Les symboles de la République et le Palais du Mali : Deux livres qui racontent le Mali
S’il est vrai que « le passé ne vaut que s’il peut servir le présent», il est aussi évident que «celui qui ne connaît pas l’histoire est condamné à la revivre». Ces deux maximes semblent trouver un sens dans les ouvrages : «Les symboles de la République et le Palais du Mali». Parus cette année aux éditions Mémoria, à Bamako, ces deux livres du Français Sébastian Philippe, écrits dans une démarche historiciste, ont une portée didactique et citoyenne. Ils peuvent inculquer à chaque jeune Malien le sentiment de fierté d’appartenir à une Nation aux racines plurielles bien profondes.
Dans la préface des « Symboles de la République du Mali », un livre de 128 pages, le Grand chancelier des Ordres nationaux, le général de brigade Amadou Sagafourou Guèye, définit le symbole comme une représentation porteuse de sens. Il peut prendre plusieurs formes, comme une image, un objet, un son et même un être vivant. «Il se veut unificateur d’un groupe d’individus, d’une société», ajoute le Grand chancelier des Ordres nationaux.
À la manière de Virgile conduisant Dante dans Les Enfers dans « La Divine Comédie », l’auteur de ces deux ouvrages fait aussi découvrir au lecteur les labyrinthes de la symbolique malienne. Le drapeau malien, les signes figuratifs sur les armoiries, les Ordres nationaux du Mali, le sceau de l’État, les institutions, l’armée, les figures historiques et légendaires. Tous ces symboles y sont exposés et expliqués de façon limpide en utilisant des références écrites et orales.
Sur les armoiries, par exemple, le vautour renvoie dans la mythologie malienne au «douga», oiseau légendaire auquel on faisait des offrandes avant de lancer une campagne punitive contre un ennemi. En bas, les deux arcs tendus représentent les armes de guerre des ancêtres.
En réalité, Sébastian Philippe n’a pas cru bon d’écarter le moindre détail pour réussir cette mission pédagogique qu’il s’était imposé de réussir. Mission pédagogique, parce que nous apprenons avec lui, en parcourant cet ouvrage, beaucoup de choses sur le Mali d’hier et d’aujourd’hui. Il relate notre longue marche vers la liberté. Il cherche aussi à figer dans la mémoire collective les actions d’hommes et de femmes qui se sont sacrifiés pour que le Mali soit.
En faisant ce travail mémoriel, l’architecte a eu le sens de la simplification. Il a utilisé à cet effet, un style scriptural dépouillé, dénué de tout pédantisme universitaire. De cette façon, il réussit la vulgarisation de ce passé auprès d’un large public malien. Les jeunes notamment.
Toutefois, Sébastian Philippe semble avoir privilégié dans ce travail «les symboles politiques» de 1960 à aujourd’hui. Il aurait pu y ajouter ceux du monde artistique. Car, il y a de grands noms de la musique malienne dont les voix pénètrent toujours au plus profond de chaque Malien. Leurs chansons, puisées dans notre immense trésor folklorique, nous rappellent notre ascendance commune. Faut-il rappeler Banzouma Sissoko dont le n’goni et la voix, chevrotante mais captivante, imitent le galop du cheval de Bakaridjan Koné, ce guerrier dont la bravoure pourrait inspirer tout militaire malien.
Lors des grands événements qui ponctuent les temps forts de notre Nation, la Radio nationale diffuse en boucle les notes agréables de ce chanteur devenu un symbole du Mali. Ses chants font vibrer notre fibre patriotique. Ali Farka Touré, celui-là qui a chanté la sacralité de la volonté du peuple malien, est un autre monument de l’art musical de notre pays. Tout comme l’Ensemble instrumental, ce groupe musical constitué d’une pluralité d’identités ethniques et qui puise son répertoire des airs musicaux de nos terroirs. Malgré cette hétérogénéité identitaire, tous les poètes et poétesses de ce groupe chantent en chœur le Mali dans nos langues. Ce sont aussi des symboles, dans la mesure où ils nous rassemblent. Il aurait été intéressant de voir leurs photos-portraits orner ce précieux bouquin.
Koulouba : Le Palais du Mali
Difficile de s’ennuyer quand on feuillette cet ouvrage de 137 pages. L’histoire de Koulouba est restituée dans une perspective architecturale. Architecte de son état, Sébastian Philippe a fouillé dans les archives afin de se procurer les premiers plans du bâtiment. Qui ne serait pas charmé par les photos qui sont insérées dans ce document ? Des photos qui font revivre les heures éclatantes et sombres de Koulouba. Le palais avant 1960, pillé en 2012 et réhabilité aujourd’hui dans toute sa magnificence.
Le Palais de Koulouba, apprend-on, qui n’était que la résidence du gouverneur de la colonie du Soudan Français, est devenu en 1960 le siège de la présidence de la République. Il s’élève haut dans le firmament, à la manière du Mont Olympe (la plus haute montagne de Grèce, avec un sommet à 2 917 mètres), siège des divinités dans la mythologie grecque. L’autour de «Koulouba : Le Palais du Mali» relate les modifications progressives subies par ce monument dans un langage iconique et historico-architectural soigné.
L’intérêt et la qualité de ce livre ne justifient-ils pas les raisons pour lesquelles le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta a accepté volontiers de le préfacer ?
Les mots choisis, à cet effet, par l’actuel locataire de Koulouba sont évocateurs : «La rénovation du Palais-culte, à laquelle Philippe vient de contribuer de manière décisive en qualité d’architecte en chef, méritait d’être célébrée et livrée à la connaissance des générations d’hier, d’aujourd’hui et sûrement de demain, de cette brillante façon ».
Lassana NASSOKO