l’autre, Lisa Montgomery prétendant même attendre elle aussi un heureux événement. Après avoir déclaré qu’elle souhaite adopter un chiot, cette dernière parcourt 280 kilomètres entre Melvern (Kansas) et Skidmore (Missouri) jusqu’au domicile de son interlocutrice.
Lorsque celle-ci ouvre la porte de sa maison, celle qui prétend s’appeler Darlene Fisher étrangle son hôte avec une corde, lui ouvre l’utérus et s’empare du bébé (qui a survécu ) avant d’abandonner la jeune mère, baignant dans son sang. Les enquêteurs ont vite deviné que l’identité de la criminelle sur le forum était fausse et l’ont finalement retrouvée grâce à son adresse IP. Sa localisation entre leurs mains, ils se rendent chez elle et la découvre avec le poupon dans les bras, dont elle prétend avoir accouché la veille. L’histoire ne tient pas la route, elle avoue, et l’enfant est rendu à son père.
La maison de l’enfer
Trois ans plus tard, en 2007, Lisa Montgomery est condamnée à mort. Ses défenseurs tentent de transformer cette condamnation en une réclusion à perpétuité. Argument : des troubles mentaux causés par des viols en réunion et des violences qu’elle a subies pendant l’enfance.
Il faut dire que le parcours de vie de cette détenue est aussi effroyable que le crime qu’elle a commis. Sa demi-sœur, Diane Mattingly, s’est d’ailleurs exprimée à ce sujet à BBC News. Les deux femmes ont vécu ensemble quelques années dans des conditions bien particulières. « C’était un foyer terrifiant où les abus physiques, psychologiques et sexuels aux mains de Judy Shaughnessy, la mère de Lisa, et de ses petits amis, étaient monnaie courante », se souvient-elle.
Les deux enfants étaient battues et subissaient des punitions cruelles comme se retrouver la bouche scotchée ou, comme Diane Mattingly, poussée nue dans la neige. Le père biologique des enfants avait quitté le foyer et cette demi-sœur a ensuite été emmenée en famille d’accueil. En ce qui concerne Lisa Montgomery, elle était encore à la merci de sa mère. « Judy était manipulatrice et — je déteste utiliser ce mot, mais — méchante. Elle aimait torturer les gens autour d’elle. Elle en tirait de la joie », affirme celle qui a pu s’échapper de la maison de l’enfer.
Car, entre ces quatre murs, Lisa Montgomery s’est retrouvée face au nouveau mari de celle qui lui a donné la vie, un alcoolique violent qui abusait d’elle sexuellement. D’après des proches de la famille, l’homme aurait construit un hangar où lui et ses amis l’ont violée et battue. Sa mère permettant même à des plombiers ou électriciens d’en profiter en échange de travaux à la maison. Elle aurait pourtant pu être aidée car certaines personnes de son entourage étaient au courant mais n’ont jamais réagi, à regret aujourd’hui.
Fascination maladive
À 18 ans, la jeune femme épouse son demi-frère avec qui elle a quatre enfants en cinq ans. Une famille pour reconstruire sa vie ? Pas vraiment. Comme si la violence la pourchassait, son mari la violait et la battait. Progressivement, elle s’est renfermée sur elle-même, développant des troubles mentaux désormais identifiés : bipolarité, stress post-traumatique complexe, trouble dissociatif ou encore lésions cérébrales traumatiques.
Elle divorce et épouse un certain Kevin Montgomery. À l’époque, elle déclare être à nouveau enceinte alors qu’elle a subi une stérilisation après son quatrième enfant. Pour les avocats de Lisa, cette dernière craignait que son ex-mari ne révèle ses mensonges sur sa grossesse et ne les utilise contre elle alors qu’elle cherchait à obtenir la garde de leurs enfants. Un véritable fantasme s’est alors créé : elle voulait à nouveau donner la vie. Et elle a fini par la reprendre.
Jugée impardonnable
Lisa Montgomery et sa demi-sœur ne se sont revues que 34 ans plus tard, dans la salle d’audience sur le point de condamner l’accusée à mort. « Une sœur a été retirée et placée dans un foyer aimant, elle a été élevée et a eu le temps de guérir. L’autre est restée dans cette situation, et celle-ci a empiré, de plus en plus. Et à la fin, elle était brisée », explique Diane Mattingly.
Les avocats de la coupable ont fait parvenir une pétition à Donald Trump, estimant que cette dernière avait vécu une vie de torture et était trop malade mentalement pour être exécutée. Mais, à Skidmore, le lieu du crime, les faits sont beaucoup trop graves pour être oubliés. Le corps de Bobbie Jo Stinnett, retrouvé par sa mère, a littéralement traumatisé la police. « J’aimerais pouvoir remonter le temps et emmener les personnes qui défendent Lisa Montgomery dans cette pièce. Et ensuite, dire : « Regardez ce corps. Restez là et écoutez l’appel au 911 de sa mère. » », confie le shérif du comté, Randy Strong, à BBC News.
Le 11 janvier 2020, un juge fédéral a ordonné un sursis à son exécution pour examiner son état mental. Mais une cour d’appel saisie par le ministère de la Justice a annulé cette décision le lendemain, et la Cour suprême a validé cette révocation. Une procédure quelque peu tourmentée qui traduit bien là la difficulté de juger une telle personnalité. Le débat s’installe : il s’agit d’une véritable meurtrière, certes, mais dans l’incapacité de réaliser l’ampleur de ses actes. L’avocate de Lisa Montgomery, Kelley Henry, a déclaré : « La soif de sang d’une administration en faillite a été pleinement exposée ce soir […] Notre Constitution interdit l’exécution d’une personne qui n’est pas capable de la comprendre de manière rationnelle. L’administration actuelle le sait. Et elle a quand même tué Lisa Montgomery. »