Le gouvernement de Transition du Mali vient d’adopter en ce 5 octobre 2022 un avant-projet de loi portant militarisation de la Police nationale et de la Protection civile après environ 31 ans de pratique démocratique qui avait évité ce paramètre.
Du coup, le syndicalisme qui avait tant divisé la Police par la multitude des syndicats, est interdit comme dans l’armée et la gendarmerie. Le CNT qui est une espèce de caisse de résonnance de la Transition militaire en cours a approuvé ce texte à la majorité absolue. Le projet de loi précise que l’objectif visé par la mesure est d’assurer les arrières dans les zones débarrassées des terroristes et d’y établir la sécurité des personnes et leurs biens convoités par les narco-djihadistes.
Dans un régime républicain et laïc, le corps de la Police est normalement civil, mais dans nos pays déclarés faussement démocratiques, toutes les entorses sous divers prétextes aux principes démocratiques sont permises. L’expérience du CMLN de 1968 à 1991 où la Police avait été militarisée en janvier 1973 doit nous servir de cas d’école par les abus et les excès relevés au sein de ce corps devenu depuis paramilitaire.
Son directeur général, le lieutenant Tiècoro Bagayogo, de sinistre mémoire, s’était permis toutes les extravagances, se comportant en public comme en privé comme un cowboy sous l’œil impuissant de Moussa Traoré pourtant chef de l’Etat. Il est vrai que celui-ci avait été directeur de la milice populaire créée par l’US-RDA et que les malfaisances de ce corps avaient en partie conduit au coup d’Etat de novembre 1968.
On ne le dit pas assez, mais ce fut le régime hitlérien (1933-1945) qui popularisa la militarisation de la Police avec ses créations bizarres comme les SA (sections d’assaut), les SS et la Gestapo, la Police politique d’Hitler. Ces différents corps paramilitaires permirent au dictateur nazi de prendre en otage le peuple allemand durant toute la vie du IIIè Reich. Hitler fut imité par les dictateurs du sud de l’Europe : Franco en Espagne (1892-1975), Salazar au Portugal (1889-1970) et Mussolini en Italie arrêté en 1945 et exécuté par des partisans. Tous ces anti-héros firent de la militarisation de la police un instrument de propagande et de domination au service de leurs folles ambitions.
Si l’on revient au Mali, la militarisation de la Police de janvier 1973 fut le nerf de la guerre pour le Général Moussa Traoré, qui s’en servit pour asseoir sa dictature personnelle sous le CMLN et sa partie civile représentée par l’UDPM. En mars 1991, au nom du maintien d’ordre, la Police militarisée monta au front et fit des victimes par centaines parmi la population civile, les élèves et les étudiants. C’est sans doute pour cette raison que la Conférence nationale d’août 1991 revint sur la copie de la militarisation du corps en le dotant d’un autre statut.
En tout état de cause, il revient à l’armée d’aller à la guerre et de nettoyer ses propres écuries, quitte à créer des régiments spéciaux pour cette tâche.
Facoh Donki Diarra
(écrivain)
Mali Tribune