Feu Drissa Diakité fait partie de la cuvée 1971 du baccalauréat malien partie en France pour des études supérieures dans beaucoup de disciplines dont certaines étaient inconnues du monde universitaire français et qui demandèrent des clarifications à propos desquelles les autorités maliennes se montrèrent peu convaincantes et laissèrent au pays d’accueil le soin de gérer le dossier.
L’univers universitaire ne fut pas heureux pour tous ces étudiants atterris au Bourget dans un froid de Sibérie dans la mesure où il y eut plus de déchets que de réussites avec à la clé des fous et des étudiants devenus travailleurs immigrés malgré eux-mêmes, sans compter les autres déclassés sociaux qui font encore partie du vagabondage français.
Drissa Diakité, inscrit à la Sorbonne en histoire et résidant dans diverses cités universitaires, par son courage et sa rage de vaincre l’adversité et le racisme dans les études supérieures en France, parvint à y boucler tous les cycles universitaires et soutenir une thèse de doctorat de 3e cycle sur le Mandé en 1980.
A la cité universitaire d’Anthony, il était connu pour son lyrisme violent sur la situation néocoloniale de l’Afrique indépendante dont il rendait responsables les dirigeants politiques de l’époque, les modérés comme les progressistes.
Les étudiants de l’EN Sup des années 1980-2000 le connaissent bien en tant qu’enseignant-chercheur et en tant que cadre administratif rigoureux et compétent, loin de la corruption qui prévalait alors dans les études.
Drissa Diakité, sans dédaigner les sources occidentales se montra, au fur et à mesure de la profondeur de ses recherches, comme un partisan résolu des sources orales et arabes dont il pensait qu’elles étaient une voie incontournable pour la compréhension et l’écriture de l’histoire de l’Afrique noire.
Intraitable sur la validité des sources orales, il tenait comme des attardés mentaux Hegel le philosophe allemand du XIXe siècle et le comte de Gobineau qui avaient écrit que dépourvue de sources écrites, l’Afrique n’avait point d’histoire. Son premier livre, “Kuyatè, la force du serment”, apparait comme la réhabilitation de l’oralité au Mandé.
On a pu, avec quelques audaces, le comparer à Homère ou à Hérodote, les deux pères de l’histoire occidentale qui partirent des sources orales pour dessiner l’histoire de la Grèce antique et de l’histoire romaine. C’est vrai que ce premier livre de Drissa Diakité ne manque pas d’originalité par son style qui ne fait aucune référence à quelque auteur que ce soit. De la tradition orale rien que celle-ci comme source de l’histoire.
Son avant-dernier texte, “Le mansaya et la société mandingue”, paru aux Editions la Sahélienne/Presse universitaire du Sahel, apparait comme le condensé scientifique de ses recherches sur le Wagadou (Ghana des auteurs arabes) et le Mandé. Le livre s’attarde longuement sur les origines du Mandé primitif et son évolution politique et sociale, les luttes pour le pouvoir politique au XIIIe siècle qui aboutirent à la victoire de Soundiata sur Soumangourou Kanté en 1235.
Devenu quasiment aveugle comme Henri de Montherlant (début du XXe siècle) qu’il aimait tant citer, il ne se découragea pas pour autant et consacra ses dernières énergies à parfaire ses notes dont des morceaux choisis constituent son œuvre posthume sous le titre “Repères”.
Sa disparition représente assurément une grande perte pour le monde universitaire et la communauté scientifique du Mali.
Facoh Donki Diarra
Ecrivain
Mali Tribune