Les administrateurs civils réclament plus de sécurité : «Les représentants de l’Etat sont le deuxième contingent en termes de pertes en vies humaines après les forces armées »
Les responsables du Syndicat autonome des administrateurs civils (Synac) et du Syndicat libre des travailleurs du ministère de l’administration territoriale (Syltmat) étaient face à la presse, le samedi 22 juin 2019, à la Bourse du travail de Bamako pour exiger la sécurité des représentants de l’Etat. « Les représentants de l’Etat sont le deuxième contingent en termes de pertes en vies humaines après les forces armées et de défense », soulignent les conférenciers. A cet effet, les responsables du SYNAC et SYLTMAT on fait savoir qu’ils « s’engagent désormais à poursuivre en justice toute autorité par la faute de laquelle il y aurait atteinte à la vie d’un représentant de l’Etat ». Aux dires des représentants de l’Etat, la sortie médiatique du ministre de l’administration territoriale, Boubacar Bah est un « non événement ». Vu l’insécurité qui règne au centre du Mali, le SYNAC et le SYLTMAT demandent de nouveau à tous leurs militants dans les 8 cercles et 55 arrondissements de la Région de Mopti à rejoindre la ville de Mopti ou toutes autres localités plus sécurisées, jusqu’au désarmement total de toutes les milices ou jusqu’à la prise de mesure de protection sécuritaire par les autorités compétentes.
Cette conférence de presse était animée par le secrétaire général du SYNAC, Ousmane Christian Diarra, en présence du secrétaire général du SYLTMAT, Olivier Traoré, de Mahamadou Marré du Synac, de Mahamane S Maïga de SYLTMAT et d’autres personnalités. « Le point de presse a pour objet d’informer l’opinion publique nationale et internationale sur la réalité de la situation sécuritaire des représentants de l’Etat sur l’ensemble du territoire national en général, et surtout de ceux de la Région de Mopti en particulier, et de faire une mise au point suite au communiqué du 19 juin 2019 et à l’interview du ministre de l’Administration territoriale en date du 20 juin 2019 en réaction à notre communiqué conjoint du 17 juin 2019 », a déclaré le secrétaire général du SYNAC, Ousmane Christian Diarra qui a lu la déclaration liminaire.
Selon lui, depuis l’éclatement de la crise multiforme en 2012 au Mali, les représentants de l’Etat (Gouverneurs de Région, membres des Cabinets des gouverneurs, préfets, préfets-adjoints et sous-préfets) ont payé un lourd tribut : des morts, des pertes et destructions de biens de toute une vie, des séquelles physiques indélébiles. « Les représentants de l’Etat sont le deuxième contingent en termes de pertes en vies humaines après les forces armées et de défense. De 1990 à nos jours, au total, 17 représentants de l’Etat, sans les épouses et les enfants, ont été tués du fait des différentes rébellions et des assassinats ciblés », a déploré Ousmane Christian Diarra.
En réaction au communiqué et l’interview du ministre en charge de l’Administration territoriale, invitant, hymne national en main, au patriotisme les administrateurs civils en général et les représentants de l’Etat en particulier, Ousmane Christian Diarra a fait savoir que le ministre doit plutôt s’engager à assurer la protection et la sécurisation des représentants de l’Etat. Il a déploré le fait que les autorités ont retiré aux représentants de l’Etat leurs armes individuelles de protection depuis les événements de 2012.
A ses dires, les représentants de l’Etat n’ont de leçons de patriotisme à recevoir d’aucune autorité de ce pays. A l’en croire, les représentants de l’Etat sont les plus exposés de l’insécurité que traverse le Mali depuis 2012. « Face à ces nouvelles donnes, les syndicats ont tiré la sonnette d’alarme et réclamé plus de protection en faveur des représentants de l’Etat. Car au moindre mécontentement contre l’Etat ou tout autre service, les foules furieuses prennent en cibles les représentants de l’Etat, d’où la multiplication des cas de tentatives de lynchage, de saccages et de vandalisme des bureaux et logements ces derniers mois : Kani-Bonzon, Kéniéba, Diré, Sangha. A cette nouvelle forme d’insécurité se sont ajoutés l’assassinat ciblé, les attaques ciblées, les menaces annoncées et exécutées. A titre d’exemple, le 3 mai 2019, le sous-préfet de Boura, dans le Cercle de Yorosso, reçut un message SMS de menace de personnes se réclamant d’Al Qaïda. Comme promis, la menace fut exécutée le 15 mai sans qu’aucune disposition adéquate ne soit prise », a martelé Ousmane Christian Diarra.
«Les menaces nous radicalisent »
Selon lui, c’est au regard de l’insécurité et des menaces de mort que les deux syndicats ont demandé le repli de leurs militants, en attendant le désarmement promis par les plus hautes autorités. « A la date d’aujourd’hui, aucun représentant de l’Etat, hormis les gouverneurs de Région, ne disposent d’une protection adéquate au bureau et à domicile. Aucun sous-préfet (environ 300) dans le pays ne dispose d’un agent de sécurité rapproché », a-t-il dit. Il a cité quelques cas d’agression récents uniquement dans la région de Mopti. « Cercle de Bankass : Le 12 septembre 2015, le sous-préfet de Ouenkoro a été agressé à son domicile par des manifestants. Bilan : 2 véhicules brûlés dont son véhicule personnel et un de l’Inspection de l’intérieur en mission. Cercle de Koro : Le 24 février 2019, le camp militaire de Dioungani subit une attaque quand le sous-préfet y était présent. Le 15 mars 2019, le même sous-préfet fut blessé au cours d’une embuscade tendue par des terroristes alors qu’il se trouvait dans un convoi militaire. Cercle de Bandiagara : Le 15 juin 2019, le premier adjoint au préfet reçoit un message téléphonique (SMS) l’annonçant sa tuerie par égorgement avec tous les membres de sa famille, en raison de son appartenance à l’ethnie peulh », a-t-il cité.
Pour lui, dans un Etat organisé où les autorités ont souci de la représentation de l’Etat et la culture administrative bien maitrisée par les décideurs politiques, il est impensable que les représentants de l’Etat soient amenés à s’organiser pour réclamer de meilleures conditions de travail ou défendre des droits. Et d’ajouter que les autorités nationales pensent que les administrateurs civils doivent être les premiers à affronter les conséquences de leurs faiblesses. « Les CEN SYNAC et SYLTMAT rappellent que leurs militants n’ont pas attendu la lecture de l’hymne national pour être les derniers à quitter Kidal, Tombouctou et Gao en 2012 quand des généraux abandonnaient le navire sans donner l’alerte ! C’est ce qui valut, le 28 juin 1990, la mort de Moussa DIALLO, Chef d’Arrondissement de Tindermen et son épouse enceinte, les toutes premières victimes de la rébellion de 1990 ! C’est ce qui valut la mort de Mohamed SANGARE, préfet de Bourem, avec son fils, le 5 avril 2012! C’est ce qui valut, le 17 mai 2014, la mort aux feux camarades Amadou Belco BAH, Drissa COULIBALY, Commandant Mory DIARRA, Lieutenant Mahamane B TOURE, Sékou CISSOUMA, Paul Marie DIARRA, quand la République se cachait dans le camp de la MINUSMA et s’envolait en catimini par avion », a rappelé Ousmane Christian Diarra.
En outre, il dira que c’est ce qui valut la mort de Ibrahim AG TOUBEISSI, sous-préfet de Ouinerden, assassiné froidement jusqu’à domicile, le 18 mars 2018. « En tirant leçon de la volonté des autorités du département de l’Administration territoriale de mettre les représentants de l’Etat dans une situation d’insécurité sans défense, les CEN (Comités exécutifs nationaux) SYNAC et SYLTMAT s’engagent désormais à poursuivre en justice, au pénal comme au civil, toute autorité par la faute de laquelle il y aurait atteinte à la vie d’un représentant de l’Etat. Les CEN SYNAC et SYLTMAT demandent de nouveau à tous leurs militants dans les 8 cercles et 55 arrondissements de la Région de Mopti à rejoindre la ville de Mopti ou toutes autres localités plus sécurisées, jusqu’au désarmement total de toutes les milices ou jusqu’à la prise de mesure de protection sécuritaire par les autorités compétentes », a-t-il dit.
Répondant aux questions des journalistes, Olivier Traoré a fait savoir que la sortie médiatique du ministre est un « non événement ». « On a peur de rien. Les menaces nous radicalisent », a-t-il dit. Enfin, les conférenciers ont fait savoir que si jamais il y a un mot d’ordre de grève, ça sera respecté tellement que les deux syndicats sont engagés.
Aguibou Sogodogo